Le BAL aux Libellules

Le BAL aux Libellules : Des artistes à la rencontre d'un quartier défavorisé

Depuis 2008, des créateurs mènent le BAL (Biennale des arts contemporains) aux Libellules, un quartier précarisé de la commune de Vernier en cours de transformation qui compte 500 logements et près de 1200 personnes, avec les records de chômage du canton. Pour ses ini-tia-teurs·trices, ce projet vise à lier étroitement création artistique et vie quotidienne des ha-bi-tant·e·s. Nous nous sommes entretenus avec Serge Boulaz, fondateur du BAL et Stéphanie Pfister, enseignante à la Haute école d’art et de design (HEAD) à Genève, sur l’expérience de cette année, dans le domaine des arts visuels.

Comment le BAL a-t-il débuté?

 

Serge Boulaz: Tout a commencé en 2008 par une sorte de photo reportage sur les Libellules : la barre d’immeubles de ce quartier qui avait mauvaise réputation. En m’inspirant de la pensée de l’historien Michel Certeau, je me suis intéressé aux «manières de faire» des gens lorsqu’ils ne travaillent pas : comment ils rusent, comment ils se débrouillent. J’observais différentes pratiques, de la fabrication de bougies artisanales au tricot, en passant par le parcours, un art du déplacement urbain. Je voulais mettre mes compétences à disposition des gens du quartier pour voir ce que nous pourrions faire ensemble. Ma présence régulière sur le terrain a fini par convaincre certains ha­bi­tant·e·s que nous avions des choses à faire ensemble, même si certaines de nos réalisations – une boule à facettes avec des mèches de cheveux collées ou une gigantesque libellule en ferraille de 4 mètres sur 3 – en ont surpris plus d’un·e. L’aspect festif a toujours occupé une place importante, mis en lien avec différentes pratiques artistiques (performance, musique, arts plastiques). Nous avons tissé des liens entre les Libellules et d’autres lieux, la ville de Genève en particulier. Par la suite, nous avons réalisé des «résidences» dans le quartier pour permettre à des artistes d’y vivre en y produisant des œuvres.

 

 

En quoi consiste votre projet cette année?

 

S.B.: Il tourne autour du dessin contemporain et résulte d’une rencontre avec Stéphanie Pfister, co-fondatrice de la maison d’édition Ripopée.

 

Stéphanie Pfister: l’expérience 2014 en cours est née d’une réflexion que nous avons menée avec Serge Boulaz depuis deux ans autour du dessin contemporain. Il est une discipline très vivante et d’une grande diversité, même si elle est moins connue que d’autres expressions artistiques. Nous avons contacté des créateurs locaux, genevois et vaudois, ainsi que quelques artistes étrangers qui se sont enthousiasmés pour ce projet que nous avons appelé Exquis. Nous avons organisé et organisons des ateliers de dessin le mercredi, ouverts aux ha­bi­tant·e·s, en particulier pour les enfants et les aînés que nous invitons à participer. La présentation de cette activité a aussi une dimension pédagogique, puisque chaque mardi, de 18 à 19 heures, des étu­diant·e·s de la HEAD à Genève présentent au public les travaux des artistes invités qui font partie du projet. Nous réalisons enfin un livre qui s’inspire de cette expérience, avec la collaboration de Claude-Hubert Tatot pour les textes et de Noé Cauderay pour les photographies, qui sera achevé le 28 novembre, pour le vernissage.

 

 

Quel soutien avez-vous reçu des associations locales et des autorités?

 

S.B.: Nos interlocuteurs privilégiés ont été la Maison de quartier et l’Association de quartier des Libellules, dont les membres nous ont souvent aidés à préparer les repas lorsque nous organisions des événements publics. Nous avons pu compter aussi sur la compréhension de la Fondation de droit public Emile Dupont, qui gère ces logements subventionnés HBM (Habitations bon marché). Nous avons également eu la chance de bénéficier de l’édicule Art’Lib que la Mairie de Vernier nous a mis a disposition. Cet édicule a été construit dans la barre d’immeuble, dans le cadre de la réhabilitation du quartier qui est en cours. . De leur côté, les autorités avaient de la peine à situer nos projets. S’agissait-il d’initiatives culturelles ou sociales ? Cette ambiguïté est intéressante. En définitive, notre association a pu bénéficier du soutien de la commune de Vernier, de la Ville de Genève et du Bureau de l’intégration du canton. Nous invitons vos lec­teurs·trices à nous rendre visite un mardi soir, de 18 à 19 heures, ou à l’occasion du vernissage, le vendredi 28 novembre à 18 h.

 

Entretien réalisé par Jean Batou

 

Informations pratiques

Le BAL ouvre ses portes au public chaque mardi, de 18 à 19 heures.

Prochains rendez-vous

Rencontre avec les artistes, mardi 11 novembre, avec Jérôme Stettler et Guillaume Dénervaud; mardi 18 novembre, avec Pascale Favre et Alexia Turlin (en collaboration avec C.-H. Tatot).

Vernissage de l’exposition Exquis

Vendredi 28 novembre à 18 h.

(exposition ouverte : samedi 29 et dimanche 30 décembre, mercredi 3 et samedi 6 décembre, de 14 à 18 heures)

Tous ces événements sont organisés au sein de l’édicule Art’Lib, 4A, av. des Libellules, Vernier.

Accès en transports publics: bus nº 9, arrêt « Usine à Gaz ».

Pour en savoir plus

Un bref reportage est disponible en ligne (youtube.com/watch?v=hLOoqgmyoRM);

consulter aussi le site exquis-libellules.tumblr.com.