«Connaître l'ennemi, combattre l'ennemi»

Cet ouvrage est issu du constat que, arrivée à l’aube du troisième millénaire, la situation mondiale s’est dégradée. Le capitalisme et les inégalités de répartition des richesses qui en découlent atteignent leur paroxysme; en Occident, la lutte des classes n’est plus un combat pour les masses populaires qui ont intégré les préceptes bourgeois dans leur mode de vie (pour preuve, l’auteur en appelle aux résultats des dernières votations en Suisse); le rôle protecteur de l’Etat voit partout ses fonctions sociales être tailladées sous la pression des partis défenseurs des intérêts de l’économie. Ainsi, le diktat des oligarchies est devenu la normalité et le fossé qui se creuse, entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien, est de plus en plus profond.

Professeur de sociologie à la retraite, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation entre 2000 et 2008, aujourd’hui vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme, Jean Ziegler a constaté à maintes reprises de ses yeux ce délitement de l’humanité. Paradoxe révélateur s’il en est, la lutte contre la famine est en recul : les enfants qui meurent de faim sont plus nombreux en 2014 qu’ils ne l’étaient en 2001. Pourtant, la production alimentaire mondiale n’a jamais été aussi bonne.

Comment et pourquoi en sommes-nous arrivé là ? Pour commencer son analyse, Ziegler propose une réflexion sur la qualité d’intellectuel et sur le rôle du savoir en général. Ensuite, il reprend et décortique les concepts de classe sociale, d’aliénation, d’idéologie et de savoir qui tous peuvent représenter un outil d’assujettissement dans les mains des dominants ou une arme de libération dans les mains des dominés. Il se penche sur l’utilisation de l’Etat comme instrument de préservation des intérêts de la classe dominante et sur l’idée de nation comme garante des libertés des peuples. Pour étayer son propos, l’auteur a recours à de nombreux exemples, tirés de la littérature autant que de ses propres expériences de terrain. Appuyant ses réflexions sur la théorie marxiste, Ziegler va également chercher de l’inspiration chez des penseurs aussi variés que Galilée, Robespierre, Rousseau, Gramsci, Habermas, Weber, Guevara…

Avec Retournez les fusils !, Jean Ziegler appelle à l’insurrection des consciences mais il signale aussi au monde que, partout, les êtres humains se réveillent. « L’ennemi principal des hommes est aujourd’hui la dictature mondiale des oligarchies du capital financier globalisé et l’ordre absurde qu’elle impose à la planète, avec son cortège d’humiliés, d’affamés, de vies fracassées.» Il est temps de choisir son camp. AM