Cuba/États-Unis

Cuba/États-Unis : L'ouverture des relations diplomatiques et ses conséquences possibles

Le 17 décembre 2014, La Havane et Washington annonçaient le rétablissement de leurs relations diplomatiques même si le blocus contre Cuba reste en vigueur. Ci-dessous, nous publions des extraits d’un article paru dans le journal mexicain La Jornada (le 21.12.2014), de Guillermo Almeyra, vétéran de la gauche révolutionnaire latino-américaine.

La lutte tenace et constante, durant des décennies, du gouvernement et du peuple cubains contre le blocus étasunien vient de produire ses fruits. Barack Obama a dû céder à la pression internationale, comme il l’avait déjà fait avec l’envoi de six prisonniers de Guantanamo en Uruguay. Bien que subsistant, le blocus est frappé à mort : même si les républicains, majoritaires au Congrès, le maintiennent, il deviendra une source de conflits entre les capitalistes étasuniens et le peuple des Etats-Unis et le reste du monde. Par contre, les relations diplomatiques ont été rétablies.

La libération des trois patriotes cubains encore emprisonnés, la reconnaissance étasunienne du gouvernement cubain et la promesse de rayer Cuba de la liste des « Etats terroristes » dressée par les Etats-Unis représentent une grande victoire cubaine, latino-américaine et démocratique. Cette victoire renforcera la lutte anti-impérialiste en Amérique latine et dans le monde. Néanmoins l’extrême droite cubaine et les secteurs capitalistes intéressés par l'investissement à Cuba pourraient également profiter de ce changement de donne. Il ne faut pas non plus oublier les secteurs populaires et nationalistes cubains de Miami qui vont également chercher à faire entendre leurs critiques contre la violence étatique.

 

 

Quelles pourraient être les conséquences de cette victoire ?

 

D’un point de vue économique, il y aura probablement un flux important de devises fortes vers Cuba, suite à l’augmentation des voyages et des fonds envoyés par les Cubains de l’extérieur, du tourisme de masse, des achats faits par les touristes et des investissements immobiliers. Le secteur des services croîtra, tout comme la quantité et la qualité de la consommation urbaine d’aliments. 

Au niveau technologique, Cuba viendra à dépendre du marché étasunien, au lieu de s’approvisionner en Chine et en Europe : il faudra prendre des mesures pour n’importer que les produits utiles et nécessaires. Il y aura aussi une augmentation du « travail à compte propre », des conséquences sociales négatives du tourisme étranger de masse, de la différenciation sociale entre ceux qui vivent de leurs ressources en pesos et ceux qui vivent du tourisme ou reçoivent des fonds envoyés par leurs parents émigrés. Cette couche sociale, qui pourtant n’est pas une classe, unira ses intérêts à ceux d’un secteur de la bureaucratie d’Etat corrompue ou avec des aspirations et des valeurs capitalistes.

Il existe le danger d’une fusion entre cette couche de la bureaucratie et de l’administration et le capitalisme mondial, ce qui créerait une base sociale réelle à l’opposition. Le rôle du pape François renforcera sa popularité dans les secteurs conservateurs à Cuba et l’influence de l’Eglise catholique qui appuiera les nouvelles forces sociales conservatrices pro-marché ou contre-­révolutionnaires dans l’île.

A court terme, Cuba pourrait obtenir plus de devises nécessaires pour payer ses importations d’aliments et de combustibles (dont le prix a baissé en raison de la crise économique mondiale). Néanmoins, le plus important est le stimulant moral et politique que donnera ce triomphe de la ténacité et de la résistance. 

En même temps, la politique cubaine de concessions contrôlées au marché suscitera une discussion sur le caractère et le niveau de ces concessions, ainsi que la définition de celles qui pourraient se révéler dangereuses pour l’indépendance cubaine.

Obama ne cède pas seulement à la pression cubaine. Il agit de manière réaliste et cherche à obtenir par les armes du commerce ce qu’aucun autre président n’a réussi en un demi-siècle. 

 

Guillermo Almeyra 

Traduit et adapté de l’espagnol par Hans-Peter Renk