C'est le G8 qu'il faudrait annuler! Le dire en manifestant est un droit

C´est le G8 qu´il faudrait annuler! Le dire en manifestant est un droit

Le 1er juin aura lieu une grande mobilisation contre le G8, un conclave illégitime, antidémocratique, antisocial. Ce sommet accueillera des chefs d’Etat responsables de la guerre impériale contre l’Irak, ayant entrepris de coloniser ce pays au mépris du droit et des droits humains. Des chefs d’Etat qui cautionnent l’occupation de la Palestine, comme les guerres coloniales des Etats qui en font partie, de la Côte d’Ivoire à la Tchétchénie.


Le G8 impulse des politiques néolibérales accentuant les inégalités, accélérant la concentration des richesses, s’attaquant au droit du travail, précarisant emploi et conditions de vie de la majorité de la population. Il prône le démantèlement des services publics, favorise exclusions culturelles et destruction environnementale. Le G8 légitime guerre et négation des droits démocratiques au nom de la «lutte contre le terrorisme». Le G8 travaille à étrangler plus encore le Sud. C’est un concentré représentatif des violences du système capitaliste, une opération de propagande des puissants. Le G8 devrait être démantelé!


Contre ce monde là se dresse un vaste mouvement social, démocratique et pluraliste, qui s’est affirmé, de Seattle à Florence, en passant par Porto Alegre. Il s’est vu renforcé par les voix de dizaines de millions manifestant-e-s, dans le monde entier, contre la guerre de Bush et de Blair. Des représentant-e-s de ce mouvement viendront par milliers, début juin, pour protester contre les politiques du G8.


Ce n’est pas une «opération» mise en scène par quelques personnalités ou comités. C’est l’exercice libre d’un droit démocratique – celui de manifester – par des dizaines de milliers de citoyen-ne-s refusant de se résigner aux violences, injustices et inégalités croissantes. Nul n’est propriétaire de ce mouvement, il n’a ni état-major ni «quartier général», c’est l’une de ses forces… Il vient d’en bas!


Or deux scénarios s’opposent: l’un incarné par le Forum Social de Florence, où près d’un million de personnes ont été accueillies, ont manifesté et débattu, dans une ville grande comme Genève… massivement, et sans violence. L’autre, choisi par Berlusconi à Gênes, celui de la provocation policière, de la violence, de la répression… de la négation du droit de manifester et de l’état d’exception!


Du côté du Forum social lémanique, on travaille à la première option. Accueil des manifestant-e-s, parcours adapté, position en faveur d’une manif pacifique, opposition à toute action portant atteinte aux personnes ou biens, à toute action «directe» minoritaire divisant le mouvement, logique de responsabilisation des manifestant-e-s mêmes par rapport aux objectifs de la manif, organisation, de manière distincte de celle-ci, de blocages d’accès au G8 dans une logique de désobéissance civile non-violente.


Cette position a été relayée, au parlement genevois, par la convocation d’une séance extraordinaire – demandée par la gauche – pour qu’il se prononce en faveur du droit de manifester, non seulement formel, mais réel, par l’appui à une Genève «ville ouverte» qui mette en place un vrai accueil, avec un engagement de la police, le moins provocant possible, se fondant sur le respect des accords, contrairement aux précédents de Davos ou de Cornavin lors de la dernière manif anti-OMC à Genève.


Cette logique a marqué des points: retrait de l’accueil officiel de Bush à Cointrin, rétablissement du droit de manifester à Genève, qui avait été remis en cause au profit d’une «exportation» des manifestant-e-s en France, négociations avec les autorités…


Autre côté, autre logique – celle des libéraux genevois Halpérin & Co ou de leurs comparses UDC – relayée par l’hystérie de certains médias: elle joue les boute-feu, parie sur le pire et demande la suspension de l’exercice des droits démocratiques et l’interdiction de la manifestation à Genève! Cette position a peu de chance d’être majoritaire, mais est fonctionnelle pour la droite: elle permet de diaboliser les manifestant-e-s, de décourager certain-e-s de participer à la manif et de transformer en capital politique tout incident… que ce climat aura contribué à susciter.


A Lausanne, le conseiller national Joseph Zisyadis, suite à un débordement d’une petite minorité, en marge de la manifestation du Premier Mai, qui a provoqué des dégâts limités à l’un de ses Palaces (ne dépassant pas ceux commis par certains supporters excités à l’issue d’un match de foot!) a appelé publiquement – avant même toute discussion au collectif anti-G8 – à l’«annulation» des manifs de Lausanne, se retirant ensuite du dit collectif. Nous ne pouvons approuver cette attitude, immédiatement exploitée par les tenants d’une ligne répressive.


Certes, les déprédations du Premier Mai à Lausanne n’ont aucun sens politique. Elles apportent de l’eau au moulin de ceux qui veulent criminaliser le mouvement altermondialiste et mettre en cause les libertés démocratiques, en particulier le droit de manifester. Ces actes doivent par conséquent être clairement condamnés. Mais ce n’est pas une raison pour appeler à l’annulation de toute manif à Lausanne! S’il faut annuler celle de Lausanne, pourquoi ne pas l’interdire à Genève… ou «annuler» celle du Premier Mai l’an prochain à Lausanne, puisqu’elle a été l’occasion de tels incidents?


Il est indispensable de défendre le droit de manifester pacifiquement, aussi bien le premier juin prochain, lors de la grande manifestation à Genève, que les jours qui précèdent à Lausanne, pour permettre la libre expression de toutes celles et tous ceux qui s’opposent au monde des Bush, Sharon, Blair, Aznar ou Poutine!


Jean-Michel DOLIVO

Pierre VANEK