Des militants belges ont aménagé un campement pour 5000 réfugié·e·s

Durant tout le mois de septembre, le parc Maximilien à Bruxelles a servi d’abri pour plus 5000 requérant·e·s d’asile (en moyenne de 900 à 1200 personnes par jour). Les migrant·e·s arrivant en Belgique sont tenus de s’enregistrer à l’Office des Etrangers, tout à côté du parc, avant d’obtenir une place d’accueil. Or, l’Office n’a pas su anticiper la vague d’arrivées actuelle, et les réfugié·e·s qui avaient désespérément attendu leur tour devant le bâtiment se retrouvaient en fin de journée sans lieu où dormir.

Un camp d’urgence pour apporter le minimum vital (des tentes, des soins et trois repas par jour) aux migrant·e·s a été mis sur pied par une Plateforme citoyenne de manière spontanée. Entretien avec Charlotte, une des organisatrices du camp.

Comment un tel mouvement de solidarité citoyenne s’est-il mis sur pied?

Charlotte  Tout a démarré lorsqu’une manifestation de soutien aux sans-papiers s’est achevée à l’Office des Etrangers, où depuis deux semaines plusieurs dizaines de migrant·e·s étaient contraints de dormir devant le bâtiment, sur le trottoir, en attendant leur enregistrement. Une assemblée s’est spontanément tenue dehors, près de l’ébauche du campement qui a ensuite vu le jour. Toutefois, les premières demandes des réfugié·e·s concernaient moins des aspects matériels que de l’information juridique, des conseils administratifs, etc.

Suite à cette grande assemblée, une page Facebook a été lancée, présentant la situation et la volonté de développer le camp, et de suite, des centaines de messages de soutien sont arrivés. La première réponse à ces messages a été de venir au parc en apportant tout ce qui était possible avec soi. Durant plusieurs jours, c’est une véritable cohue qu’il a fallu affronter et réguler. Il a été nécessaire de trouver des solutions de stockage, puis la situation est devenue vraiment ingérable et le mot d’ordre a été transmis de ne plus rien amener. Par contre, le besoin de main d’œuvre, de personnes prêtes à passer du temps à aider dans le camp, était toujours présent. Un stand d’accueil des bénévoles a même été organisé.

L’essentiel de l’élaboration du camp est due au travail des militant·e·s. Quelques ONG se sont impliquées (Médecins du monde a par exemple établi une tente de consultations médicales) mais c’était faible proportionnellement. Une dynamique très large, composée de centaines de bénévoles – des particuliers mais aussi des compagnies privées, de téléphone par exemple –, ont apporté une grande partie du matériel utile : bâches, tonnelles, palettes qui ont fourni un excellent plancher quand il a plu, etc. Une école, une mosquée, des terrains de foot ont été construits, des musi­cien·ne·s ont apporté des instruments pour permettre aux migrant·e·s de jouer, et une cuisine mobile puis en dur a été installée. Malgré toute cette infrastructure, cela restait un camp de réfugié·e·s, avec ses urgences permanentes à régler. Une quarantaine de militant·e·s clés, ayant un regard complet sur la situation, ont dû maintenir leur présence en continu.

 

Concernant les autorités, quel soutien (ou sanction) avez-vous reçu?

La Ville a fourni un service minimum, apportant un peu de matériel comme des tentes. En fait, c’était plutôt un bras-de-fer en continu. Il n’y a pas eu de soutien de la Ville, mais une confrontation importante avec ses services et des menaces d’évacuation.

Au niveau fédéral, le gouvernement belge prétendait ne pas pouvoir assurer davantage de pré-accueil ou augmenter la cadence de l’enregistrement. Or, cette année on compte seulement 20 000 enregistrements, contre près de 40 000 durant l’année 2000 ! Face à cette hypocrisie, le camp de réfugié·e·s était un véritable pied de nez. Finalement, le gouvernement a plié et s’est vu contraint de préparer des places de pré-accueil supplémentaires.

 

Vous avez décidé de cesser l’accueil dans le parc car la Plateforme citoyenne n’avait pas à pallier à un devoir de l’Etat. Quelle réaction face à cette décision de fermeture?

Cinq cent places de pré-accueil ont été organisées dans une tour (WTC III) gérée par la Croix-Rouge, auxquelles 500 places supplémentaires ont été ajoutées. Mais la situation restait tendue car les réfugié·e·s se sentaient mieux dans le parc que dans la tour, dont l’accès et les conditions de vie étaient limités. Comme le parc ne se désengorgeait pas, en parallèle des places officielles, 700 places de pré-accueil chez des particuliers (de l’accueil solidaire) ont été proposées aux autorités. Toutes ne conviennent pas, et aujourd’hui seules 200 personnes sont logées ainsi. L’Université libre de Bruxelles accueille également 50 personnes dans ses locaux.

La décision de fermer le camp a été prise rapidement car la situation devenait compliquée, le quartier n’est pas facile, il fallait assurer la sécurité du camp, se protéger des patrouilles de police, la tension montait. De plus, le temps se dégradait avec la fin de l’été, des maladies pulmonaires ont commencé à être recensées, etc. Il fallait y aller au coup de force. Toutefois, nous avons attendu d’avoir la garantie que tout le monde était logé avant de déclarer la fermeture du camp.

Même si le dortoir en plein air a fermé, nous avons obtenu de la Ville une concession de 1000 m2 à côté du camp pour garder la dynamique et maintenir les services apportés par les bénévoles. D’autres luttes vont encore être menées, des tensions existent par exemple au niveau des centres d’accueil ou avec les sans-papiers qui sont les premières victimes lorsque les places d’accueil se font rares. Plusieurs manifestations avec des milliers de participant·e·s ont eu lieu récemment, et démontrent que le combat ne s’arrêtera pas là.

Propos recueillis par  Aude Martenot