Fiscalité des entreprises

Fiscalité des entreprises : Le PSS se décide enfin à lancer le référendum sur un terrain miné

Après des mois d’hésitations, le 31 mars dernier, Christian Levrat, président du PSS, a annoncé que le PSS lancerait finalement un référendum contre la RIE 3. Une décision que nous saluons, même si nous regrettons son caractère tardif et ambigu.

Rappelons que le projet RIE 3 consiste à introduire une salve de quatre, voire cinq nouveaux privilèges fiscaux au profit des actionnaires des grandes entreprises de Suisse. En effet, sous prétexte d’en finir avec les statuts spéciaux dont profitent à ce jour une partie des transnationales, ce sont l’ensemble des sociétés qui verront diminuer massivement l’imposition de leurs bénéfices, générant des pertes estimées à 5 milliards de francs par année pour les collectivités publiques et relançant le dumping fiscal exercé par la Suisse à l’échelle internationale (cf. nos 285 et 277 de solidaritéS).

Face à un tel recul, Le PSS a jusqu’à ce jour défendu une ligne de compromis: soutien à l’esprit de cette réforme qui consiste à alléger la fiscalité des entreprises, en particulier des plus grandes, mais attention à ne pas trop charger le bateau. Ainsi pensait-il s’éviter l’«inconfort» d’une bataille référendaire contre les intérêts des grands groupes économiques de ce pays. Force est de constater que leurs collègues bourgeois aux Chambres ne leur ont offert aucune porte de sortie pour justifier le refus de livrer bataille.

C’est pourquoi la direction socialiste a enfin accepté de participer au lancement du référendum, suite aussi à l’annonce par solidaritéS et d’autres forces politiques et syndicales de gauche que le référendum serait lancé dans tous les cas. Nous nous réjouissons de cette décision, dans la mesure où l’implication du PSS devrait permettre de construire un front beaucoup plus large, en mesure de convaincre un plus grand nombre personnes de voter non.

Pourtant, on ne saurait manquer de relever que les tergiversations et les ambigüités du PS ont mis des bâtons dans les roues aux opposant·e·s de la première heure. Le fait qu’après un premier coup d’essai du PS neuchâtelois, le PS vaudois ait soutenu un avant-projet cantonal de RIE 3, présenté comme inévitable, avec taux d’imposition des bénéfices bien inférieur au taux plancher revendiqué par le PSS (13,8 % au lieu de 16 %), et que la direction nationale du PSS, Levrat en tête, ait alors taxé cette anticipation de «compromis historique», sème aujourd’hui la confusion.

Philippe Stern, patron de Patek Philippe disait récemment avec clairvoyance: «Quand je discute avec les autorités vaudoises [à majorité dite de gauche], j’ai l’impression d’être en face de véritables hommes d’affaires.» (Le Temps, 24.03.2016). La vérité sort souvent de la bouche de nos adversaires. Mais dans la qualité de business men, ils ont affaibli la bataille que l’ensemble de la gauche (y compris le PSS) est aujourd’hui contrainte de mener pour faire échec à la RIE 3.

De plus, l’introduction de la RIE 3-VD lance dès aujourd’hui un nouveau round de dumping fiscal intercantonal, concurrence au sein de laquelle il devient plus difficile de lutter contre ces cadeaux fiscaux en cascade. Autrement dit, la direction du PSS a abondamment savonné la planche sur laquelle elle se voit aujourd’hui contrainte de mener bataille. Il ne sera pas facile de dépasser ce handicap, même si nous ferons tout pour arracher une victoire en votation populaire.

Pierre Conscience