Citizen United!

Citizen United! : Plongée dans la campagne de Bernie Sanders pour la primaire du parti Démocrate à New York

Entretien avec Lionel Rupp et Michael Mitchell, cinéastes de ce documentaire. Ils sont membres de Zooscope, collectif d’artistes transdiciplinaire, basé à Lausanne, qui a pour but la création et la production entre les artistes du collectif, ainsi que des oeuvres collectives. Ils travaillent également ensemble au sein de leur agence de communication, Paperboy.

Pouvez-vous décrire et présenter votre documentaire et son propos?

Avant de parler du film en lui-même, il est important de parler du processus qui nous a permis de monter ce projet. Grâce à Zooscope et à Paperboy, nous avions le matériel nécessaire au tournage, et à l’interne du collectif, nous avons une sorte de système «d’auto-­subventionnement». Cela nous a permis de partir très rapidement en tournage, sans attendre le long délai de demande de subvention. Michael et moi débattions souvent des primaires, et seulement deux semaines avant qu’elles se tiennent, on s’est dit que celle de New York était décisive.

A peine avons-nous eu l’idée d’en faire un film, nous sommes partis sur place. Cette démarche intuitive et spontanée a influencé la réalisation du film, qui s’est construit au fur et à mesure des rencontres.

Notre terrain c’était les primaires démocrates, notre intérêt la campagne de Bernie Sanders et nos sujets les militant·e·s du candidat. Nous voulions sentir la «pulsation», comment cette campagne vivait au niveau des militant·e·s de base. Nous sommes allés directement à leur rencontre. Cela nous a permis de nous immiscer dans la campagne de manière très sensible, avec une grande proximité et, au fil des échanges, nous avons traversé toute la ville, du Queens, au Bronx, en passant par Brooklyn.

Le propos s’est ainsi dessiné à travers les revendications des militant·e·s que nous filmions.

Plusieurs grands thèmes sont ressortis, les difficultés d’accès au vote, le parti pris des médias et le financement des campagnes. Selon nous, la démocratie aux Etats-Unis est malade, et un des symptômes de cette maladie est le phénomène que l’on appelle là-bas «the voter suppression». Tout un système est mis en place pour dissuader de nouveaux-elles électeurs·trices de voter. Par exemple, pour pouvoir participer au scrutin, il fallait s’inscrire sur les listes démocrates 6 mois avant le vote. Selon nous, c’est une stratégie pour garder le «statu quo», ce qui a favorisé Clinton.

L’autre grand thème que l’on traite est le financement de la campagne. En effet, l’arrêt «Citizens United v. Federal Election Commission» rendu par la Cour suprême des Etats-Unis le 21 janvier 2010 permet de financer les campagnes électorales d’une manière complètement opaque. Bernie Sanders lutte contre cet arrêt et en a fait un thème de sa campagne. L’argent dans la politique est une des causes de la grande maladie de la démocratie US.

Quelles autres revendications vous ont frappées dans la campagne de Bernie Sanders et celle de ses militant·e·s?

Pour nous, un élément qui a été vraiment au coeur de sa campagne, c’est la gratuité des universités, afin de mettre fin à l’endettement massif des étudiant·e·s. Cette revendication est très forte et a eu un grand écho. Un autre aspect, est que Bernie a su se distancer des polémiques médiatiques, par exemple lorsqu’on lui a posé des questions sur l’affaire des courriels d’Hillary Clinton, il a refusé de répondre et a recentré le débat sur les big issues, en recardant la discussion sur le salaire minimum et la réduction des inégalités.

Ces positions, dans un contexte européen, seraient qualifiées de «social-démocrates». Et même selon Noam Chomsky, sur l’échiquier politique américain, Sanders est le seul vrai démocrate, alors que Clinton est une républicaine libérale et Trump est tout simplement beaucoup trop extrême pour être inclus dans un parti.

Afin de financer la suite de la production de votre film, vous avez lancé une campagne de financement participatif sur internet. Pourquoi ce choix?

Premièrement, notre démarche n’est pas subventionnable. Notre production s’est faite trop rapidement pour la recherche de fond, mais également car notre sujet n’intéressait déjà plus des producteurs comme la RTS avec qui nous avons eu contact. Ils nous ont dit que Sanders était déjà du passé, prédisant déjà la défaite aux primaires de New York. Ce qui nous intéresse justement, c’est de raconter l’histoire du vaincu. Or, c’est justement en partie à cause de l’arrêté «Citizens United v. Federal Election Commission» qui a permis à Clinton et Trump d’investir massivement de l’argent dans leurs campagnes sans aucun contrôle, que Sanders a été mis de côté par les médias. Le titre de notre projet est justement «Citizen United» car la campagne participative de Sanders redonne un sens à ses mots là où ils ont été dénaturés, voire trahis.

Ainsi la question du financement de notre film fait écho à cela et est une question politique. Une campagne de financement participatif était alors une évidence pour nous. S’il y a bien un mouvement qui pouvait nous aider, c’est un mouvement participatif, citoyen et qui fait le lien avec le financement de la campagne de Bernie Sanders. D’ailleurs, en clin d’œil, nous avons décidé de fixer des contributions sur une base de 27 $, qui est la fameuse donation moyenne et qu’il cite à chacun de ses meetings.

Campagne de financement participatif sur: indiegogo.com/projects/citizens-united–2#