Un curieux manifeste du syndicat Unia

500 participant·e·s se sont rassemblé·e·s à Berne, le 17 juin dernier, pour adopter un document intitulé «Manifeste pour une Suisse industrielle» adressé au Conseil fédéral.

Ce long texte de 4 pages serrées, dont la clarté n’est pas la qualité première, est le prolongement des positions d’Unia dans le domaine de l’industrie. La recherche d’alliances avec les secteurs du patronat opposés à l’abandon relatif de la défense du franc décidé par la BNS avait déjà conduit à la rencontre publique syndicats – Hayek (Swatch) – Spuhler (Stadler Rail) de juin 2015 et à la rédaction de divers documents.

Le manifeste annonce que nous sommes dans la révolution industrielle 4.0, et qu’il faut sauver la place industrielle suisse. Quatre demandes sont adressées au Conseil Fédéral et au parlement:

  • «Stopper immédiatement la politique du franc fort. » Comment? Le texte ne le dit pas.
  • «Que la Constitution accorde au travail un statut privilégié, qui soit inviolable […] et consacre le principe du droit au travail. » Langue de bois ou annonce d’une future initiative législative (!)?
  • «Pour commencer le Conseil fédéral doit rapidement convoquer une vaste conférence publique tripartite sur la Suisse industrielle et l’industrie 4.0. » Et que défendra Unia à cette occasion? Le franc fort et un statut pour le travail? Tout un programme…
  • Qu’«un nouveau scrutin porte sur nos relations avec l’UE et sur la libre-circulation des personnes. »

S’ensuit une description de la dite révolution industrielle 4.0 pour en conclure: «en réponse à cette évolution, il faudra toujours plus assurer le financement des systèmes de sécurité sociale par la TVA et non par des prélèvements salariaux. » Bonjour la dégradation des assurances sociales, le financement par la TVA étant particulièrement peu solidaire. Le Manifeste se conclut par cinq conditions qui doivent être réunies pour sauver la Suisse industrielle:

  1. «Contrôle accru de la place financière. »
  2. «Mise en place d’un fonds tripartite de soutien à la production et à l’innovation. » Qui est sensé alimenter ce fonds? Rien n’est dit à ce sujet.
  3. «Agenda de politique industrielle (formation, perfectionnement, accès à la technologie). »
  4. («Statut du travail. Le Conseil fédéral et le parlement amélioreront, subsidiairement au partenariat social, la protection contre le licenciement, les mesures d’accompagnement, ainsi que la protection des salaires et du travail». Pourquoi subsidiairement?
  5. «Rôle central de l’industrie […] Tout doit commencer par l’organisation de la grande conférence tripartite de l’industrie. »

Beaucoup de verbiage, de belles paroles, mais qu’en est-il du salaire minimum, de la diminution du temps de travail, des conventions collectives étendues obligatoires, de l’amélioration des retraites, du contrôle du marché du travail? Sans mesure de lutte proposée, ce manifeste est taillé sur mesure pour le responsable industrie d’Unia, Corrado Pardini, par ailleurs conseiller national socialiste, qui pourra poursuivre ses recherches d’alliance avec le patronat.

Tout cela se déroule au moment où le patronat de la métallurgie se prépare ouvertement à évincer Unia comme partenaire des négociations. Ce Manifeste, mal ficelé, que peut-être personne ne lira, adressé au parlement et au Conseil fédéral, est-ce là la réponse d’Unia aux attaques sociales quotidiennes que vivent les travailleurs·euses de ces secteurs? Où et par qui cette stratégie est-elle discutée au sein d’Unia?

Sur une banderole du rassemblement du 17 juin on pouvait lire «Finie la comédie, la Suisse c’est l’industrie», on aurait préféré lire «Finie la comédie Pardini, mobilisation pour la défense du monde du travail», et voir Unia agir en conséquence. HVu