Un enfant de Salò à la Tchaux!

Un enfant de Salò à la Tchaux!

Du 4 octobre au 3 novembre 2002,
l’association «Vivre la Chaux-de-
Fonds» organise un cycle de manifestations
culturelles «Italie 2002». De
son côté, le «Conseil général des
Italiens de l’étranger» (CGIE) siège à
la Chaux-de-Fonds et à Neuchâtel du 2
au 6 octobre 2002. Mais ces activités
suscitent aujourd’hui une question:
les autorités de La Chaux-de-Fonds
dérouleront-elles le tapis rouge pour
le gouvernement Berlusconi et son
ministre néo-faciste invité, Mirko
Tremaglia?

Le 8 décembre 2001, L’Impartial relatait le voyage à
Rome d’une importante délégation à laquelle participait
le conseiller communal Charles Augsburger,
membre du parti socialiste neuchâtelois (PSN). Une
photo, au Château Saint-Ange (Rome), montre le
municipal britchon posant avec les ministres Carlo
Marsili et Mirko Tremaglia.

Un ministre au lourd passé

La biographie de Mirko Tremaglia, «ministre des
Italiens dans le monde», est connue en Italie: il servit
en 1943-1945 dans les milices de la République de
Salo (ultime soubresaut du fascisme). Inscrit en 1946
au Mouvement social italien (MSI), Tremaglia a siégé
au Parlement depuis 1972. Il s’opposa à la mutation
de ce parti néo-fasciste en formation plus
«présentable», l’Alliance nationale, et n’a jamais renié
son engagement dans les rangs nazis/fascistes1.

De plus, la politique du gouvernement actuel frise la
violation des libertés démocratiques2, comme le
chevalier d’industrie qui le préside frise le Code
pénal…: Berlusconi et plusieurs cadres de son empire
économique sont toujours inculpés pour corruption et
fraude fiscale3.

Raison supplémentaire pour s’opposer à la venue de
Tremaglia4: le gouvernement Berlusconi est responsable
de l’assassinat de Carlo Giuliani, le 20 juillet
2001, par la police, lors de la répression brutale des
manifestations contre le sommet du G85.

Une amnésie historique inquiétante

Il fut un temps, pas si déraisonnable, où la Chaux-de-Fonds ne déroulait pas le tapis rouge pour les
représentants du fascisme. Quelques exemples:
durant la guerre civile en Espagne, il y eut de nombreuses
actions de solidarité organisées par les
«Amis de l’Espagne républicaine»6; après l’avènement
du nazisme (1933) et la défaite des socialistes
autrichiens (1934), plusieurs jeunes intellectuels7 –
souvent membres de la Jeunesse socialiste –
fondèrent un «Front anti-fasciste», avec l’appui du
dirigeant socialiste neuchâtelois, Paul Graber8; durant
la guerre d’Algérie, des déserteurs français furent
accueillis à la Chaux-de-Fonds; en 1963, la Ville
organisa une semaine culturelle espagnole, largement
ouverte aux opposant/es anti-franquistes; en septembre
1975, des centaines de manifestants défilèrent sur
le «Pod» (l’avenue Léopold-Robert) pour dénoncer
l’assassinat de 5 militants du FRAP et de ETA-V par le
franquisme.

Les autorités chaux-de-fonnières passeront-elles pardessus
bord ce passé honorable, au nom de la noningérence
dans les affaires italiennes – en utilisant l’argument
fallacieux: «Berlusconi a été élu démocratiquement»9 -, et contribueront-elles à fournir un certificat de
bonne vie et mœurs démocratiques à Mirko Tremaglia
(qui utilise cette invitation justement à cette fin)?

Accueillons l’Autre Italie!

Parmi les protestations connues: André Babey, président
d’ATTAC-Neuchâtel, a écrit à Charles Augsburger
(décembre 2001); le POP a déposé une interpellation
au Conseil général de la ville. L’Impartial du 15.1.2002
rend compte de l’opposition manifestée par une partie
de la communauté italienne. Comme mesure de
salubrité publique, solidaritéS/NE participera aux
protestations qui auront lieu, si le Conseil communal
de La Chaux-de-Fonds et les organisateurs de «Italie
2002» devaient maintenir l’ invitation faite au M(S)Inistre
Tremaglia…

Pour faire entendre la voix de l’Autre Italie en lutte
contre le gouvernement Berlusconi-Fini-Bossi, nous
suggérons d’inviter le porte-parole du «Genoa Social
Forum
», Vittorio Agnoletto10. Par ailleurs, solidaritéS
s’associera à la commémoration du 25 avril 1945
(date où le Nord de l’Italie se libéra de l’occupation
nazie et du régime mussolinien) organisée par la
Colonia Libera Italiana (Neuchâtel).

Hans-Peter RENK

  1. «Livre noir de la nomenklatura capitaliste mondiale », site Internet : http://homeusers.brutele.be/r.romain/biographies1.html
  2. Les responsables de plusieurs institutions culturelles viennent d’être limogés pour faire place aux hommes du «Cavaliere».
  3. Berlusconi, qui tente de museler les magistrats jugés trop pugnaces, a refusé d’inclure plusieurs délits économiques dans le mandat d’arrêt européen.
  4. Impartial des 8.12.2001 et 5.1.2002, sur les tentatives de «blanchissage» de Tremaglia par certains représentants de la communauté italienne.
  5. solidaritéS- Genève, N° 132 – 30.8.2001.
  6. Luc Van Dongen, «Solidarité ouvrière et anti-fascisme: les Amis de l’Espagne républicaine à la Chaux-de-Fonds (1936-1939)», in: Cahiers d’histoire du mouvement ouvrier, No 13, 1997
  7. Georges-Henri Pointet (mort dans les rangs des Forces françaises libres en 1944), André Corswant (ultérieurement dirigeant du POP), Pierre Hirsch (membre de la Nouvelle gauche socialiste dans les années 1958-1963).
  8. Auteur d’un ouvrage, «Le corset de fer du fascisme : 1919-1934» La Chaux-de-Fonds, Ed. du Flambeau, 1935).
  9. La loi électorale permet à la coalition de droite, minoritaire en suffrages, d’obtenir la majorité au Parlement.
  10. Après Gênes, Vittorio Agnoletto, responsable d’un programme de lutte contre le SIDA, a été révoqué par le ministre de la Santé.