La Maison Ramuz et la spéculation immobilière
En 1930, Charles-Ferdinand Ramuz acquérait en bordure du village de Pully une maison qu’il a occupée jusqu’à sa mort en 1947. Depuis, l’appartement occupé par l’écrivain vaudois a été pratiquement laissé en l’état. Or, en accord avec le syndic PLR de la ville de Pully et la directrice des musées de la banlieue aisée de Lausanne, les héritiers du grand écrivain ont proposé de créer dans La Muette un «espace muséal». Mais réduire l’accès de la maison Ramuz au seul bureau naguère occupé par l’écrivain et à deux pièces de l’entresol, est-ce bien «ouvrir la maison Ramuz» au public, comme titrait le quotidien 24 Heures du 30 mai dernier?
UNIL
Il s’agit d’une opération immobilière visant la transformation de la maison de Ramuz: création de cinq appartements en réservant la jouissance du jardin aux propriétaires. Approché, l’Etat de Vaud s’est détourné de la proposition d’un sauvetage de l’ensemble de la maison ; il appuie donc tacitement le projet immobilier. On peut s’étonner du désintérêt des services de Pascal Broulis, chef du Département des finances et des relations extérieures, pour ce qui subsiste du patrimoine architectural et culturel du canton.
Pourtant le grand argentier, année après année, se vante des larges excédents de recettes du budget cantonal (194 millions en 2015, 186 millions en 2016). De fait, le renoncement de l’Etat à la sauvegarde de la Maison Ramuz s’inscrit dans une politique qui favorise la spéculation immobilière sur l’ensemble de l’arc alémanique, au profit de riches étrangers·ères qui investissent dans un secteur immobilier échappant à toute loi contre le blanchiment de l’argent sale.
Appartements vides
Le 21 juin dernier, en dépit d’une pétition signée par plus de 1800 personnes, le Conseil communal de Pully a approuvé le projet de création d’un «espace muséal» consacré à l’écrivain Ramuz et, de ce fait, le projet immobilier dont l’ensemble de la maison est la victime. Curieuse coïncidence: dans un entretien publié dans Le Temps le matin même du vote, le syndic PLR de Pully répondait au reproche de bétonnage de la commune. Se retranchant derrière «les droits à bâtir», il se gardait bien de mentionner que les «projets architecturaux» remplaçant les belles villas du bord du lac avec leurs grands jardins correspondent à des immeubles de luxe: ensembles de PPE en général vendues à de très riches étrangers·ères. De l’aveu même du syndic, ces appartements, qui restent pour la plupart inoccupés, se vendent jusqu’à 40 000 francs le mètre carré!
Dans la foulée, le Conseil communal a réduit le personnel destiné à animer le futur Musée Ramuz de pratiquement un poste plein temps sur les trois prévus. Exemple frappant des effets de l’idéologie néo-libérale: on tend à la maximisation des profits privés en particulier par l’imposition de plans d’austérité aux services publics assurés par l’Etat.
Claude Calame