Imposition du capital

Imposition du capital : Un allègement chasse l'autre

Alors que le Conseil fédéral n’a pas encore publié son message présentant le Projet fiscal 17, trois mesures en préparation visent une défiscalisation du capital. Austérité d’un côté, privilèges de l’autre: une politique pour renforcer les inégalités.

Le rejet par le peuple de la RIE 3 en février 2017 avait refroidi provisoirement les ardeurs libérales. La commission de l’économie du Conseil national avait notamment suspendu la discussion sur les droits de timbre jusqu’à l’entrée en vigueur du Projet fiscal 17. Cela n’a pas tenu longtemps: le Conseil fédéral a chargé le département des finances de présenter rapidement un projet supprimant cet impôt.

Droit de timbre, impôt social

Créé à la fin de la Première Guerre mondiale, le droit de timbre doit son nom au fait que son paiement était attesté par un timbre. Il est perçu lors de transactions portant sur la concentration ou la circulation des capitaux, par exemple l’achat d’actions. C’est un impôt très social, car il est payé surtout par les grosses fortunes et les affairistes.

Les attaques de la droite l’ont affaibli ces dernières années. En 1992, une réforme du droit de timbre a fait perdre 800 millions de recettes fiscales annuelles à la Confédération. Dans les années 2000, plusieurs ordonnances l’ont encore réduit pour «renforcer la place boursière suisse». Le projet lancé en décembre vise cette fois une suppression totale, entraînant une perte d’environ 2 milliards de francs par an.

Déduire les amendes

Les multinationales suisses ne se laissent pas facilement étouffer par les scrupules. Les grandes banques, notamment, ont organisé de véritables filières internationales de fraude fiscale. Elles ont dû s’acquitter de lourdes amendes ou accepter des «arrangements» coûteux dans de nombreux pays.

La commission de l’économie du Conseil des Etats veut les autoriser à déduire ces amendes de leurs impôts. L’argument: ces entreprises sont doublement punies, «d’une part par l’amende elle-même et d’autre part par le fait que l’amende ne soit pas fiscalement déductible».

L’astuce du frein à l’endettement

Pour faciliter la défiscalisation du capital, le Conseil fédéral a chargé le département des finances de plancher sur «l’utilisation des excédents structurels pour compenser les pertes de recettes entraînées par les réformes fiscales». Un mécanisme a été introduit en 2003 pour empêcher tout déficit budgétaire: le frein à l’endettement. Depuis lors, les dépenses réalisées au cours de l’exercice sont systématiquement inférieures aux dépenses adoptées dans le budget.

Ce bonus d’environ 1 milliard de francs par an doit être affecté à la réduction de la dette. C’est ce milliard que le Conseil fédéral veut utiliser dorénavant pour «financer» les baisses d’impôts sur le capital.

Pierre-André Charrière