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CFF : L'arrogance patronale rend la grève nécessaire

Les négociations visant le renouvellement de la CCT des CFF ont débuté. Le personnel ne semble pas disposé à accepter de nouvelles détériorations des conditions de travail. A l’heure où le secteur en France est en ébullition, quelles sont les perspectives en Suisse? Questions à Manuel Avallone et Yves Sancey, respectivement vice-président et chargé de communication pour la Suisse romande du syndicat du personnel des transports (SEV).


Stand d’information du SEV à Chiasso

Le SEV négocie le renou­vel­le­ment de la CCT des CFF qui touche 95 % des 30 000 salarié·e·s de cette ancienne régie publique. Quelle est la situation?

MA Le SEV est le principal syndicat des transports publics. Aux CFF, près d’un employé sur deux est membre et depuis le début des négociations nos rangs grandissent. Pourtant, aujourd’hui, les négociations sont dans l’impasse en raisons des revendications démesurées de la direction: hausse de la productivité, plus grande flexibilité du personnel, baisses de salaires et coupes dans les vacances. Pour couronner le tout, elle annonce la suppression de 800 postes chez CFF Cargo ces prochaines années et souhaite un affaiblissement de la protection contre les licenciements économiques. Or, le personnel vit déjà au rythme des restructurations permanentes qui font disparaître l’emploi pour augmenter la productivité.

YS Dans les faits, il s’agit d’un plan d’austérité. La direction veut aussi réduire les primes de fidélité et supprimer les garanties salariales qui ont été négociées par le passé, contre certaines dégradations. Il s’agit d’un projet qui va dans la logique de «Railfit», c’est-à-dire faire plus avec moins. Mais cette fois-ci l’ampleur et surtout l’arrogance, c’est du jamais vu! D’où la syndicalisation massive qu’on constate ces derniers mois.

Comment le SEV et ses adhérent·e·s réagissent à ce blocage et aux revendications patronales? La grève est-elle une option comme en France?

MA Depuis le début des négociations, nous avons augmenté notre présence sur le terrain avec des tractages et des assemblées. Le personnel des CFF est écœuré. Il ressent cela comme du mépris. Si la direction ne revient pas à la table des négociations avec de meilleures intentions, nous allons augmenter la pression. Mais il est encore trop tôt pour en dire d’avantage.

YS Le personnel a accepté d’aller un bout dans la logique de la flexibilisation avec «Railfit» et les réformes précédentes mais là, on atteint la limite. La base trouve que la direction est déconnectée de la réalité. Il n’est pas possible d’exiger davantage de sacrifices. Malheureusement, la direction ne semble pas avoir compris ce message. Actuellement les employé·e·s portent un badge «la CCT n’est pas tombée du ciel». Le syndicat, de son côté, est présent pour informer sur le terrain et envisage des assemblées régionales. Si on arrive dans une situation de vide conventionnel, la grève deviendrait une option. Il faut savoir que la CCT définit une paix absolue du travail ce qui rend son déclenchement assez difficile. C’était déjà le cas pour les officine de Bellinzona il y a 10 ans, et les travailleuses et les travailleurs se sont malgré tout mis en grève.

Propos recueillis par Dimitris Daskalakis


Quand le marché devient roi

Lorsque les CFF s’en prennent aux droits des cheminot·e·s, l’Office fédéral des transports accroît la pression sur le transport ferroviaire en proposant de le soumettre à la concurrence. Il suggère d’octroyer certaines lignes à la compagnie BLS. Celles-ci viendraient s’ajouter à la liste des concessions récentes. Or, les expériences britannique et suédoise ne laissent aucune marge d’illusion. Le morcèlement du trafic ferroviaire n’a comme seules conséquences les accidents, la détérioration des services et des conditions de travail ainsi que l’affaiblissement des syndicats. La mise en concurrence des prix du billet s’est ainsi opérée à travers la mise en concurrence des conditions de travail. DD


Chronique d’une stratégie patronale offensive

  • En 2006, les CFF ont refusé de renouveler la CCT pour les travailleuses et les travailleurs des CFF et de CFF Cargo. Devant la menace de la grève, certains acquis sociaux avaient été maintenus. En contrepartie, la durée du travail de 39 heures par semaine, obtenue en 2000, est passée à 41 heures.
  • En 2016, le projet au nom ironique de «Railfit» est décidé. Ce plan vise une baisse des salaires de 0,4%, la suppression de 1400 postes d’ici à 2020 et des fermetures de guichets dans le but de «réduire les coûts et maintenir des prix raisonnables».
  • En 2018, les revendications patronales pour le renouvellement de la CCT viennent invalider toutes les concessions que les CFF avaient faites sur les vacances, les salaires et la protection contre les licenciements lors des négociations précédentes.

Il est évident que la stratégie à long terme de la direction des CFF n’est pas de trouver des compromis, mais bien d’appliquer progressivement ses plans d’austérité sur le dos des travailleuses et des travailleurs. Les commentaires des militant·e·s du SEV sur son site web montrent le chemin à suivre: «On a la paix du travail, OK, mais à un moment donné, il faut affronter les choses. Ce Mardi 3 Avril, la grève commence chez nos collègues de la SNCF» ou encore «Faire grève en cas de refus de négociation est un droit? Non! Un devoir!» DD