Lutte contre les violences conjugales, un pas décisif vient dêtre franchi
Lutte contre les violences conjugales, un pas décisif vient dêtre franchi
Les Chambres fédérales viennent daccepter les initiatives von Felten1, déposées en 1997, et qui demandent que les violences commises à lintérieur du couple soient poursuivies doffice. La poursuite pénale pour des infractions telles que les lésions corporelles simples, le viol ou la contrainte sexuelle ne sera ainsi plus conditionnée par le dépôt dune plainte.
La violence conjugale est une violence universelle qui se retrouve dans tous les pays, dans toutes les «cultures», indépendamment du niveau socio-économique ou éducatif et qui exprime un pouvoir de domination brutal. On sait aujourdhui quau sein du couple, les violences physiques, psychologiques, sexuelles et économiques ne sont pas le produit dune émotion mal gérée, mais bien des comportements en un certain sens calculés, des comportements propres à maintenir un pouvoir abusif sur la (ou le) partenaire. Comme le note Rudolf Rausch, un psychologue québécois spécialisé dans laccueil et le traitement des conjoints agresseurs2: «on peut constater que plus lécart de pouvoir est grand entre lhomme et la femme à lintérieur dune famille ou dune communauté, plus la violence est susceptible dêtre perçue comme un moyen légitime pour arriver à ses fins. Et le corollaire de ce constat est que, lorsque le groupe dominé tend à réduire cet écart de pouvoir, on fait face à des escalades de violence chez le groupe dominant pour maintenir lécart de pouvoir, le statu quo.»
On comprend pourquoi il sagit dabord dune violence masculine (ce qui nexclut pas quune femme puisse aussi y recourir si cest elle qui détient le pouvoir sur lhomme ) Quelles soient le fait dhommes ou de femmes, ces violences au sein du couple sont une atteinte fondamentale aux droits de la personne humaine. Elles doivent être punies et relèvent donc du Code pénal.
En considérant clairement que dans le cadre du couple un acte violent est un délit, la loi refuse de banaliser et minimiser toutes les violences subies dans le cadre familial. On a longtemps fait fausse route en renonçant à toute sanction de lacte violent, en le considérant comme le produit dune détresse, plutôt quen lanalysant comme la conséquence dune stratégie de pouvoir.
A Neuchâtel, le Grand Conseil vient daccepter à lunanimité lentrée en matière sur le rapport du Conseil dEtat à lappui dun projet de loi sur la lutte contre la violence conjugale. La discussion de détail, par contre, a été reportée à une prochaine session. La loi neuchâteloise vise plusieurs objectifs complémentaires:
- Renforcement des moyens dintervention de la police et de la justice pour répondre à linversion perverse qui rendait jusquici les victimes responsables des violences subies. La police judiciaire pourra emmener un-e partenaire violent-e et ainsi protéger la victime. «Faire un arrêt sur image». Dire «Stop! menacer, injurier, frapper, ce nest pas permis», cest plus quun geste symbolique. Si besoin est, lagresseur pourra de plus se voir interdire le retour au domicile durant un période déterminée.
- Mise en place dun dispositif juridique donnant aux victimes les moyens de témoigner solidement, de reconstruire leur dignité et leur autonomie qui les protège, elles et leurs enfants, et qui prévient les récidives.
- Accompagnement des auteur-e-s de la violence conjugale, tout en les confrontant à leurs responsabilités et en leur faisant clairement assumer leurs actes, en enquêtant et en qualifiant les délits, seule manière de rompre le cycle infernal de la violence au sein du couple, trop souvent banalisée et sous-estimée.
- Information et sensibilisation à la problématique, notamment en envisageant, en amont, une campagne de prévention en particulier auprès des jeunes, au niveau des écoles.
- Coordination des différentes mesures, afin de donner à cette loi toute sa cohérence. Avec le poste à 50% qui va être créé, le Conseil dEtat propose une petite dépense (contestée par la droite!), mais en définitive pour gagner beaucoup!
Le canton de Neuchâtel fait ici uvre de pionnier. Reste un problème, et nous lavons soulevé au Grand Conseil: plusieurs articles de la loi ont été rédigés de façon à élargir sa portée «à toutes les formes de violences»! Pareille extension de la notion de violence est inacceptable (et dailleurs contraire au droit fédéral). Nous attendons donc du Conseil dEtat quil revoie sa copie sur plusieurs points litigieux. Une fois nest pas coutume, les modifications du Code pénal et du Code civil (en cours) nous aideront à mettre en place une loi efficace, clairement centrée sur les violences conjugales.
Marianne EBEL
- Initiatives parlementaires: Classification parmi les infractions poursuivies doffice des actes de violence commis sur des femmes. Révision de lart. 123 CP (von Felten). Classification parmi les infractions poursuivies doffice des actes de violence à caractère sexuel commis sur un conjoint. Modification des articles 189 et 190 CP (von Felten)
- Rudolf Rausch «Face aux conjoints agresseurs… La danse de lOurs» in Nouvelles questions féministes, Revue internationale francophone, vol 21, n°3/2002.