Une droite réactionnaire qui défend les inégalités

Une droite réactionnaire qui défend les inégalités

La majorité de droite du parlement genevois vient de rejeter unanimement un projet de loi que nous avions signé, visant à fixer un quota d’au moins 45% de femmes sur les listes électorales à Genève. Dans ce débat on a entendu, à droite, des propos sexistes qui n’osaient guère s’exprimer publiquement depuis longtemps: une représentante du PDC affirmant que plus de femmes conduirait à «baisser la qualité» des élus, du côté des libéraux que la nature a fait les hommes pour le foot, les femmes pour la danse et que la politique… c’est comme le foot. Du côté de l’UDC, que les femmes ont leur place… dans l’ombre pour appuyer leurs hommes. Pour l’ADG, notre camarade Pierre Vanek a rompu une lance en faveur de l’égalité. Ci-dessous son intervention. (réd)


Notre projet de loi interférerait de façon inadmissible dans la vie des partis politiques qui sont des associations «de droit priv黅 dit le rapporteur de majorité. NON! Il fixe les règles du jeu – les «conditions-cadre» dans votre jargon – des élections à Genève.


Aujourd’hui, on fixe déjà des règles en la matière – certaines plus que discutables. Il y a 40% d’étrangères et d’étrangers résidant à Genève. D’un point de vue démocratique – et nous sommes avant tout des démocrates conséquents – l’association «de droit privé», constituée par le mouvement dont je fais partie, voudrait – logiquement et démocratiquement – présenter 40% d’étrangères et d’étrangers sur nos listes… Mais – malheureusement dans ce cas – la loi «interfère» avec notre droit de choisir nos candidat-e-s à notre guise.


Cette «interférence»-là, le rapporteur libéral, Monsieur Gros, la soutient… Son argumentation aujourd’hui est donc de circonstance, opportuniste et irrecevable. Jusqu’à récemment – avec son soutien et celui de ses acolytes – on empêchait aussi tous les travailleurs-euses salarié-e-s dans nos écoles, hôpitaux et autres services publics, de se présenter sur les listes pour le Grand Conseil en leur interdisant d’y siéger en cas d’élection… Là aussi, on empêchait les «associations de droit privé» que sont les partis de faire comme ils l’entendaient…


L’argument est donc nul et ne sert que de paravent piteux à une mysoginie détestable, et à une arrogance patriarcale reflétée par l’affirmation qu’il n’y a… pas de problème, comme le prétend effrontément le président du parti libéral genevois Olivier Jornot qui considère que pour lui et, dit-il, sa génération «les questions d’inégalités entre hommes et femmes ne se posent plus».1


Le fait que cette opinion n’est pas une question de génération, mais bien une tare de la droite, est révélé par la prise de position publique récente du chef de l’UDC genevoise Jacques Pagan, qui a affirmé qu’il était hostile aux mesures de promotion de l’égalité hommes-femmes.2


Monsieur Gros à certes raison de relever qu’en 2001 avec 30% de femmes candidates, la représentation des femmes dans ce parlement à diminué plus que proportionnellement à la baisse du nombre de candidates… Mais son «analyse» est volontairement trop grossière. Ce que Monsieur Gros occulte c’est que sur les bancs de l’«Alternative» on a la parité3 et que siègent du côté gauche plus de 4 fois plus de femmes que chez vous! En effet, sur les bancs de l’Entente (libéraux, radicaux et PDC) on ne compte malheureusement qu’autant de femmes qu’il y a de doigts sur une main, on n’y dépasse ainsi qu’à peine d’une fraction de pour cent le score honteux de cette UDC qui n’a «réussi» à faire élire qu’une unique femme sur dix députés blochériens.


A l’évidence, il y a une raison à la baisse spectaculaire du nombre des femmes lors de cette législature, qui a vu le pourcentage de députées passer de 36 à 23, soit une baisse plus de 36%! C’est le fait qu’une large majorité de droite est sortie des urnes il y a deux ans. Il y a donc bien un recours, à part ce projet de loi, c’est de voter à gauche!


Bien sûr que le fond du problème est ailleurs. Il est dans le rôle subalterne prétendument «naturel» attribué aux femmes par les idéologues du patriarcat. Il est dans les inégalités sociales qui perdurent, en matière de salaire et d’accès à des postes de responsabilité. Il est dans la répartition inégalitaire des tâches ménagères et des soins aux enfants ou aux personnes âgées… Les racines du mal résident dans ce système social à la fois capitaliste et patriarcal que nous combattons.


Mais voter ce projet de loi, contribuera sans aucun doute à améliorer, un peu, la situation, augmentera sans aucun doute de quelques points dans ce parlement – comme dans les autres conseils genevois – la représentation des femmes. Surtout, ce serait un signal, un signal que nous avons empoigné cette question, que cette assemblée ne consent pas au fait qu’il y a dans cette salle moins d’une femme pour 4 député-e-s.


A contrario – si la majorité de l’Entente – appuyée sur une UDC au moins aussi opposée à la cause des femmes (voir son refus de l’Assurance-maternité minimale décidée à Berne) qu’elle est xénophobe et raciste, refuse ce projet de loi, ce sera un message à toutes les femmes de ce canton et à tous les partisans de l’égalité: si vous voulez être représenté-e-s au Grand Conseil, votez à gauche en 2005!


Pierre VANEK

  1. Citation tirée du rapport de majorité sur le PL 8740-A.
  2. Voir sa réponse au questionnaire aux candidat-e-s au Nationales sur www.smartvote.ch
  3. En fait, 21 femmes sur 43 pour la Gauche et les Verts, 6 femmes sur 13 pour le groupe ADG. Du côté de l’Entente bourgeoise on compte 5 femmes sur 47 député-e-s.