France
À Paris, une marche historique contre l'islamophobie
Malgré les polémiques stériles, la diffamation des médias et les campagnes de dénigrement, plus de 40 000 personnes selon les organisateurs·rices ont défilé contre l’islamophobie à Paris le dimanche 10 novembre.
Cette marche est historique à plusieurs niveaux, d’abord en regard de la radicalisation de la violence islamophobe qu’elle dénonce. Du discours d’Emmanuel Macron appelant à une « société de vigilance » face aux « signaux faibles » de radicalisation à l’attentat terroriste contre la Mosquée de Bayonne ; de l’agression au couteau d’une femme portant le voile aux discours racistes diffusés en boucle sur des chaînes à grande audiences: pour les personnes musulmanes ou identifiées comme telles, le climat est pesant et douloureux. Les forces politiques qui prétendent faire barrage au Rassemblement national mettent aujourd’hui en place les politiques prônées par le parti des Le Pen. L’invitation d’Eric Zemmour au Congrès de la Droite, ou l’interview que donne Macron au torchon d’extrême-droite Valeurs Actuelles sont autant de signaux – forts, cette fois-ci – que, pour la bourgeoisie française, ces options fascisantes deviennent à nouveau envisageables
Mais cette manifestation constitue également un tournant par sa propre ampleur. Comme le disent les organisateurs·rices, « il s’agit de la plus grande mobilisation antiraciste prise en charge par les premiers·ères concerné·e·s depuis la grande Marche pour l’égalité de 1983, avec le soutien d’un large spectre d’organisations syndicales, associatives et politiques ». La pluralité d’acteurs·rices investi·e·s est également nouvelle, et témoigne d’un nouveau rapport de force.
En effet, le mouvement antiraciste et les luttes de l’immigration ont su imposer la lutte contre l’islamophobie à l’agenda politique. On a pu voir défiler des personnalités, notamment Jean-Luc Mélenchon de la France Insoumise ou Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière, dont des déclarations sur le voile ou le « communautarisme » ont été, à juste titre, critiquées et dénoncées comme racistes. Que ces personnes se sentent désormais obligées de dénoncer le climat islamophobe, et qu’elles participent activement à cette mobilisation est une victoire en soit.
La manifestation a subi des polémiques visant à la délégitimer et à attirer la suspicion sur les organisateurs·rices et les manifestant·e·s. Plutôt que de s’attrister de ces discours nauséabonds, il faut plutôt les voir comme un signe de victoire: car si tout le monde médiatique et politique doit se positionner par rapport à la marche, c’est bien parce que, pour une fois, l’agenda politique n’est pas fixé par les islamophobes mais par les personnes qui luttent contre le racisme. Certes, la participation des acteurs·rices du mouvement social n’était pas dénuée d’ambivalence, ou même unanime, certaines personnes ayant refusé d’y assister. Mais on a trop perdu de temps à réagir à chaque propos raciste, ou à chaque énième « dérapage ». L’enjeu n’est plus là.
Comprendre l’islamophobie pour pouvoir la combattre
L’enjeu est de comprendre cette radicalisation islamophobe, non pas comme une diversion par rapport aux vrais problèmes sociaux, mais comme un aspect central de la politique d’Emmanuel Macron. L’islamophobie n’est pas une diversion pour faire oublier le rouleau compresseur du capitalisme néolibéral, elle en est constitutive.
Ainsi, les premières grandes victimes des politiques néolibérales, ce sont les victimes de racisme, qui sont exclues des lieux de formation, subissent des violences policières, ainsi que des discriminations à l’embauche et au logement. Ce sont elles qui vivent de plein fouet la casse des services publics. Voir le racisme comme un simple idéologie qui ne discriminerait que par les mots, c’est refuser de voir qu’il humilie et précarise, qu’il violente et tue en tout temps des personnes non-blanches. C’est refuser de voir qu’il divise, effectivement et matériellement, la classe ouvrière.
C’est dire si l’enjeu de cette marche est central: la lutte contre la casse des services publics, contre le démantèlement des droits des travailleurs·euses, et contre Macron et son monde ne se fera pas en l’absence d’une lutte sans concession contre l’islamophobie.
Anouk Essyad
La légendaire insoumission de François Ruffin
Sur France Inter, le député FI François Ruffin déclare avoir signé distraitement l’appel, étant trop occupé par les gaufres qu’il mangeait avec ses enfants. Il ajoute ne pas participer à la mobilisation: « pas mon truc, je joue au foot les dimanches ». Par ce mépris des personnes qui subissent au quotidien humiliations, discriminations et violences, cette figure importante des luttes sociales se place du mauvais côté de l’histoire. Soit.