Financement du matériel de guerre

Interdire un commerce meurtrier et écocidaire

Le 29 novembre, deux mois après la défaite sur l’achat d’avions de combat, les électeurs·trices se prononceront à nouveau sur le rapport à l’industrie de l’armement. Avec l’initiative sur l’interdiction du financement du matériel de guerre, les Jeunes Vert·e·s et le GSsA portent un texte pour lequel un oui enthousiaste s’impose.

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Il faut enlever les armes qui jonchent la planète plutôt que d’en produire de nouvelles. Sécurisation d’un champ de mines au Tadjikistan.

L’ initiative soumise en votation exige que le financement des producteurs de matériel de guerre par la Banque nationale suisse, par les fondations, ainsi que par les institutions de la prévoyance publique et de la prévoyance professionnelle soit interdit.

Selon le texte de l’initiative, sont réputées productrices de matériel de guerre les entreprises dont plus de 5 % du chiffre d’affaires annuel proviennent de la production de matériel de guerre. Cela inclut les producteurs spécialisés tels que Lockheed Martin ou Raytheon, mais également des entreprises à production mixte comme Boeing.

Le matériel de guerre : l’horreur écologique et sociale

L’armement fait partie des industries incompatibles avec toute politique écologiste. Par une production continue de ce matériel, les puissances impérialistes peuvent s’assurer un contrôle global des matières premières et assurer par la force la fuite en avant climaticide. Les milliards d’armes en circulation permettent un prolongement des guerres, avec leur lot de réfugié·e·s, de mort·e·s et de mutilé·e·s.

Le bilan climatique de la production de matériel de guerre est ahurissant – sans compter les effets indirects liés au contrôle et à l’exploitation des matières premières. La branche militaire étatsunienne est par exemple responsable d’autant d’émissions de CO₂ que le Portugal. L’extraction de métaux rares nécessaires au fonctionnement des engins les plus sophistiqués augmente l’exploitation dans les pays producteurs.

L’armement est une industrie globale en contradiction avec les objectifs de lutte contre le changement climatique et encore plus de lutte anti-impérialiste. L’initiative s’attaque donc au nerf de la guerre, son financement : à ce jour, une majorité des fonds de pension ainsi que la Banque nationale suisse investissent massivement l’épargne des habitant·e·s dans la fabrication d’armes, sans que personne ne puisse rien y redire. Cet argent alimente également des sociétés produisant des armes atomiques, avec à l’horizon un holocauste nucléaire global qui ne peut être tout à fait exclu.

L’initiative l’interdirait purement et simplement. Du fait du poids de la place financière suisse à l’échelle globale, c’est une source non négligeable d’investissements qui s’évaporerait du jour au lendemain pour le complexe militaro-­industriel.

Rediriger des emplois hautement qualifiés vers des domaines socialement utiles

Reste la question des emplois qui dépendent aujourd’hui directement ou indirectement des investissements dans l’industrie de l’armement. Les travailleurs·euses ne peuvent pas être sacrifié·e·s. La destruction des stocks d’armes et de munitions dans des conditions convenables est un premier potentiel de reconversion. Une autre solution possible (et nécessaire !) est la réparation des dommages des conflits passés. Des millions de mines et de munitions restent présentes dans certains pays (Vietnam, Cambodge, Mozambique, Angola, Afghanistan), causent encore des victimes et rendent inutilisables de vastes territoire.

Une brusque diminution de la production d’armes offrirait également l’occasion de réaliser une transition verte, sans perte d’emplois et de salaires. Combien d’ingénieur·e·s pour élaborer des réseaux décentralisés de panneaux solaires ? Combien de logisticien·ne·s pour aider à la prise de décision démocratique de la production ? Combien d’ouvriers·ères qualifié·e·s pour mettre en œuvre à l’échelle globale un transfert de technologies vertes et sûres vers le Sud global tout en réduisant drastiquement la production d’énergie du Nord global ? La crise sanitaire du Covid-­19 a montré que les collectivités publiques étaient capables de rediriger avec une diligence extrême des secteurs entiers d’activité.

Cette initiative représente un pas, certes modeste, vers de tels objectifs. Son mérite est de permettre d’entrevoir un monde sans armes nouvelles, autant de moyens ôtés aux despotes, en faveur des peuples. Au vu de l’urgence climatique et sociale dans laquelle se trouve le monde, elle permet de poser un jalon concret vers les transformations indispensables de nos modes de production.

Pascal Vosicki