Pour un accueil sans discrimination de toutes et tous !

Les comparaisons médiatiques et traitements différenciés des réfugié·e·s non blanc·he·s auront été dans la guerre en Ukraine un nouveau révélateur du racisme dominant des États européens et médias mainstream contre les populations non blanches.

L'armée polonaise derrière des barbelés marquant la frontière
Refoulement de réfugié·e·s à la frontière polonaise, 11 novembre 2021

Depuis le début de l’invasion impérialiste de l’armée russe contre l’Ukraine le 24 février, plus de 2,5 millions de personnes se sont déjà réfugiées à l’étranger, majoritairement en Pologne. Environ deux millions de personnes ont été déplacées au sein de l’Ukraine même. Partout à travers l’Europe, de larges secteurs des populations s’organisent pour aider, rassembler du matériel, de la nourriture, des vêtements, des médicaments et pour accueillir des réfugié·e·s. 

Cet élan de solidarité est bien sûr à saluer, mais doit être élargi à toutes et tous sans discrimination.  

Traitement médiatique et pratiques politiques racistes

Les préjugés racistes se sont en effet multipliés dans les médias. Un correspondant de la chaine américaine CBS News a par exemple exprimé son émotion sur le sort réservé à la population ukrainienne en déclarant que « c’est n’est pas un endroit… comme l’Irak ou l’Afghanistan… il s’agit d’une ville plutôt civilisée, plutôt européenne… ». Une présentatrice d’une autre chaîne allant dans le même sens évoquait de son côté qu’il ne s’agissait pas « de réfugiés venant de Syrie, ce sont des réfugiés venant d’Ukraine… ils sont chrétiens, ils sont blancs, ils sont très similaires à nous… »

En France, le président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale a mentionné sur Europe 1 une « immigration de grande qualité, dont on pourra tirer profit »

Une Association étasunienne de journalistes arabes et du Moyen-Orient (AMEJA) a déploré plusieurs « exemples de couverture médiatique raciste, donnant plus d’importance à certaines victimes de guerre qu’à d’autres ». Elle évoque « une mentalité répandue dans le journalisme occidental qui tend à normaliser la tragédie dans certaines régions du monde », notamment au Moyen-Orient. La différence de traitement est d’autant plus frappante que c’est aussi l’État russe qui intervient militairement en Syrie depuis octobre 2015 en soutien du régime despotique des Assad. 

Comment ne pas oublier le sort de plusieurs milliers de réfugié·e·s en provenance de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, bloqué·e·s il y a quelques mois dans des conditions terribles dans l’immense forêt de Podlachie, entre Pologne et Biélorussie. Après l’instrumentalisation du régime de Minsk de la détresse des réfugié·e·s afin de les encourager à se diriger vers la Pologne, l’État polonais avait déployé plusieurs milliers de soldats pour appuyer les gardes-frontières dans l’est du pays pour les repousser de force. Varsovie avait également créé à la frontière une zone spéciale fermée aux ONG humanitaires et aux médias. Plus d’une douzaine de réfugié·e·s sont mort·e·s de froid et de faim durant ces évènements dans les forêts polonaises. 

L’État polonais gouverné par le parti national-conservateur Droit et Justice (PiS) a en plus débuté en janvier 2022 la construction d’un immense mur, qui aura une hauteur de plus de cinq mètres et sera équipé de caméras et de capteurs à détection, s’étendant sur 180 kilomètres dans l’une des plus grandes forêts d’Europe pour empêcher les réfugié·e·s d’entrer sur son territoire. 

À la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, des pratiques discriminatoires et racistes ont d’ailleurs été dénoncées contre les réfugié·e·s d’origine africaine ou arabe qui ont été bloqué·e·s à la frontière ukrainienne ou non accepté·e·s en Pologne. Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux sous le hashtag #AfricansinUkraine montrent des scènes de fortes tensions et des individus africains empêchés de monter à bord de trains quittant le pays. 

Politique d’accueil à géométrie variable

Les dirigeant·e·s européen·ne·s ne parlent plus de « protection contre des flux migratoires irréguliers », comme le déclarait Emmanuel Macron à propos des Afghan·ne·s fuyant leur pays l’été dernier, ou de « crise des migrants » lorsque des Syrien·ne·s, Irakien·ne·s et Afghan·ne·s empruntaient récemment le même chemin. L’Union Européenne et la Suisse ont au contraire adopté des décisions instaurant une protection temporaire des personnes fuyant l’Ukraine, leur garantissant toute une série de droits comme l’accès au marché du travail et au logement, l’assistance médicale et l’accès des enfants à l’éducation. 

C’est une bonne chose et cela démontre en même temps que l’argument de saturation des lieux d’hébergement et du manque de moyens sans cesse avancé par les classes dirigeantes pour justifier leurs politiques d’accueil restrictives ne sont que des mensonges. Les expulsions de réfugié·e·s en Suisse et dans d’autres pays en Europe se poursuivent d’ailleurs toujours. 

Mobilisons-nous pour un accueil digne des réfugié·e·s en provenance d’Ukraine, et de tous les réfugié·e·s, d’où qu’iels viennent.  

Joe Daher