La mondialisation à la pointe des missiles

La mondialisation à la pointe des missiles

Economies d’énergie et budgets militaires

Dans une perspective conservatrice, Clyde Prestowitz estime que, si les Etats-Unis étaient aussi efficients que l’Union Européenne dans la consommation de combustibles fossiles, ils pourraient se passer totalement des importations du Moyen-Orient, réduire leur déficit commercial de 100 milliards de dollars et diminuer les dépenses militaires liées à leur présence dans cette région de 60 milliards de dollars. (cf. Rogue Nation: American Unilateralism and the Failure of Good Intentions, Basic Books, 2003)

«Nous avons besoin de bottes bien plantées en Europe»

Dans les réseaux néo-conservateurs qui travaillent à la définition de la doctrine militaire US, la perspective d’une puissance hégémonique unipolaire durable implique un redéploiement des forces militaires stationnées dans le monde. Dans ce cadre, la présence sur le Vieux Continent, particulièrement en Allemagne, devrait être redimensionnée. Mais attention, comme le note Thomas Donnelly, l’enjeu balkanique, l’intégration de l’Europe de l’Est à l’OTAN et, de façon plus générale, les expériences répétées de manœuvres communes, qui facilitent la formation de coalitions ad hoc, nécessitent le maintien d’une solide présence militaire états-unienne en Europe. A l’avenir, la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie devraient être considérées comme des pays à privilégier («Realignment of Foreign Basing of US Troops: Catching Up with History», AEI, National Security Outlooks, mars 2003).

Redessiner le Moyen-Orient

«Cela fait soixante ans que les nations occidentales pardonnent le manque de liberté au Moyen-Orient et s’y accomodent. Cela n’a pas contribué à renforcer notre sécurité – parce qu’à long terme, la stabilité ne peut être achetée en échange de la liberté. Tant que le Moyen-Orient demeurera une région où la liberté ne fleurit pas, il restera une région de stagnation, prête à exporter ressentiment et violence. Et avec la dissémination des armes aptes à produire des dommages catastrophiques à notre pays et à nos amis, il serait insensé d’accepeter le statu quo» (G. W. Bush, novembre 2003).

Présence US en Afrique

En 2002, les Etats-Unis ont établi leur première base militaire à long terme en Afrique subsaharienne, à Djibouti, chargée notamment de «combattre le terrorisme» en Somalie, au Soudan, au Kenya, en Ethiopie et en Erithrée. Aujourd’hui, des implantations sont en cours ou projetées en Afrique Occidentale, au Sénégal, au Ghana et au Mali, en raison notamment des intérêts pétroliers US dans la région. «En Afrique, de vastes zones ingouvernées posent un problème croissant. C’est un bouillon de culture pour le terrorisme, pour la pauvreté massive et pour toutes sortes d’éléments criminels qui peuvent trouver un nid ici… Je pense que nous allons devoir accorder plus d’attention à cette région» (Général James Jones, avril 2003).

L’impérialisme peut-il fermer les yeux sur la misère du monde?

Dans un article fameux, daté 1952, où il inventait le terme tiers-monde, le démographe français Alfred Sauvy lançait cet avertissement aux pays capitalistes avancés: «La préparation de la guerre étant le souci n°1, les soucis secondaires comme la faim du monde ne doivent retenir l’attention que dans la limite juste suffisante pour éviter l’explosion (…). Mais quand on songe aux énormes erreurs qu’ont tant de fois commises, en matière de patience humaine, les conservateurs de tout temps, on peut ne nourrir qu’une médiocre confiance dans l’aptitude des Américains à jouer avec le feu populaire» (L’Observateur, 14 août 1952).

Cinquante ans plus tard, le politologue états-unien Paul kennedy lui fait écho, comparant le budget militaire US avec celui de l’aide au développement: l’Administration Bush «a donné peu de signes qu’elle comprenait où résidaient les sources les plus importantes, les plus turbulentes et les plus surprenantes de la violence internationale… Comment la plus grande puissance de l’histoire peut-elle dépenser 400 milliards de dollars pour imposer la paix et la sécurité globale, et ne pas apercevoir, qu’au début du XXIe siècle, il existe des menaces pour le futur de l’humanité beaucoup plus importantes que les dictateurs irakiens voire même les terroristes d’al-Qaïda» («The Conundrum of American Power in Today’s Fragmented World», Lady Margaret Lecture, Christ’s College, Cambridge, 20 novembre 2002).

(jb)