Massacre du 11 mars et déroute électorale du PP

Massacre du 11 mars et déroute électorale du PP

Les journées qui séparent le massacre perpétré contre la population de Madrid, jeudi dernier, de la déroute électorale du Partido Popular (PP), ce dimanche, ont été particulièrement tendues et chargées d’émotion. Le malheur immense éprouvé à cause des morts a débouché, finalement, sur la déroute du PP, vécue par la majorité des électrices et des électeurs-trices de gauche comme un triomphe du «Non à la Guerre et aux mensonges d’Aznar».

La commotion provoquée par la tuerie de 200 personnes, en majorité des jeunes et des travailleurs, femmes et hommes, parmi lesquels de nombreux «clandestins», a déterminé un scénario dans lequel l’indignation et la solidarité par rapport aux événements ont été hantés par les doutes sur l’organisation responsable d’un attentat aussi terrible. Ces doutes n’ont cessé de croître en raison de la manipulation consciente de l’information par le gouvernement, visant à imputer ces attentats à ETA, parce que c’était l’hypothèse la plus favorable à ses calculs électoraux. Non content de cela, Aznar a appelé les citoyen-n-es à manifester «en défense de la Constitution et pour la déroute du terrorisme», cherchant ainsi à s’approprier la solidarité vis-à-vis des victimes pour ses propres intérêts.

Qui a fait ça? Non à la Guerre?

Mais dans de nombreuses manifestations de vendredi passé, les cris de «Qui a fait ça?» et «Non à la guerre» ont été lancés par une bonne partie des citoyen-n-es, tandis que les protestations se poursuivaient samedi devant les sièges du PP, à mesure que la thèse de la responsabilité d’el Qaïda dans cette horrible tuerie gagnait en crédibilité.

De cette façon, l’«anti-terrorisme» du PP a fini sa course comme un boomerang contre ce parti, rappelant aux gens leur refus de la guerre en Irak et les mensonges d’Aznar et de ses amis Bush et Blair sur les armes de destruction massive. Il a suscité une augmentation massive de la participation électorale, spécialement de la part de la jeunesse, et une concentration des votes sur Zapatero, le leader du PSOE, qui avait annoncé qu’il ne formerait un gouvernement que s’il recueillait plus de voix que Rajoy, le candidat du PP.

La force politique pénalisée par cette pression au vote utile a été Izquierda Unida (IU), qui a reculé de 9 à 5 députés (4,96%), en tenant compte des deux élus de son alliée catalane. Elle a été aussi spécialement affectée par un système électoral qui, bien qu’elle soit la troisième formation politique la plus votée (plus de 1,2 millions de voix), obtient une représentation inférieure à celles des forces nationalistes catalanes de droite (Convergéencia i Unió) et de gauche (Esquerra Republicana – qui passe de 1 à 8 députés), de même que du Parti Nationaliste Basque (PNV).

Ancrer le tournant dans les mobilisations…

C’est un nouveau cycle politique qui s’ouvre ainsi, duquel le PSOE sort gagnant, mais sans avoir obtenu la majorité absolue (il lui manque 12 élu-e-s), ce qui le force à solliciter l’appui d’autres forces parlementaires de gauche et nationalistes pour pouvoir mettre en oeuvre une autre politique. Il est en effet évident que la majorité des citoyen-n-es a exigé et exigera un tournant radical par rapport aux politiques du PP de ces quatre dernières années au moins: nécessité d’en finir avec l’autoritarisme et la manipulation de l’information dans les moyens de communication publics; urgence de rompre toute alliance avec la stratégie de «guerre totale et permanente» de Bush et exigence du retour immédiat des forces espagnoles d’occupation en Irak; rupture avec l’offensive néolibérale contre les services publics et les droits sociaux fondamentaux; engagement enfin à reconnaître la réalité plurinationale de l’Etat espagnol et à établir un dialogue qui conduise au respect du droit, pour Euskadi et la Catalogne, de décider de leur propre avenir.

Ni le programme ni la composition prévisibles du futur gouvernement du PSOE ne seront à la hauteur de ces attentes, dans la mesure où la mobilisation sociale ne s’approfondira pas, de même que l’effort pour reconstruire une «gauche des gauches», ce qui passe par une réorientation de IU pour qu’elle soit en mesure de récupérer le vote «prêté» au PSOE et de converger avec les secteurs des gauches nationalistes et des mouvements sociaux vers un véritable tournant à gauche.

Jaime PASTOR
Espacio Alternativo (Madrid)