Arto Lindsay, électro-bossa planante

Arto Lindsay, électro-bossa planante

Artiste curieux, Arto Lindsay a, depuis plus de vingt ans, déclaré la guerre à toutes les frontières, géographiques, culturelles et surtout musicales. Il sort aujourd’hui Salt, son sixième album solo, le deuxième sur le label indépendant de Buffalo (NY), Righteous Babe Records, confirmant une nouvelle fois son talent novateur.

Né aux Etats-Unis, Arto Lindsay a grandi au Brésil dans les années soixante, période d’effervescence du mouvement tropicaliste, dont l’une des icônes n’est autre que Gilberto Gil, actuel ministre de la culture du gouvernement Lula. De cette enfance passée au Brésil, l’artiste états-unien garde de profondes influences bossa-nova et surtout le goût du métissage et des horizons lointains, culturels et musicaux. Il en ressort une œuvre riche, constamment à contre-courant, assumée et revendiquée comme telle.

Des débuts «bruitistes»

Sa première reconnaissance internationale vient en 1978, avec son groupe DNA, formation emblématique du mouvement «No Wave» aussi éphémère qu’incontournable. Leur musique sauvage et «bruitiste» reflétait bien l’ambiance de ces années-là à New-York, mais était également imprégnée de la frénésie tropicaliste brésilienne des années soixante, avec cette constante volonté d’aller à la découverte de nouvelles formes musicales. Ce n’est donc pas un hasard si DNA est aujourd’hui une référence pour de nombreux groupes de rock new-yorkais s’inspirant de cette période «avant-garde».

Après la dissolution de DNA, Arto Lindsay joue avec de nombreux artistes et forme un nouveau groupe les Ambitious Lovers, qui distillent un mélange noisy de soul, de rock et de pop, avec toujours cette touche brésilienne caractéristique. C’est en 1996 qu’il commence sa carrière solo avec Corpo Subtil, disque «brésilien» de référence. Mundo Civilizado inaugure son évolution vers une métissage de plus en plus poussé et surtout de plus en plus expérimental. C’est avec Prize, son quatrième album qu’il commence sérieusement à flirter avec l’univers trip-hop et drum’n’bass, expérience qu’il affine successivement sur Invoke, album un peu plus éclaté et chaotique que Prize, puis sur le dernier venu, Salt.

Entre les rues de Bahia et de New York

Salt reflète une nouvelle fois l’étonnant cocktail issus des rues de Bahia et de celles de New York. Une musique résolument moderne et une ambiance chaleureuse qui naviguent entre harmonie et hyper-sophistication. Toujours aussi inventif, Arto Lindsay a imprégné son nouvel album électro-lounge de rythmiques carnavalesques appuyées, puisqu’il l’a en partie conçu dans le cadre de sa participation en février dernier au Carnaval de Bahia. Impossible en réalité de cataloguer cet opus et la seule façon d’en découvrir la richesse et la subtilité est, simplement, de l’écouter et de se laisser emporter par son univers multiculturel troublant.

Avec sa créativité vagabonde, Arto Lindsay est un artiste hors du commun, à la fois intrigant et plein de charme, qui séduira tant les aficionados de musique tropicale que les amateurs de trip-hop qui, s’ils ne le connaissent pas encore, auront certainement déjà pu apprécier sa touche particulière dans le cadre de ses collaborations régulières avec des groupes et des artistes tels que Lamb, The Silent Poet, I:Cube ou encore DJ Spooky.

Erik GROBET

Arto Lindsay, Salt, Righteous Babe Records / RecRec.