Transfert des eaux de lEbre: le pire est évité
Transfert des eaux de lEbre: le pire est évité
La chose est assez rare pour être soulignée: un gouvernement social-démocrate tient une promesse électorale. José Luis Zapatero et son gouvernement ont renoncé, en Espagne, à transvaser une partie des eaux de lEbre vers la Catalogne (nord-est), la zone de Valence (est), de Murcie (sud-est) et dAlmeria (sud)1 En revanche, il na rien modifié au mode de développement des côtes méditerranéennes de lEspagne (agriculture intensive et tourisme de masse). Leau qui ne viendra pas de lEbre devra être fournie par une quinzaine dusines de dessalement et, si nécessaire, par des transvasements régionaux.
La pression politique et sociale était forte, la Commission européenne et le Parlement européen plus que réticents. Des pans entiers du projet dAznar, le Plan hydrologique national (PHN) ont donc été abandonnés par un décret urgent modifiant la loi sur le PHN. Son article douze, autorisant, dans certaines circonstances, le transfert dun bassin à lautre, reste toutefois valable. Il sagira dun «ultime recours». Cristina Narbona, ministre de lEnvironnement a néanmoins tenu à préciser que rien ne permettait de lexclure.
Limites du recours au dessalement
Autre sujet dinquiétude pour les écologistes progressistes regroupés dans lorganisation faîtière Ecologistas en accion (www.ecologistasenaccion.org), la décision de recourir au dessalement des eaux de la Méditerranée pour continuer à approvisionner les régions concernées. Ce choix consolide un type de «développement» dévastateur aussi bien pour lenvironnement que pour la société et ses conditions de vie et de travail.
En outre les usines de dessalement ne sont pas non plus la panacée. Elles peuvent utiliser des procédés de distillation de leau (70 % des usines installées) ou dosmose inverse (24 %). Les deux techniques sont de grosses consommatrices dénergie, pour chauffer et évaporer leau dans le premier cas et obtenir les pressions suffisantes pour le filtrage par inversion de losmose dans le deuxième cas. Ce qui explique que les usines de dessalement soient surtout répandues dans les pays ou lénergie est moins chère et le financement aisé, comme le Proche et le Moyen-Orient ou les Etats-Unis. Seule exception, Malte, qui paye ainsi au prix fort son option touristique. Même si dans le cas de Malte, le prix coûtant a pu être ramené à 1$ le mètre cube, lénergie nécessaire reste importante: de 11 à 16 kwh par mètre cube deau douce produit. Autrement dit, pour produire ce volume, il faut 75 à 100 fois plus dénergie que pour amener un mètre cube deau douce au 50 mètres de pression assurées dans la distribution publique. Et avant le dessalement proprement dit, il faut sassurer de la pureté de leau qui va être traitée, sans quoi les rendements seffondrent. Enfin, après le dessalement, le rejet de la saumure concentrée doit se faire en évitant en retour une hypersalinisation de la zone dévacuation.
Pour toutes ces raisons, les usines de dessalement devraient donc rester un recours exceptionnel. A lévidence, le gouvernement espagnol a décidé den faire un emploi massif, poursuivant la surexploitation des sols, de lenvironnement et des hommes dans des régions déjà fragiles. Cest sur ce point quil faudra poursuivre la lutte.
Daniel SÜRI
- voir solidaritéS n°18, 12.12.2002.