Pionnier = «pédé»?

Pionnier = «pédé»?

Un apprenti esthéticien témoigne de son intérêt pour sa profession dans le film de Véronique Ducret «Sur les traces de parcours professionnels inattendus» (Institut suisse de pédagogie pour la formation professionnelle). «Nous ne pouvons pas montrer ces images à nos élèves!», s’exclament les profs après la projection. Pourquoi? «Euh, comment dire … il n’est pas clair sur son identité sexuelle, les élèves vont rire.»

Florian, l’apprenti, est jeune et s’exprime avec une certaine timidité. Il travaille dans un domaine très majoritairement féminin. Immédiatement, il a été catégorisé comme un homosexuel, c’est-à-dire un individu dévalorisé par la société, qu’il faut cacher aux jeunes. Cette réaction illustre bien l’homophobie ambiante dans toute la société et la difficulté de jeunes hommes à oser faire un choix de profession atypique. Aller vers une profession traditionnellement réservée à l’autre sexe représente une transgression sociale qui place les jeunes dans une situation hors des normes. Cette transgression est particulièrement difficile à vivre pour les adolescents de sexe masculin. Leurs pairs les raillent et les méprisent.

«Fais gaffe, c’est un métier de femmes, tu vas devenir homo» est le type de remarque qu’entendent ces jeunes pionniers qui se lancent courageusement dans des domaines nouveaux pour les hommes: l’éducation des petits enfants, l’assistance de médecins, la préparation des chambres d’hôtels, l’aide sociale à domicile, l’art floral, la couture, l’hygiène dentaire, les soins des pieds, la coiffure ou la diététique. Pourtant une recherche récente sur l’intégration professionnelle des pionniers et pionnières (mémoire de Julien Thiébaud, DESS en psychologie de l’orientation, UNIL, septembre 2004) démontre que ces pionniers bénéficient d’un accueil à bras ouverts de la part de leurs collègues femmes et de la hiérarchie et qu’ils trouvent facilement une place de travail après leur formation.

Au contraire des pionnières qui, elles, sont victimes de harcèlement sexiste et sexuel et ont énormément de peine à s’insérer dans le monde du travail masculin avec leur diplôme atypique (informatique, horlogerie, cuisine, micromécanique, électricité et électronique, bâtiment). (mbu)