Non au référendum, non aux ambiguïtés d’un certain discours du mouvement syndical!

Non au référendum, non aux ambiguïtés d’un certain discours du mouvement syndical!

Nous publions ici une prise de position de «L’Autre Syndicat», petit syndicat interprofessionnel créé fin septembre 2003 sur La Côte (VD). Il regroupe principalement des membres de nationalités étrangères dans des secteurs sans convention collective (agriculture, vente, etc.) Il est particulièrement actif sur les questions touchant les sans-papiers.

La pression sur le marché du travail générée par l’ouverture des frontières est réelle mais pas nouvelle et elle ne justifie en aucun cas de brandir la menace du référendum. Brandir la menace du référendum est un aveu cinglant de la faiblesse du mouvement syndical en général et suisse en particulier et attise dangereusement la xénophobie!

N’oublions pas qui sont les véritables «ennemis» des travailleuses et travailleurs «indigènes»… Ce ne sont pas celles et ceux qui veulent accéder au marché du travail suisse ou européen mais ce sont:

  • Le patronat dans sa plus pure volonté d’augmenter les profits et qui joue le jeu d’une mondialisation mettant tout en concurrence, surtout la partie la plus faible, soit les travailleuses et travailleurs.
  • La globalisation des marchés et des échanges qui se contrefout totalement du bien-être des populations, de l’environnement, des ressources humaines et naturelles, de la santé et la sécurité des travailleuses et travailleurs etc. La liste se laisse prolonger à souhait.
  • Les pays riches et soit-disant développés qui veulent à tous prix garder la main-mise sur les marchés et leurs avantages économiques et militaires tout en continuant à écraser les populations défavorisées. Populations défavorisées des pays «riches» et des pays «pauvres» nota bene.
  • Ces mêmes gouvernements qui pratiquent une politique d’apartheid et qui érigent des murs autour de leurs frontières coûtant très chers en vies humaines, en coûts sociaux et en dignité.
  • Le chômage qui est utilisé comme masse tampon pour faciliter la concurrence entre les travailleuses et travailleurs afin de les obliger à se plier au dictat de l’emploi au rabais.

Certes, le mouvement syndical doit appeler et se battre pour des législations protégeant les travailleuses et travailleurs afin de garantir les conditions de travail, mais il ne peut pas faire l’économie de la manière dont il le fait. Il ne peut pas faire l’économie d’un débat approfondi sur la véritable libre circulation et la solidarité internationale. Il ne peut pas faire l’économie de construire un rapport de force sans ambiguïté qui ne soit pas bâti au ras des pâquerettes!

Rappelons-nous: depuis la fondation des organisations ouvrières il y a plus d’un siècle, le patronat a presque toujours réussi à mettre en porte-à-faux les travailleuses et travailleurs indigènes contre les travailleuses et travailleurs étrangers. Et ce n’est pas un hasard si la politique d’immigration suisse a magistralement réussi à diviser le monde ouvrier en utilisant cet instrument. Encore dans les années soixante, alors que les syndicats majoritaires soutenaient le système des saisonniers (ils en tirèrent un net bénéfice économique et ne s’élevèrent que plus tard contre ce statut immonde), Schwarzenbach attisait la xénophobie avec la complicité, parfois tacite, parfois active de ces mêmes syndicats.

Et que penser de la solution «miracle» préconisée, soit le contrôle de chantiers ou d’établissements hôteliers qui trop souvent deviennent des contrôles de permis de séjour et d’un début de procédure d’expulsion de Sans-papiers? On ne peut pas vraiment attendre des contrôleurs assermentés par l’Etat qu’ils jouent la carte syndicale, même si les syndicats sont partie prenante de ces mesures.

Il n’y a pas de solutions miracles

Brandir la menace du référendum contre l’extension de la libre circulation des dix nouveaux pays de l’Union européenne mène obligatoirement à la dénonciation des «autres», qu’ils viennent de l’EU ou non (russes, allemands de l’Est, polonais, ukrainiens, kosovars…, sans parler des frontaliers qui viennent depuis toujours travailler en Suisse) sans pour autant renforcer les liens de solidarité entre les travailleuses et travailleurs sur le lieux de travail. Au contraire, en construisant une «identité indigène» les syndicats font le jeux de la droite, du patronat et de la globalisation des échanges économiques au détriment d’une véritable libre circulation des personnes et ils libèrent les sentiments sous-jacents ou enfouis de la peur de «l’autre».

Que faire?

  • Nous devons combattre tout abus, mais avec nos propres forces ! Nous devons mener des campagnes sur les lieux de travail pour expliquer les tenants et aboutissants de la politique néolibérale (pas si néo que ça!) qui utilise les travailleuses et travailleurs pour les monter les uns contre les autres. Nous devons renforcer pas à pas cette nécessaire solidarité entre les travailleuses et travailleurs d’où qu’elles ou ils viennent.
  • Nous devons arrêter de croire que nous aurons le «soutien» de autorités politiques pour faire respecter les conventions collectives ou attendre du patronat qu’il vienne nous en proposer des nouvelles. Nous devons reconstruire un véritable rapport de force et ceci débute sur les lieux de travail.
  • Nous devons combattre par tous les moyens les pratiques de l’emploi temporaire et du travail sur appel qui mène à l’emploi à deux vitesses.
  • Nous devons exiger la régularisation des personnes travaillant sans permis de travail (les Sans-papiers) car leur statut précaire les oblige à vendre leur force de travail à moindre prix.
  • Nous devons nous élever contre les nouveaux permis saisonniers de courte durée tels qu’ils sont prévus par les autorités suisses pour les dix nouveaux pays de l’UE (2500 emploi, principalement pour l’agriculture, de personnes «non qualifiées» en 2005, durée de 4 mois sans aucun droit au regroupement familial, prolongation ou établissement…) et qui fabriqueront de nouveaux Sans-papiers. La libre circulation ne se brade pas au rabais d’un nouveau statut saisonnier!
  • Et nous devons affirmer haut et fort (et par des actions) que la contradiction entre travail et capital existe et continue à faire des ravages, ravages qui font le jeux de ce même capital en divisant les travailleuses et travailleurs entre «indigènes» et les «autres».

Philippe SAUVIN
pour l’autre syndicat
(lautresyndicat@bluewin.ch)