Pont sur l’Aubonne: manifestants reconnus coupables!

Pont sur l’Aubonne: manifestants reconnus coupables!

Le 28 juin 2004, trois manifestants anti-G8, poursuivis devant le Tribunal de police de Nyon pour entrave à la circulation publique, ont été reconnus coupables!

Une décision de non-lieu a été par contre prononcée, le 22 octobre 2004, par le juge d’instruction du canton de Vaud dans la procédure pénale qui visait deux policiers pour mise en danger la vie de deux d’entre eux et lésions corporelles graves. Deux poids, deux mesures! Cette décision fait l’objet d’un recours.

Rappelons que les deux policiers incriminés ont, le 1er juin 2003, tout d’abord arrachés deux banderoles, posées par des manifestants contre la tenue du somme du G8 à Evian, à la hauteur d’un premier barrage, à 100 mètre environ du Pont sur l’Aubonne, sur l’autoroute entre Genève et Lausanne. Puis ils ont évacué brutalement les manifestant-e-s qui bloquaient la voie. Enfin, s’étant avancé à la hauteur d’un second barrage, l’un des deux a coupé une corde d’alpiniste tendue à travers la chaussée, au bout de laquelle étaient accrochés deux anti-G8, Martin et Gésine, suspendus dans le vide à une hauteur d’environ 15m au-dessus de la rivière. Martin a été grièvement blessé et Gésine n’a dû son salut qu’à la rapide réaction d’autres manifestant-e-s qui étaient sur le pont et ont pu retenir la corde de son côté. Elle a subi un traumatisme émotionnel.

L’intervention de ces policiers s’est faite non seulement en violation patente de dispositions figurant dans une directive publiée par le conseiller d’Etat vaudois en charge de la police, «Doctrine d’engagement des forces de police pour le maintien de l’ordre pendant le sommet d’Evian», mais aussi des règles découlant du principe même de proportionnalité qui doit s’appliquer à toute intervention policière. Pour construire l’impunité, sur un plan pénal, des deux policiers, le juge d’instruction cantonal vaudois met notamment en relief une prétendue exaspération des automobilistes qui justifierait le fait que l’unique préoccupation des gendarmes ait été le rétablissement du trafic. Le juge inverse alors totalement la chaîne de responsabilité, affirmant que ce sont les manifestant-e-s qui ont pris des risques insensés et qu’ils se sont exposés eux-mêmes à de graves dangers! Le juge conclut, sur un plan juridique et après un raisonnement pour le moins tortueux, que le policier qui a coupé la corde n’est pas responsable de la chute de Martin et des blessures graves subies de ce fait.

L’impunité des deux policiers, si elle devait être confirmée, heurte tout d’abord le sentiment élémentaire de justice. Elle constitue aussi un précédent très grave en rapport avec d’autres bavures policières. C’est admettre que l’intervention policière n’est soumise à aucune règle: manifestant-e-s ou grévistes ne sont plus en droit de s’attendre à ce que la police respecte la loi et leur intégrité physique! Un mépris pour les droits fondamentaux de la personne que traduisent bien les mots prononcés par le policier au moment d’embarquer les manifestant-e-s sur le Pont de l’Aubonne: «Embarquez-moi cette équipe de mafia de merde». En d’autres termes, vous êtes de toute façon des citoyens de seconde zone!

Jean-Michel DOLIVO