LME: Conseil Fédéral en campagne: chauffons la résistance!

LME: Conseil Fédéral en campagne: chauffons la résistance!


Le Conseil fédéral présentera ces jours la nouvelle version de son ordonnance d’application de la loi sur le marché de l’électricité (LME). La première mouture de celle-ci, d’octobre 2001, avait suscité une opposition unanime.



Après avoir consulté un cénacle, comprenant certains électriciens, la conseillère nationale du PSS Simonetta Sommaruga, qui prétend défendre les consommateurs, et un égaré du WWF, qui soutient toujours la LME, contrairement à d’autres écologistes alémaniques revenus de leur enthousiasme initial, le Conseil fédéral tentera de vendre sa nouvelle copie, comme pouvant répondre aux critiques faites à la loi, en cherchant à déplacer le débat du vote du 22 septembre sur la LME, vers la discussion d’un texte réglementaire, modifiable en tous temps.

Un deal douteux

Le travail fait sur l’ordonnance est largement cosmétique, une «réduction de la densité normative» en déléguant des compétences au Département de Leuenberger (DETEC) qui édictera ultérieurement certaines dispositions, un changement dans la méthode de calcul des frais d’acheminement d’électricité répondant pour part aux revendications de certains électriciens, un calcul des tarifs entre niveaux de tensions au détriment des petits consommateurs, etc.



En clair, l’opération du Conseil fédéral, si elle réussit, aura surtout servi à «acheter» le soutien sonnant et trébuchant de milieux économiques et électriques qui rechignaient à investir sérieusement dans une bataille bien mal partie, quel que soit leur enthousiasme pour les recettes néolibérales.



Or pour nous, c’est sur le fond qu’il faut se battre: doit -on laisser le marché, la spéculation et le profit des multinationales conquérir un espace supplémentaire, doit-on s’enfoncer sur le chemin qui a offert des milliards de dollars aux spéculateurs sur le dos des Californiens (avec black-outs en prime), qui a permis aux gangsters d’Enron et à leurs acolytes d’Arthur Andersen de faire leur beurre aux quatre coins du globe, qui a imposé les fermetures de bureaux de poste en Suisses…

Approvisionnement pour tous?

Pour en revenir à l’esprit de la loi, rappelons le message du Conseil fédéral. On y lit: «Obliger les entreprises d’électricité à assurer l’approvisionnement de tous les consommateurs serait une erreur politique et reviendrait à leur imposer une obligation inadmissible dans un marché libre»1. Dès l’ouverture totale du marché il incombera aux consommateurs «de pourvoir eux-mêmes à leur approvisionnement régulier et suffisant».



Or aux entreprises électriques il faut imposer bien plus que l’«approvisionnement de tous les consommateurs» déjà «inadmissible» selon le Conseil fédéral. Il faut leur imposer des normes écologiques et sociales indispensables. Mais la LME va dans l’autre sens, par exemple à Genève, où la Constitution contient un article antinucléaire sur l’énergie qui lie les Services industriels, celui-ci serait vidé de toute sa substance, et demain EDF pourra venir vendre directement son courant nucléaire aux consommateurs genevois.

Fatalisme fédéral fumeux

Aujourd’hui, l’argument premier des partisans de la LME, comme le sous-directeur de l’OFEN Hans-Luzius Schmid, lors d’un récent débat à Lausanne, est la fatalité de la libéralisation. Certes, la loi n’est pas très bonne, certes l’ordonnance n’est pas satisfaisante, y a-t-il concédé, mais on «n’aura jamais une meilleure loi» (sic) et de toute façon la libéralisation est incontournable… Bref, on n’a pas le choix! Or de Barcelone à Rome, les centaines de milliers de manifestant-e-s qui récusent les règles de la mondialisation capitaliste sont là pour dire le contraire!



Le discours sur la libéralisation qui se fera «de toute façon» par la Comission de la concurrence est aussi contredit …par le Secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO) qui se plaint que: «les décisions au cas par cas des autorités de la concurrence ne parviennent pas à entraîner une ouverture plus générale du marché de l’électricité. La nouvelle loi sur le marché de l’électricité (…) est donc indispensable..2

Les petits à la caisse!

Par ailleurs les billevesées sur les avantages pour tous du «libre » marché ont été contredits récemment par le magazine de consommateurs alémaniques Saldo3. Son article titre «C’est les petits qui payeront» et relève que là où règne l’ouverture totale des marchés, de juin 1999 à juillet 2001 les prix pour un ménage moyen ont pris l’ascenseur. Plus 22% en Norvège, plus 14% en Suède, plus 13% en Allemagne, plus 11% à Londres… En outre, ils signalent que les «experts» invoqués par l’OFEN pour prophétiser une baisse de 10% des prix grâce à la LME, sont en fait les auteurs d’une étude d’UBS-Warburg, la banque qui a pris le relai d’Enron pour ce qui est de son activité d’orchestration de la spéculation sur l’électricité!



Un NON à la LME est indispensable, le gouvernement lance sa campagne. C’est le moment de se remobiliser après l’année écoulée depuis le dépôt du référendum.



Pierre VANEK

  1. Message du CF sur la LME 1999 p.78
  2. La politique économique de la Suisse vue par les organisations internationales, DFE/SECO, Berne juin 2001 (p.33). Signalons que dans le même compendium des rapports de l’OCDE, de l’OMC et du FMI regurgité par le SECO on trouve par ex. l’exigence d’un «raccourcissement de la durée maximale de perception des prestations de l’Assurance Chômage» (p.36)
  3. Saldo No 4 du 27.2.02