Aliments transgéniques: banc d'essai africain

Aliments transgéniques: banc d’essai africain

Au premier semestre 2002, sept pays d’Afrique Australe étaient perçus comme menacés par une famine, suite à une sécheresse dans certaines zones. Une campagne médiatique débouchait alors sur une mobilisation de la «communauté internationale». Ainsi, le Programme Alimentaire Mondial parvenait-il à réunir assez rapidement les stocks nécessaires correspondant à la demande.

Pourtant, si parmi les Etats concernés, sept ont accepté cette «aide» sans discuter, trois d’entre eux ont posé des conditions et un l’a même refusée catégoriquement. Ces réfractaires n’ont pas manqué d’être taxés d’irresponsables et de criminels par quelques généreux donateurs, dont l’humanisme est au-dessus de tout soupçon. Pour le sénateur républicain US Charles Grassley, «C’est une honte que les responsables de certains pays d’Afrique australe, qui sont apparemment bien nourris, préfèrent affamer leurs populations plutôt que de les laisser consommer les aliments que nous consommons quotidiennement aux Etats-Unis» (Discours au Congressional Economic Leadership Institute, 5 mars 2003).

Pourquoi ces réticences?

Les tonnes de maïs proposées par le PAM, avec le soutien de la Food and Agriculture Organisation (FAO) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), avaient été offertes par les Etats-Unis. Mais, il s’agissait, en partie, de maïs transgénique. C’est pourquoi le Zimbabwe, notamment, avait demandé que ce maïs soit livré moulu. Pourquoi cela? Afin que les paysans ne puissent s’en servir comme semences, enclenchant ainsi un processus de dépendance à l’égard des multinationales productrices de transgéniques, source possible de famines futures. Celles-ci ne résulteraient plus de la sécheresse mais de la pauvreté de la petite paysannerie, qui ne pourrait plus acheter les semences transgéniques, des Monsanto, Syngenta, etc…

Pour le gouvernement zambien, son refus catégorique était motivé, en plus de cette forte probabilité de dépendance, par les risques pour la santé des populations consommatrices. Ce qui peut être une interprétation du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques technologiques (Montréal, 2000, non ratifié par les USA), reconnaissant le principe de précaution.

Malgré la pression médiatique orchestrée par les donateurs, le gouvernement zambien, soutenu par des ONG écologistes, n’a pas cédé. Consciente des divergences entre les Etats-Unis et l’Union Européenne sur cette question, la Zambie s’est alors tournée vers l’Union Europe qui, en lui octroyant une «aide» financière trouvait ainsi un débouché pour une partie de ses excédents. Grâce notamment à cette «aide» très intéressée de l’U.E., la Zambie a pu faire face au danger de famine.

Générosité ou profit
des multinationales?

En profitant des malheurs de l’Afrique – et d’autres peuples du Tiers Monde – selon le principe «Trade, not aid», le gouvernement des Etats-Unis vise à généraliser la consommation de ces productions dont l’innocuité n’est pas établie. Ainsi, par exemple, lors de sa tournée africaine, il y a un an, G. W. Bush n’avait pas manqué de fustiger la position de l’Union Européenne sur le sujet – pourtant bien alambiquée, car sensible à la pression des multinationales.

L’humanitaire a ainsi bon dos: «Au lieu de chercher uniquement à ce que nos exportateurs aient un accès préférentiel aux marchés, nous devrions aussi tenir compte des intérêts des déshérités, en développant le commerce et les possibilités offertes par ce dernier. Nous devons relever le niveau de vie dans le monde» (Tim Hauser, adjoint au Sous-secretaire au Commerce international, à l’époque). En commençant par celui des misérables, en croissance permanente aux Etats-Unis, par exemple…

Des relais en Afrique

Parmi les suppôts de cette stratégie en Afrique subsaharienne, on notera le gouvernement sud-africain, leader de la Renaissance Africaine (entendez: du capital sud-africain), qui préfère favoriser la production, la consommation et l’exportation – pourquoi pas vers les autres pays d’Afrique – des aliments transgéniques, plutôt que de favoriser la consommation des antiretroviraux. La médaille revient aussi au gouvernement du Burkina Faso (175e rang sur 177 pour le classement IDH du PNUD, dont environ 85% de la population active travaille dans l’agriculture, et qui a ratifié le Protocole de Cartagena en 2003): il a en effet autorisé Monsanto à y expérimenter du coton (principal produit d’exportation) transgénique depuis au moins deux ans.

On peut se demander, par ailleurs, si les programmes de cantines scolaires, dans certains pays d’Afrique subsaharienne, co-gérés par le PAM, parfois avec l’USAID échappent à la cynique générosité états-unienne, au service de la domination globale du monde par les multinationales.

Jean NANGA