Bourgeoisies de Neuchâtel, 1848-1888: quand l'Ancien Régime s'accrochait…

Bourgeoisies de Neuchâtel, 1848-1888: quand l’Ancien Régime s’accrochait …

Durant plusieurs siècles, comme dans le reste de la Suisse, les bourgeoisies ont joué un rôle important dans la vie politique neuchâteloise. Jusqu’au 1er mars 1848, le canton-principauté en comptait quatre: Le Landeron, Boudry, Valangin et Neuchâtel. Le nouveau régime républicain fut vite confronté à l’opposition de deux d’entre elles, Neuchâtel et Valangin, devenues dès 1831 les fers de lance de la réaction.

Influente dans les Montagnes neuchâteloises, la bourgeoisie de Valangin fit de ses assemblées de 1849 (Engollon) et 1852 (Valangin) des manifestations royalistes. Cependant, le 6 juillet 1852, elle ne réunissait que 2500 participants, alors qu’une contre-manifestation républicaine en rassemblait plus de 8000 à Boudevilliers. Le 30 juillet 1852, le Grand Conseil adopta ainsi une proposition concluant «à ce que la bourgeoisie de Valangin, abolie de droit par la Constitution et tolérée abusivement jusqu’à présent, soit supprimée de fait par décret du Grand Consei1.

Après 1848, la bourgeoisie de Neuchâtel fut gérée par une administration, d’où avaient été écartés les éléments les plus réactionnaires. Mais, lors de la contre-révolution royaliste des 3 et 4 septembre 1856, elle se fit remarquer par son absentéisme dans la défense de la légalité républicaine. Le Conseil administratif de la bourgeoisie fut donc suspendu par les autorités et, le 29 septembre 1856, le Grand Conseil vota l’instauration d’une municipalité à Neuchâtel. Celle-ci dut mener, jusqu’en 1860, une longue procédure juridique contre la bourgeoisie pour le contrôle de diverses institutions – créées grâce au legs du banquier David de Pury à sa ville natale, au 18e siècle2. En 1872 encore, le Grand Conseil dut décréter la remise totale des services publics aux municipalités, avant la généralisation du système des municipalités, en 18883.

L’évolution ne s’est donc pas faite de manière linéaire et harmonieuse. Les résistances furent fortes, notamment après 1856, de la part de la bourgeoisie de Neuchâtel – qui s’appuyait sur des clauses du traité de Paris, du 26 mai 1857 entre la Suisse et la Prusse réglant le problème neuchâtelois. Il convient de s’en souvenir aujourd’hui, dans nos combats pour l’extension de la citoyenneté…

Hans-Peter RENK

  1. Aimé Humbert, Alexis-Marie Piaget d’après sa correspondance et la République neuchâteloise de 1848 à 1858, Neuchâtel: Attinger, 1888.
  2. Dans une lettre à Alexis-Marie Piaget (président du gouvernement) en 1848, l’avocat Louis-Constant Lambelet se plaint d’avoir été refoulé de la Bibliothèque du Collège latin (l’actuelle BPUN), sous le prétexte qu’il n’était point bourgeois de Neuchâtel…
  3. Thierry Christ & Sabine Riart, Du réduit communal à l’espace national, Hauterive, G. Attinger, 2000.

Pas d’anti-démocrates au gouvernement!

Alors que la droite xénophobe tente d’entrer au gouvernement neuchâtelois, voilà un texte fort actuel que nous soumettons aux candidat-e-s des différents partis de gauche, pour réflexion:

«Soyez sûr de ce que je vais vous dire: toutes les révolutions démocratiques se perdent faute de choisir uniquement pour les conduire, des démocrates pur sang, des hommes à principes arrêtés. Placez des mitous, des retournés, des royaux mêmes dans des postes non politiques, il n’y a pas grand mal; ils peuvent y être utiles s’ils ont de la capacité et ils nuisent rarement; mais aux postes politiques, jamais de transactions: il faut des démocrates complètement sûrs, dont les antécédents répondent de l’avenir; autrement, peu à peu le char se détourne de la voie et bientôt il marche à reculons. Tous les hommes que nous avons choisis d’après ces principes nous ont rendu et nous rendront de bons services. Tout ceux qui ont été employés (le nombre en est certes bien exigu) parmi les retournés, nous sont plus ou moins un embarras. En un mot comme en cent, pour fonder une démocratie, prenez des démocrates ou vous périssez. Voyez l’Italie, voyez la France, voyez partout où ce système n’a pas été suivi d’une manière ferme et résolue, et jugez!»

(Alexis-Marie Piaget, Président du gouvernement républicain, lettre du 30 septembre 1849)