NON à Schengen-Dublin: entretien avec Nils de Dardel

NON à Schengen-Dublin: entretien avec Nils de Dardel

Le 5 juin prochain, nous voterons sur l’adhésion de la Suisse à l’Europe des polices (ratification des accords de Schengen-Dubin), contestée par la droite nationaliste. solidaritéS appelle à voter NON et soutient l’Appel «Ensemble pour une Europe solidaire dans un monde solidaire». Rappelons que cet appel a été lancé par différentes composantes de la gauche politique (solidaritéS, libertaires, PdT/POP, listes alternatives en Suisse-alémanique), de la gauche syndicale (le Syndicat des travailleuses et travailleurs-SIT de Genève, des militant-e-s et responsables syndicaux de Comedia, de SUD, d’Unia et de l’Autre syndicat), par des écologistes, comme le co-président des Verts du canton de Zurich, ainsi que par des personnes engagées dans la solidarité internationale, la défense des droits des migrant-e-s (sans-papiers, requérants d’asile, NEM). Nous nous sommes entretenus à ce sujet avec Nils de Dardel, ex-Conseiller national genevois, qui a démissionné récemment du PS, et qui est l’un des initiateurs de l’«appel pour la défense des libertés, NON à Schengen-Dublin…», avec Pierre Vanek et Jean-Michel Dolivo. (réd)

Quel est le principal argument au nom duquel tu te prononces pour le NON à la ratification des accords de Schengen-Dublin par la Suisse?

Pour moi, il y a deux arguments principaux d’égale valeur pour refuser les accords de Schengen-Dublin. Tout d’abord, l’ouverture des frontières nationales, prévue par l’accord de Schengen, conduit à une augmentation considérable des contrôles de police aléatoires à l’intérieur des territoires nationaux. C’est ce qui se passerait en Suisse, en cas de ratification du traité de Schengen. D’ores et déjà, les autorités fédérales et cantonales annoncent davantage de présence policière à l’intérieur du territoire. Il s’agirait de contrôles d’identité effectués souvent «au hasard» en violation du principe qui veut que la police ne contrôle l’identité qu’en cas de soupçon concret d’une infraction.

Le deuxième argument est relatif au secret bancaire. Le traité faisant adhérer la Suisse à Schengen prévoit une énorme exception à la coopération policière et judiciaire de la Suisse avec l’Europe: les infractions fiscales en matière d’imposition directe. Cette exception garantit la fuite de capitaux privés clandestins vers la Suisse, c’est-à-dire un vol organisé par de nombreuses personnes fortunées et de nombreuses sociétés au préjudice des fiscs nationaux, c’est-à-dire au préjudice de la sécurité sociale, de la santé publique et de l’instruction publique des pays européens.

Pour le Conseil fédéral et les banques suisses, l’intérêt de Schengen se situe dans la reconnaissance internationale du secret bancaire suisse. Le PS et les Verts sont passés à côté de ce problème en fermant les yeux et en se bouchant le nez.

A gauche, les partisans de la ratification des accords de Schengen-Dublin invoquent les conséquences favorables qu’elle pourrait avoir sur la politique d’asile de la Confédération. Que penses-tu de cet argument?

Il s’agit d’une complète illusion. Certes, les directives de l’Union Européenne, en matière de procédure d’asile, sont plus favorables aux réfugié-e-s que les règles helvétiques. Mais ces directives ne font précisément pas partie du système de Dublin. Par ailleurs, il n’existe aucune pression de la part de l’Union Européenne pour inciter la Suisse à modifier ses règles en matière de procédure d’asile. Si de telles pressions existaient, la Suisse, on peut en être sûr, saurait facilement y résister.

Dans le monde syndical, l’un des arguments avancés en faveur de l’adhésion de la Suisse aux accords de Schengen, c’est que les travailleurs-euses immigré-e-s originaires de pays extra-européens pourraient franchir les frontières de la Suisse sans avoir besoin d’un visa Schengen. Cet argument est-il pertinent?

Oui, cet argument est pertinent au plan administratif. Il est pénible de devoir faire la queue pendant des heures pour obtenir un visa. Mais il est beaucoup plus pénible d’être arrêté dans la rue et conduit au poste de police pour plusieurs heures à des fins de contrôle d’identité. Les lourdeurs administratives doivent être résolues par des facilités administratives et non par des contrôles policiers accrus.

Entretien réalisé par Jean BATOU