Timor: femmes du Timor oriental face à l’indépendance

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Femmes du Timor oriental face à l’indépendance


Ce texte est une synthèse de l’interview d’une avocate engagée dans la résistance timoraise et pour la défense des droits des femmes. Milena Pires est par ailleurs membre de l’Assemblée Constituante qui travaille actuellement à l’élaboration de la nouvelle Constitution du Timor Oriental.



Après 5 mois de travail de l’Assemblée Constituante, une des préoccupations des associations de femmes – comme celles intégrant le caucus féminin crée par REDE1 – est de garantir que leurs droits soient protégés. Dans le texte constitutionnel figurent des

clauses très spécifiques comme par exemple celle qui interdit la discrimination basée sur le genre ou celle qui établit que la participation directe des hommes et des femmes dans la vie politique soit un principe fondamental du système démocratique, ou encore celle qui stipule que le mariage doit être légal et que les partenaires jouissent de droits égaux devant la loi. D’autres domaines ont aussi été abordés, dont l’accès à l’éducation, à la santé et aux ressources économiques. Mais il reste beaucoup à faire pour développer la législation et garantir son application. D’ailleurs sur 88 député-e-s, 22 sont des femmes, le quota désiré de 30% n’ayant pas pu être atteint.

Une société brutalisée


Cependant, au delà des travaux de la Constituante, la violence conjugale est un des problèmes majeurs qui se posent à la société timoraise. L’année a débuté avec le lancement d’une campagne nationale pour la prévention de la violence conjugale, le Fonds des Nations Unies pour les populations (UNFPA) est en train de former des consultant-e-s qui travailleront sur le besoin de législation contre la violence conjugale dans les treize districts du Timor Oriental. Le futur Parlement devra aussi se pencher sur la question puisque le Timor devra signer la Convention sur les droits de la femme (CEDAW) après la déclaration d’indépendance prévue le 20 mai 2002 au moment où d’autres traités internationaux et conventions devront être signé-e-s.



Les problèmes que les femmes doivent affronter aujourd’hui proviennent pour beaucoup de la période précédant l’occupation indonésienne. Le système patriarcal de la société timoraise est responsable de plusieurs formes de discriminations contre les femmes.



L’occupation – par la violence généralisée qu’elle a imposé – n’a fait qu’aggraver les violences envers les femmes et si on a dénoncé la première, la seconde a été ignorée. Autre question découlant de ceci, le grand nombre de veuves dans tout le pays, surtout à Kraras, village qu’on appelle le village des veuves puisque la majorité des hommes ont été exterminés au cours d’une opération militaire indonésienne. Ajoutons à cela le viol et les abus contre les femmes – largement utilisé par l’armée après le référendum pour l’Indépendance. Sans oublier les mères et parents qui cherchent à localiser leurs enfants kidnappés sous l’occupation et dans les camps de réfugié-e-s. Tout cela a fortement marqué la société, laissant un héritage de brutalités contre les femmes. Les femmes forment ainsi une grande partie de la population qui vit au dessous du seuil de pauvreté, spécialement les veuves. Peu d’opportunités s’ouvrent à elles pour subvenir aux besoins familiaux et l’Etat ne peut actuellement leur garantir de sécurité sociale. Il faut donc en priorité assurer l’accès des femmes à une vie décente et leur participation croissante dans les forces de travail peuvent leur permettre de dépasser les barrières culturelles, l’indépendance économique étant une clé pour casser le cycle de la violence conjugale courante.

Réseaux féministes en action


Les associations féministes se sont constituées peu à peu, l’Organisation populaire des femmes timoraises, qui existe depuis 1975, est la plus ancienne. En 1998, profitant de «l’ouverture» du gouvernement indonésien, deux autres associations ont vu le jour: le Forum de communication des femmes (FOKUPERS) ainsi que les Femmes de Timor oriental contre la violence (ETWAVE) . Ces deux associations ont mis sur pieds et gèrent aussi des foyers d’accueil pour les femmes victimes de violence et leurs enfants.



L’organisation des Young Women of Timor Lorosae (FFSTL) regroupe des jeunes femmes très actives qui publient leurs travaux sur les violences commises contre les femmes sous l’occupation indonésienne et apportent leur soutien aux victimes. Ces associations sont toujours très actives malgré le manque chronique de moyens. Le réseau REDE est lui formé par des groupes de femmes issus de tous les horizons – politique, culturel et économique, y compris des coopératives et il joue un rôle très important pour relayer la parole des femmes auprès de l’Assemblée Constituante.

Les rôle des «sponsors»


Le rôle des agences onusiennes est variable, pourtant les agences comme le fonds pour les femmes (UNIFEM) et l’UNFPA ont une présence bien établie, la Banque mondiale et la Banque asiatique pour le développement ont contribué au Projet pour le Développement communautaire (CEP), des gouvernements comme celui de la Grande-Bretagne ont contribué directement à la réalisation du Congrès des femmes, l’Australie a sponsorisé la formation des femmes candidates aux élections de l’Assemblée Constituante. Mais cela varie aussi: on peut trouver des exemples de membres de missions au Timor Oriental qui pensent que la politique de genre est un luxe pour le pays actuellement… Ceci est aussi vrai pour l’Administration transitoire onusienne (UNTAET) dont quelques membres sont très réceptifs à la politique de genre, tandis que de façon générale les femmes doivent se battre tout le temps pour que le sujet soit toujours présent dans les discussions.



Benta-Giselda FERNANDES



Association for Women’s Rights in Development: www.awid.org

  1. Réseau de groupes de femmes issus des milieux politique, culturel et économique.