Travailler sept jours sur sept? NON merci!

Travailler sept jours sur sept? NON merci!

Aujourd’hui, dans les gares, seuls les commerces offrant un assortiment de produits limités, correspondant aux besoins particuliers des voyageurs, peuvent être ouverts le dimanche. Et c’est bien ainsi! Avec la modification de la Loi sur travail, soumise en votation le 27 novembre 2005, toutes les sortes de commerces pourraient être ouverts, dans les gares, et l’on pourrait alors acheter
le dimanche des meubles, des téléviseurs, des ordinateurs ou des réfrigérateurs. Les banques et les assurances y auront des bureaux ouverts.

Avec cette modification de la loi, un pas de plus est fait vers une généralisation du travail du dimanche. Car il y a un effet domino évident: si les gares se transforment en centres commerciaux où l’on peut tout acheter le dimanche – d’une chaîne stéréo à une tondeuse à gazon – il n’y a aucune raison que d’autres grandes surfaces ne réclament pas également ce droit, invoquant une distorsion de la concurrence. De ce point de vue, le slogan des CFF est éloquent, «un centre commercial avec sa propre gare» ! Le travail du dimanche, généralisé à tous les types de commerces dans les gares, constitue le cheval de Troie de la généralisation pure et simple du travail du dimanche. Le Conseil des Etats a déjà pris les devants: il a donné le mandat au Conseil fédéral de préparer un nouvelle modification de la loi, la prochaine étape devant permettre d’employer des salarié-e-s le dimanche dans les magasins et entreprises de services (par exemple, la poste, les banques ou les assurances).

Une loi sur le travail très flexible

La Suisse a déjà la législation en matière de travail la plus libérale d’Europe. La durée maximale légale du travail y est plus élevée que dans tous les autres pays de l’Union européenne. Flexibilité à gogo des horaires de travail, horaires en accordéon, augmentation du travail de nuit, multiplication du travail en équipes: celles et ceux qui ont du boulot bossent comme des malades. Tout bénéfice pour les employeurs, la flexibilité impose des contraintes supplémentaires aux salarié-e-s. Or, le dimanche doit rester un jour où chacune et chacun a en principe congé, peut se reposer, voir sa famille, ses enfants ou ses amis, faire des excursions ou participer à des activités culturelles ou sportives collectives. Ce jour de congé commun est d’autant plus indispensable que le travail rend de plus en plus malade: 44% des salarié-e-s sont victimes du stress! Soulignons que le travail du dimanche ne crée aucun emploi supplémentaire, les ventes dominicales se faisant au détriment de celles de la semaine et des petits commerces qui, pour certains, devront mettre la clé sous le paillasson. Pour le personnel de vente, cela impliquera inévitablement des horaires en accordéon sept jours sur sept et du travail sur appel le dimanche aussi! Les grandes surfaces diminueront leur personnel les jours ouvrables et les emplois à temps complet seront remplacés par des temps partiels.

Peu ou pas de compensation…

Aujourd’hui 10% des salarié-e-s travaillent régulièrement le dimanche, dans des secteurs comme les hôpitaux, les homes, l’hôtellerie, la restauration, le secteur de la réparation, l’agriculture, le commerce et les entreprises de transports publics. A l’exception du secteur public, ce travail régulier du dimanche n’est pas compensé impérativement par une majoration de salaire. Et très souvent, dans ces secteurs professionnels, les salarié-e-s sont moins bien payés que dans d’autres. La seule protection légale particulière dont ils-elles bénéficient est inscrite à l’art 12 de l’Ordonnance 2 relative à la loi sur le travail, à savoir deux jours de congé par semaine, mais qui ne doivent pas obligatoirement se suivre. Rien d’extraordinaire par rapport aux autres travailleurs-euses! Les Chambres fédérales ont balayé la proposition de fixer légalement le principe de la majoration de salaire en cas de travail du dimanche régulier ou une obligation de conclure une convention collective de travail (CCT).

Quant au 15% de salarié-e-s qui actuellement travaillent occasionnellement le dimanche, ils/elles ont droit en principe à un supplément salarial de 50%. Mais la moitié de pas grand chose, c’est peu! Dans la vente, le salaire moyen est de 4.000 francs (alors qu’il est de 5600 au niveau Suisse) et près d’un tiers des femmes gagnent moins de 3500 francs mensuels. D’éventuels suppléments salariaux de 50% ne leur permettront guère de mieux pouvoir nouer les deux bouts: avec un salaire de base si modeste, ils représenteront au mieux 80 francs par dimanche. Le jeu n’en vaut pas la chandelle… celles qui sacrifieront trois dimanches sur quatre gagneront à peine 3800 francs au lieu de 3500! Et si elles devaient travailler plus de six dimanches par an, elles n’auront plus droit à une majoration particulière pour le travail du dimanche. C’est l’une des raisons pour lesquelles le personnel de la vente, dont les conditions de travail sont déjà particulièrement précaires, rejette presque unanimement les ventes dominicales. Relevons qu’en Suède la libéralisation des heures d’ouverture des magasins a pu être introduite uniquement parce que les conventions collectives appliquées à tout le personnel de vente fixent, de manière impérative, des suppléments salariaux de 100%.

Nous dirons NON le 27 novembre, non à une vie sociale vampirisée et rabougrie par la soif du profit!

Jean-Michel DOLIVO