Racisme et discrimination: la société d’accueil en question

Dans le mouvement d’opposition à la politique d’exclusion qui se développe actuellement, il faut encore signaler la naissance d’une nouvelle association: ACRADI = Agir contre le racisme et les discriminations.

Fin 2005, tant ACOR SOS Racisme que Pluriels, centre de consultations et d’études ethnopsychologiques pour migrant-e-s célébraient leurs 10 ans d’existence. Ces deux services d’actions sociale et de santé ont choisi d’unir leurs forces pour marquer cet anniversaire commun en organisant ensemble un colloque de réflexion.

Deux fois 10 ans de travail
au service des migrant-e-s

Si les dix ans écoulés ont apporté une reconnaissance du travail des institutions qui soutiennent les migrant-e-s et un début de politique d’intégration, ils ont aussi vu le développement d’une hostilité raciste et xénophobe sans précédent en Suisse depuis la fin de la guerre mondiale. Il ne se passe guère de jours sans que de nouvelles discriminations ne soient annoncées (multiplications des statuts précaires pour certaines catégories d’étrangers, rejet de la naturalisation facilitée des 2e et 3e générations, suppression de l’aide vitale aux personnes frappées d’une non-entrée en matière de demande d’asile, etc., etc.).

Deux jours de réflexion

Le colloque, organisé par Franca Ongarelli Loup et Alfredo Camelo de Pluriels, Karl Grünberg et Anne-Catherine Salberg de SOS Racisme, avait pour but d’interpeller les professionnel-le-s des administrations, de la santé, du social et de l’éducation, ainsi que les membres des associations luttant contre le racisme et les discriminations, pour leur permettre d’analyser les mécanismes du déni des droits humains et leurs conséquences et d’élaborer des réponses.

Environ 80 personnes de toute la Suisse romande ont débattu durant deux jours (24 et 25 novembre à Genève) autour des témoignages des personnes directement concernées et si peu entendues dans l’opinion publique: victimes de discriminations raciales, requérant-e-s d’asile frappés de non entrée en matière, ainsi que bénévoles ou professionnel-le-s «du terrain», psychologues, avocat-e-s, médecins, juristes des personnes sans droits.

Les propos tenus, souvent poignants, nous ont donné à voir une Suisse brutale et déshumanisée. A tous les niveaux de l’administration suisse, on peut déceler des politiques et des comportements empreints de discrimination et de racisme ordinaire: discriminations à l’embauche, non reconnaissance des titres professionnels étrangers, violences policières…

Comment résister? Car les racines du mal sont très profondes, et chacun-chacune contribue à l’élaboration de cette société. Ne pas être raciste, ne pas être xénophobe, c’est aussi un combat de tous les jours contre soi-même!

Malgré le climat d’impuissance et de pessimisme qui a pu se manifester dans certains ateliers, la grande majorité des participant-e-s ont souhaité donner suite au colloque. Rendez-vous a été donné dans ce sens aux participant-e-s lundi 16 janvier à 18 h au Buffet de la Gare CFF de Lausanne (salle 1er étage).

L’organisation de la résistance

Trois grandes pistes d’actions se dessinent:

• Réunir les forces éparses et agir collectivement, décloisonner les activités et sortir des lieux institutionnels afin de partager expériences et questions. C’est le but que s’est justement donné le mouvement citoyen ACRADI.
• Promouvoir l’organisation des personnes concernées en groupes de pression. Il faut d’abord favoriser les «espaces de parole», soutenir celles et ceux qui osent parler, faire connaître leur parole,
• Examiner l’opportunité de lancer une initiative fédérale pour obtenir une loi d’application de l’article 8 de la Constitution sur l’égalité et la non-discrimination pour tous et toutes dans l’accès au logement, au travail, aux soins, à la vie familiale, etc. En ce moment, les Chambres fédérales entérinent les lois discriminatoires, mais c’est notre légitimité qui doit s’inscrire maintenant dans la Constitution!

Maryelle BUDRY