Pollution de l’air à Lausanne: Radicaux, Écolos, même topo!

Pollution de l’air à Lausanne: Radicaux, Écolos, même topo!

Au nom du moins d’Etat pour plus de profit, le néolibéralisme
a encouragé l’appropriation
privée du patrimoine urbain et territorial pour soustraire davantage
d’argent public par le truchement de chantiers pharaoniques. Mais l’imposition
de ces travaux aux contribuables n’était pas possible sans le
prêche fallacieux de quelques notables Verts qui les justifient par un
prétendu besoin de répondre à une «mobilité» croissante.
Pourtant, comme on tentera de le démontrer, leur impact négatif,
occulté mais bien réel, infirme les belles promesses d’une
ville viable.

Aujourd’hui l’agglomération lausannoise est
mise sens dessus dessous: les niveaux de pollution atteignent des sommets tout
comme la consommation de combustibles fossiles et l’émission consécutive
de gaz à effet
de serre. De tels choix ne sont possibles qu’en maintenant les citoyens
dans l’ignorance des conséquences désastreuses de ces travaux.

Main
basse sur Lausanne

L’ouverture du «chantier du siècle» a
montré au
patronat des travaux «publics» qu’il pourrait dorénavant
tirer d’énormes profits en remodelant continuellement toutes les
infrastructures. Mais pour pouvoir mener des travaux, aussi dispendieux qu’inutiles,
leurs promoteurs doivent préparer et gagner l’opinion. La grande
presse bourgeoise s’en charge par la désinformation en présentant
leurs avantages tout en masquant leurs inconvénients. Voici les derniers
grands projets en date:

  • Elargissement de trois ponts routiers de l’autoroute
    A12. La raison évoquée
    est l’amélioration de la sécurité et la protection
    contre le bruit des riverains1;
  • Tunnel sous Ouchy et le parc du Denantou dont l’utilité est
    proclamée par l’incontournable Olivier Français, municipal
    radical, directeur des travaux de la ville de Lausanne: «Rendre plus
    tolérable la circulation des habitants». A croire qu’il
    n’a plus confiance dans l’efficacité de son M2 pour réduire
    le trafic automobile2. Ainsi, l’absurde bretelle autoroutière
    qui devait relier les sorties de la Maladière et de la Conversion en
    passant par Ouchy et qui fut rejetée par la population en 1980 referait
    ainsi surface… en tunnel?
  • Réseau express régional dont l’écolo François
    Marthaler, conseiller d’Etat, chef du département des infrastructures
    justifie ainsi la nécessité: «Pour lutter contre la pollution,
    il faut changer les habitudes des gens en leur offrant des transports publics
    performants»3. Et si, libérés des contraintes du travail
    salarié, interminable, pénible et stressant, ce notable leur
    offrait plutôt le temps de se balader tranquillement à pied, à vélo, à cheval?
  • Parking
    souterrain de 1200 places à Vennes surmonté d’un
    complexe hôtelier avec écomusée surmonté d’un
    aquarium géant, censé accueillir 300000 visiteurs4.

De nombreuses
autres occasions d’éventrer, bétonner, bitumer,
défigurer la ville font rêver les taupes patronales de LausanneEnsemble,
la liste électorale de la droite: superparking de l’Est lausannois,
tunnel pour le LEB sous l’avenue d’Echallens5, bétonnage «végétalisé» de
l’actuelle tranchée fleurie de la «Ficelle»6, funiculaire
Riponne – Blécherette et Riponne – Sauvabelin, tunnel ferroviaire
de 4 km d’acheminement des ordures cantonales au cœur de Lausanne,
qui, à peine achevé se voit reprogrammé pour transporter
des humains… Le délire.

La face cachée du M2

Le M2, en travaux7, permet déjà d’estimer
les coûts écologiques
qu’il engendre et d’en renifler les puantes «particules fines».
Mais une simple «étude d’impact» aurait permis d’en
fixer le montant avant le premier coup de pioche, en se fondant sur un «bilan
carbone», un bilan pollution et un bilan santé pour la population8.
Effectués ou non, ces bilans n’ont pas été communiqués
aux électeurs, ni publiés dans la grande presse, ni d’ailleurs
mis sur la Toile. Inutile donc de taper dans Google «M2 Lausanne pollution,
ou impact, ou environnement, ou déchets, ou carbone ou effet de serre».
Cette rétention de l’information explique comment le M2 a pu être
plébiscité en 2002 par 62% des personnes qui ont voté,
soit moins du tiers de l’électorat vaudois, compte tenu des abstentions.

Tentons
cependant d’estimer, ne serait-ce que le tonnage de gaz à effet
de serre émis lors de la construction des seuls tunnels du M2. La consommation
d’au moins 6500 tonnes d’acier d’armature utilisé9 aura
dégagé près de 4000 tonnes de carbone. Les quelque
700000 tonnes de béton coulées auront produit 200000 tonnes de
ce même gaz à effet de serre. Quant au pétrole brûlé,
lors des innombrables navettes de camions pour évacuer les 500000 m3
de rebuts d’excavations, dans les centaines de machines de chantiers,
dans les véhicules qui transportent quotidiennement, et pendant encore
trois ans au moins, des centaines de travailleurs, chaque tonne d’hydrocarbures
brûlés aura généré 850 kg de carbone
dans l’atmosphère terrestre10…

Cette destruction
d’un patrimoine, largement suffisant dans son état
actuel, ce détournement de l’argent public indispensable aux populations
démunies à qui l’on dit que les caisses étant vides,
elles doivent faire des économies, ce gaspillage de matériaux
et d’énergies rares et non renouvelables par une petite ville
perdue dans le monde sont indécents. Les «écolos» qui
cautionnent ce gâchis ont perdu toute conscience des réalités
planétaires: ils ont plaqué leur déesse Gaïa pour
se dévouer au dieu Fric qui roule en 4×4, fait du jogging, parle de
développement durable et se moque du monde.

Quant à la pollution
automobile par les hydrocarbures11 – que
la presse limite aux «particules fines» –, aggravée
par ceux brûlés en masse sur les chantiers du M2, le Vert Daniel
Brélaz, syndic de Lausanne n’en a cure: «Le vent chassera
la pollution et on n’en parlera plus»12 et d’ailleurs «la
pollution est avant tout un problème de santé publique, et ce
problème n’est pas de la compétence de la ville»13.
Pas de questions? Rompez!

François ISELIN

  1. 24 Heures, «78 millions pour le
    toboggan de l’A12», 30.11.2004.
  2. 24 Heures, «Le tunnel sous Ouchy refait
    surface», 2.2.2005.
  3. 24 Heures, «François Marthaler
    met sur les rails un véritable RER vaudois pour 2010», 4-5.2.2006
  4. 24
    Heures
    , «Quarante aquariums géants
    au-dessus du métro M2», 24-26.12.2005.
  5. 24 Heures, «Agglomération Lausanne-Morges:
    des projets pour trois milliards», 17.2.2005.
  6. 24 Heures, «Un espace vert au-dessus
    des voies du M2», 24-26.12.2004.
  7. Voir solidaritéS, «Métro
    lausannois: Plus jamais ça», n°64, mars 2005.
  8. Nous rappelons
    aux «écologistes pro
    M2» que leurs données et explications seront bien accueillies
    par la rédaction de solidaritéS.
  9. Ces tonnages sont extrapolés à partir
    des données de la Note technique de l’entreprise JPF pour le
    Lot 1500 CHUV, multipliées par le nombre de lots.
  10. La combustion de
    combustibles pétroliers dégage
    0.85 de sa masse en carbone, la production d’acier 0.6, celle de ciment
    0.25 Ces relations sont communiquées par Jean-Marc Jancovici, La
    mesure des émissions de gaz à effet de serre
    ; l’ADEME, Un
    outil pour les entreprises: le «bilan carbone»
    , déc.
    2003. Pour des informations exhaustives, Jean-Marc Jancovici, L’avenir
    climatique. Quel temps ferons-nous?
    Seuil, 2002.
  11. 24 Heures, «La ville la plus polluée de
    Suisse», 2.2.06. Cette pollution tue quotidiennement une dizaine de
    personnes en Suisse.
  12. 24 Heures, 16.1.2006.
  13. 24 Heures, 9.2.2006.