Contrat pour l'esclavage... la jeunesse de France dit non!

Contrat pour l’esclavage… la jeunesse de France dit non!

Au cours de ces quatre dernières années, le gouvernement français de droite a imposé toute une série de mesures néolibérales. Parfois, la résistance a été forte, notamment contre la réforme du système des retraites, en 2003. Mais dans l’ensemble, le gouvernement a été capable d’imposer ses «réformes», principalement parce que les organisations ouvrières traditionnelles n’étaient pas prêtes à mettre tout en œuvre pour s’y opposer. Cette fois-ci, cependant, le Président Jacques Chirac et son protégé, le Premier ministre de Villepin ont peut-être eu les yeux plus grand que le ventre.

Le «Contrat Première Embauche» proposé par le gouvernement rendrait possible le licenciement, sans invoquer de motif, des jeunes de moins de 26 ans, durant leurs deux premières années d’embauche. C’est un pas de plus dans la volonté affichée par le gouvernement de se débarrasser de toute la législation du travail en vigueur, pour faire de la sécurité de l’emploi une affaire dépassée et donner aux employeurs le droit d’engager et de licencier à volonté. Mais c’est aussi une mesure qui vise particulièrement les jeunes travailleurs-euses qui entrent sur le marché du travail. [Comme le confiait la présidente du MEDEF, la faîtière patronale, au Figaro du 30 août 2005: «La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi?», ndlr].

Les étudiants en tête

Lentement, tout d’abord, puis de façon croissante, l’opposition à ce projet s’est fait sentir. Sa colonne vertébrale, c’est le plus puissant mouvement étudiant de la décennie. La première mobilisation de masse a eu lieu le 7 février, à l’appel des principaux syndicats, ainsi que des organisations étudiantes et lycéennes. Pour la France, le succès a été relatif: 400 000 manifestant-e-s dans les rues.

Durant les semaines suivantes, en dépit des vacances scolaires échelonnées, qui voient la fermeture successive de certaines écoles et universités tout au long de février, le mouvement s’est élargi et a gagné en profondeur. Tandis que les étudiant-e-s commençaient à saisir ce qui était en jeu, le mouvement s’amplifiait et passait du stade des manifs et des protestations à celui des occupations. Aujourd’hui, plus de 50 universités françaises sur 84 sont partiellement ou complètement occupées par les étudiant-e-s. La troisième en importance, Nanterre, a été fermée «pour des raisons de sécurité».

La seconde grande journée d’action du 7 mars a été beaucoup plus importante que la première, avec un million de personnes dans les rues de 160 villes. Les manifs ont réuni des syndicalistes et de nombreux jeunes, étudiant-e-s et salarié-e-s. Le ton était très radical. De nombreux jeunes avaient clairement compris que le gouvernement marchait main dans la main avec le MEDEF, l’association très agressive du patronat français, dont les bureaux locaux ont été souvent visés par les manifestant-e-s étudiants, comme ceux de l’UMP, le parti gouvernemental.

L’épreuve de force

Les partis de gauche ont soutenu le mouvement et appelé au retrait du CPE – non seulement le PCF et la gauche radicale, mais aussi le PS. De façon assez surprenante, en dehors d’une période électorale, on pouvait voir des affiches du PS sur les murs appelant au retrait du CPE et à soutenir les manifs – une indication de la force du mouvement.

Le gouvernement cherche à faire front et n’a pas hésité à faire appel aux CRS contre les étudiant-e-s. Durant la nuit des 10-11 mars, ils ont investi la Sorbonne, la plus vieille université de France, expulsant les étudiant-e-s qui l’occupaient en en blessant quelques uns – évoquant ainsi les souvenirs de Mai 68, dont la Sorbonne avait été le symbole. La semaine dernière, la mobilisation a touché un nombre croissant de lycéens, et le 14 mars, les étudiant-e-s et les lycéen-nes ont marché sur la Sorbonne.

L’épreuve de force avec le gouvernement est maintenant véritablement engagée et le rythme des événements s’est accéléré. Les organisations étudiantes et lycéennes ont appelé à un jour d’action le 16 mars [un demi million de jeunes dans la rue, ndlr] et appellent les salarié-e-s à entrer en grève pour les soutenir. Samedi 18 mars, les syndicats, y compris les plus modérés, comme la CFDT, qui ne veut plus entendre parler d’action de grève, ont appelé à une journée d’action.

Une victoire est possible, si…

Le principal syndicat, la CGT, s’est prononcé pour une autre journée de grève et de manifestations le 30 mars. Mais cette échéance est trop lointaine pour les étudiant-e-s. La réunion de leur coordination nationale, à Poitiers, le 11 mars, a appelé les syndicats à organiser une journée de grève le 23 mars, avec une manifestation nationale à Paris.

Le pouvoir est maintenant sérieusement alarmé. Deux fois au cours des vingt dernières années, en 1986 et en 1994, les étudiant-e-s ont forcé le gouvernement à retirer une loi – en 1994, c’est une mesure très proche du CPE qui était en jeu. Des divisions commencent ainsi à apparaître. Seuls quelques politiciens de droite appellent ouvertement au retrait du CPE, comme Hervé de Charrette, un ex-Ministre des affaires étrangères de Chirac. Plus nombreux sont celles et ceux qui serrent les rangs derrière le gouvernement tout en exprimant leur préoccupation en privé. Sept présidents d’universités ont déjà appelé au retrait du CPE.

Les semaines à venir vont être décisives. Si les syndicats répondent à l’appel à la grève des étudiant-e-s pour le 23 mars, la dynamique du mouvement va encore se renforcer. Cela dépend essentiellement de la CGT qui, en refusant d’appeler à la grève générale en 2003, avait permis au gouvernement de desserrer le nœud. [Samedi 18 mars, ce sont plus de 1,2 million de personnes qui ont manifesté dans toute la France, ndlr].

La LCR et son organisation de jeunesse, la JCR, sont fortement investis dans le mouvement et soutiennent l’appel à la grève générale et à la manifestation nationale. La LCR a aussi proposé à toutes les forces de gauche d’organiser un meeting unitaire pour le retrait du CPE.

Murray SMITH*

* ancien organisateur international du Scottish Socialist Party écossais et membre actif de la LCR. Traduction de l’anglais, titre et intertitres de la rédaction.