Restaurant de gauche, cuisine de droite...

Restaurant de gauche, cuisine de droite…

Le 8 mars dernier, le Conseil d’Etat a présenté les grandes lignes de sa politique dans les domaines des finances publiques et de la «réforme» de l’Etat. Dans son introduction, l’Exécutif affirmait: «le précédent Conseil d’Etat a consacré d’importants efforts à la maîtrise des dépenses. Aujourd’hui, ces efforts sont poursuivis et renforcés. Ils s’inscrivent dans le cadre de la désormais impérative réforme de l’Etat, telle qu’elle a été définie dans le discours de Saint-Pierre du 5 décembre 2005». Plus loin, dans son texte, il ajoutait: «s’agissant des finances publiques, le Conseil d’Etat s’engage à rétablir l’équilibre budgétaire à l’issue de la législature 2006-2009, avant de diminuer la dette cantonale. Cet objectif, rappelons-le, ne doit être atteint, ni au moyen de hausses d’impôts, ni au détriment des prestations publiques, tant que le Conseil d’Etat n’aura pas collectivement démontré sa capacité d’accélérer et de faire aboutir la réorganisation de l’Etat».

Un tel discours est dans la droite ligne de ceux des gouvernements de droite, «monocolore» y compris, qui se sont succédés à Genève depuis une quinzaine d’années, soit depuis que la droite néolibérale a fait de la «réforme» de l’Etat et de la baisse des impôts les principaux axes de sa politique de démantèlement social.

Rappelons que la «réforme» de l’Etat, version «monocolore» des années 90, s’était traduite par la suppression de plusieurs milliers d’emplois dans le secteur public et assimilé, par la tentative de précariser le statut (faciliter les licenciements), par une remise en cause des mécanismes salariaux et par la dégradation des prestations éducatives, sanitaires et sociales. Les mesures annoncées par le nouveau Conseil d’Etat à majorité de «gauche» s’inscrit parfaitement dans la même ligne.

Epargner les riches

Rappelons également, que «les importants efforts…» du précédent Conseil d’Etat, que le gouvernement actuel voudrait poursuivre et renforcer, comportaient notamment de violentes attaques contre les chômeurs, les retraités et les handicapés bénéficiaires de l’aide sociale, femmes et hommes, que la gauche et les syndicats avaient combattues avec succès par référendum.

En affirmant vouloir obtenir l’équilibre budgétaire et la diminution de la dette sans «hausses d’impôts…», la majorité de «gauche» du Conseil d’Etat occulte totalement la cause principale de l’aggravation du déficit et de la dette, à savoir la baisse d’impôts de 12% et autres cadeaux fiscaux qui ne profitent qu’aux plus riches, obtenus par la droite genevoise. C’est ainsi que ces baisses d’impôts ont privé l’Etat de 500 millions par année, soit un montant supérieur aux déficits enregistrés ces dernières années. Cette position du gouvernement est en contradiction avec les thèses de l’«Alternative» concernant les causes de la crise des finances publiques. Ajoutée à l’opposition du Conseil d’Etat aux initiatives fiscales soutenues par les différentes composantes de l’«Alternative» et par les syndicats d’une part, et à l’approbation par ce même Conseil d’Etat de la privatisation de Swisscom d’autre part, on ne pourrait que regretter qu’une fois de plus nous nous retrouvions avec des Conseillers d’Etat élus à gauche et pratiquant une politique de droite…

Pénaliser le personnel et les usagers

Au chapitre des prestations, le Conseil d’Etat affirme que celles-ci ne seraient pas touchées par ses mesures… Comment peut-on croire une telle affirmation, quand on sait déjà que plusieurs mesures, comme l’application des normes CSIAS, se traduisant par une baisse importante des revenus des bénéficiaires de l’aide sociale, ont été confirmées par le Conseil d’Etat? Quelle crédibilité pourrait-on accorder à cette déclaration quand on sait que le Conseil d’Etat envisage la suppression de plus de mille postes, alors que le chômage est au plus haut, que la précarité s’étend et que la population vieillit tout en étant en nette augmentation (près de 60 000 habitant-e-s en plus ces 15 dernières années)?

Concernant la fonction publique, l’accord signé avec les syndicats remet en cause des éléments essentiels du statut en ouvrant la voie aux licenciements facilités et en supprimant implicitement les mécanismes salariaux. Par ailleurs, la dégradation des conditions de travail du personnel ira en s’accélérant avec la compression des effectifs voulue par le Conseil d’Etat.

Pour toutes ces raisons, les mesures qui seront annoncées par le Conseil d’Etat le 31 mars prochain, puis dans le cadre du projet de budget 2007, auront un goût amer pour la majorité de la population. Nous y reviendrons…

Souhail MOUHANNA