3ème anniversaire du chaos

3ème anniversaire du chaos

Je suis le fils d’une mère chiite et d’un père sunnite et je vis dans un quartier mixte de Bagdad. Ma mère était terrorisée, à chaque fois que je quittais la maison pour aller à l’hôpital ou à la morgue, un aspect de mon travail pour documenter les violations des droits de l’homme et les tueries, dans les jours qui ont suivi l’attentat à la bombe de Samara [contre le tombeau historique de deux fameux imams, ndlr]. (…) La peur que des êtres aimés soient tués dans une guerre civile potentielle a eu un profond impact sur tous les Irakiens et les Irakiennes, sans égard à leur appartenance religieuse. Dans les jours suivants, j’ai senti que c’était ce qui unifiait la plupart des gens qui vivent en dehors de la zone verte, luttant avec les difficultés de la vie quotidienne.

Lorsque j’ai vu de jeunes chiites protéger une mosquée sunnite, aux côtés des sunnites, dans mon quartier, j’ai émis un soupir de soulagement. (…) À ce moment, j’ai ressenti les mêmes émotions que durant le siège de Falludja, où je travaillais comme médecin. Nous n’avions plus de nourriture, nous nous sentions déprimés et perdions espoir. Le premier camion à rompre le blocus a été un convoi d’aide chiite. Il est entré dans la ville en annonçant par haut-parleurs: «Nous sommes venus ici pour vous aider.» Ils ont fait le signe de la victoire avec les doigts et nous ont porté assistance. Alors, comme aujourd’hui, je me suis souvenu du vieux proverbe arabe: «le coup qui ne te tue pas ne peut que te rendre plus fort». J’ai réalisé que la fabrique de la société irakienne ne pourrait jamais être taillée en pièces – nous sommes plus unis maintenant que jamais auparavant (…)

Durant ces trois dernières années, les véhicules de l’armée US patrouillaient partout à Bagdad. L’autoroute qui fait face à ma maison est maintenant désertée par les soldats: quatre jours après l’attaque du tombeau, ils avaient disparu. (…) Les occupants ne remplissent pas leurs responsabilités, prévues par les Conventions de Genève, de maintenir la loi et l’ordre, et de protéger les civils dans les zones qu’ils contrôlent. (…) Pourquoi sont-ils ici? Qui protègent-ils? Cela nous ramène à la vieille revendication de la population irakienne: que les forces de la coalition s’en aillent! (…)

Voilà le troisième anniversaire de l’invasion de l’Irak, menée au nom des droits humains et de la démocratie. Une invasion justifiée par les armes de destruction massive et qui a coûté la vie à des centaines et des milliers d’Irakiens et d’Irakiennnes innocents. Une invasion supposée leur montrer la lumière au bout du tunnel, qui les a au contraire conduit dans des ténèbres plus épaisses. (…) Ce sont les balles et les bombes qui contrôlent la rue (…) Durant ces trois dernières années, des milliers de personnes ont perdu la vie, tandis que les droits humains et la démocratie étaient écrasés partout dans le monde sous les coups de boutoir de la soi-disant «lutte contre le terrorisme».

Dr Salam ISMAEL