C’est la Citibank qu'il faut juger!

C’est la Citibank qu´il faut juger!

Quatorze manifestant-e-s ont dénoncé à
Genève la responsabilité de la Citibank
dans les massacres perpétrés en Colombie.
Ils ont été condamnés à des amendes
salées et font appel. L’occasion de se
solidariser avec eux/elles en rappelant la
politique dévastatrice de cette banque à
l’échelle mondiale.

Le 9 mai 2001, une cinquantaine de personnes envahissent
le hall d’entrée de la Citibank à Genève pour
protester contre un nouveau massacre de civils en
Colombie. Les liens entre cet établissement financier
et la politique étatsuniènne en Amérique Latine, plus
particulièrement en Colombie, sont de notoriété
publique. A l’heure de la fermeture de l’agence, la police
interpelle 14 manifestant-e-s qui se trouvent encore
sur les lieux pour les interroger. Leurs empreintes
digitales sont relevées, comme s’il s’agissait de vulgaires
criminels, et ils/elles sont détenu-e-s pendant
une nuit entière. Entre-temps, la banque porte plainte
pour violation de domicile, ce qui vaut aux inculpés
des amendes de 600 à 800 francs. Aujourd’hui, ils
font appel et seront jugés le mardi 15 janvier à 15h30
au Palais de justice de Genève
.

La Citibank est la façade publique du Citigroup, issu
lui-même de la fusion légalement contestée de la
Citibank avec le Traveler’s Group Insurance, en 1997…
Elle représente aujourd’hui le second groupe financier
au monde, derrière la Deutsche Bank et devant l’UBS.

Etudiants américains et écologistes contre Citibank

Nous ne voulons pas que notre argent soit utilisé
pour détruire la planète. C’est pourquoi nous exigeons
que la Citibank quitte notre campus”. Ainsi s’exprimaient
les étudiant-e-s du très prestigieux MIT à l’occasion
d’une journée de protestation devant le siège
de Citigroup à Boston, le 17 octobre 2000.

Parmi les projets incriminés, ils mentionnaient:

  • Le barrage des Trois Gorges, qui prévoit le déplacement de 2 millions de personnes en Chine;
  • L’association avec la Maxxam Corp. pour l’exploitation de la dernière forêt de séquoias de Californie;
  • La destruction de la forêt vierge amazonienne;
  • Le pipeline Tchad-Cameroun qui menace des millions d’hectares de forêt vierge et devrait conduire à en expulser les populations indigènes.1

Ce modèle de lettre au PDG de la Citibank est diffusé
par le Rainforest Network aux Etats-Unis:

Dear Mr Weill,

En tant que détenteur d’une carte de crédit de
la Citibank, je suis choqué d’apprendre que le
Citigroup utilise le solde de mon compte pour
financer des projets écologiquement et socialement
destructeurs. Des forêts de séquoias
de Californie aux forêts tropicales d’Indonésie,
d’Afrique en Amazonie, le Citigroup contribue
directement à l’abattage du bois, aux forages
pétroliers et à l’exploitation des mines, ainsi
qu’à toutes sortes d’autres activités qui plongent
les écosystèmes et les communautés
dans le chaos.

(…) Tant que le Citigroup ne fera pas le moindre
effort pour soumettre toutes ses opérations
commerciales et de prêt à des critères
sociaux et environnementaux cohérents, je ne
peux plus soutenir vos activités comme client.
Vous trouverez sous ce pli ma carte de crédit
déchirée et je vous prie de bien vouloir fermer
mon compte et me tenir au courant de vos
positions sur ces questions essentielles.

Syndicats allemands contre Citibank

En août 1998, la Citibank a annoncé la fermeture de
ses offices de banque par téléphone de Bochum,
Duisburg, Gelsenkirchen, Cologne, Meerbusch,
Mannheim et Brême, désormais regroupés dans un
nouveau centre à Duisburg. Ainsi, 1300 employé-e-s
conventionnés ont perdu leur emploi en juin 1999.
Cette mesure de rationalisation visait à réduire les
emplois, les salaires et les charges sociales de la
société, dont le nouvel établissement ne devrait plus
compter que 800 employé-e-s, moins rétribués et
sans convention collective.

Les salarié-e-s de Bochum et Duisburg, soutenus par
leur syndicat (hbv) ont immédiatement réagi par des
mesures de lutte: conférences de presse, campagne
d’affiches, de cartes postales et de signatures,
débrayages, désignation d’une commission de négociation,
délégation au domicile du principal responsable
européen de la banque, appel aux élus, etc. La
Citibank a répondu par un refus de toute discussion,
assorti de mesures de rétorsion à l’égard des grévistes.

Dans de telles conditions, les forces syndicales, politiques et associatives rassemblées dans la coalition
citoyenne “Citi-Critic”2 ont décidé de lancer une campagne de boycott de la Citibank dans toute
l’Allemagne, qui a reçu le soutien du puissant syndicat de la métallurgie IGM. Elle dure actuellement
depuis deux ans…

Evasion fiscale et blanchiment
d’argent sale

La Citibank rend aussi tous les services d’une banque
privée à ses clients les plus fortunés: conseils d’investissement, évasion fiscale, montages financiers
complexes destinés à garantir l’anonymat des opérateurs… Le blanchiment d’argent appartient pleinement
à ce type d’activités. Or, comme le relève un rapport
de la fraction démocrate du Sous-comité permanend’enquête du Sénat, la Citibank fait partie des établissements bancaires qui ont “un contrôle inadéquat du
blanchiment d’argent”3. Le secret dont s’entourent les
opérations de banque privée sert avant tout à favoriser l’évasion fiscale des contribuables les plus fortunés. Aux Etats-Unis, elle est estimée à quelque 70
milliards de dollars, notamment grâce aux comptes
ouverts dans des sociétés offshore. C’est pourquoi la
Citibank a tout fait pour empêcher l’adoption de législations restrictives dans ce domaine. Plus sensible au
trafic de drogue, les autorités américaines ont cependant contraint la Citibank à fermer deux comptes dans
ses filiales des Bahamas et des Iles Cayman, suite à
une enquête du Sénat établissant que des millions de
dollars issus de trafics criminels avaient été blanchis
par ce canal.4

“Une galerie de voyous”

Par ailleurs, le pillage des fonds publics par les dictateurs (mais aussi par les présidents démocratiquement élus) implique la complicité active des établissements financiers ayant une surface internationale
Ainsi, les peuples d’Haïti, d’Indonésie, des
Philippines, du Mexique, du Gabon, du Congo et du
Nigeria n’ont toujours pas remis la main sur les
milliards de dollars dérobés par les Duvalier, Suharto
Marcos, Salinas, Bongo, Mobutu ou Abacha… pour ne
citer que les plus connus. La Citibank a été dénoncée
dans les audits du Sénat américain pour compter une
véritable “galerie de voyous” parmi ses gros clients
privés (The Guardian, 4 octobre 2001). Après l’affaire
de l’ex-président mexicain Carlos Salinas, dont le
frère Raul a détourné des millions de dollars en bénéficiant des services de la Citibank5, le cas du général
Sani Abacha, despote nigérian décédé le 8 juin 1998
a fait la une des journaux. Ce dernier est réputé avoir
détourné 4 milliards de dollars en moins de 5 ans. A
nouveau, la Citibank a joué un rôle clé dans l’organisation de ce pillage. Sur les 633 millions de dollars
dont la trace a été retrouvée, elle aurait contribué à
blanchir 71 millions, des sommes versées à l’étranger, prétendument pour l’achat de vaccins (The
Guardian
, 4 octobre 2001). Un directeur de la banque
a déclaré aux enquêteurs du Sénat qu’il n’avait pas fait
la relation entre Ibrahim et Mohammed Abacha, au
nom desquels les comptes avaient été ouverts, et leur
père… (Newsweek International,13 mars 2000).

CIA et Citibank

Il existe des liens très étroits entre la CIA et la
Citibank. M. C. Ruppert affirme ainsi que “la CIA dit à
la Citibank quels criminels peuvent être acceptés
comme clients privés pour des opérations de blanchiment”.
Ainsi, John Deutch et Nora Slatkin ont
occupé successivement des positions de tout premier
plan à la tête de la CIA, avant de rejoindre le
Conseil d’Administration du Citigroup. Aujourd’hui,
Nora Slatkin pourrait bien être “la liaison du Citigroup
avec la CIA pour ouvrir des canaux autorisés de blanchiment.”6 Tout se passe sans problème tant que le
détenteur des comptes n’est pas dans les mauvaises
grâces de Washington. Ainsi, le sinistre Vladimiro
Montesinos, conseiller du président Alberto Fujimori,
homme de la CIA et éminence grise des services de
sécurité péruviens, mis en cause dans diverses affaires
de violations des droits humains et de trafic de
drogue, a été un excellent client de la Citibank, de
même que son complice, Victor Venero Garrido, jusqu’au
jour où les Etats-Unis en ont décidé autrement.7

En effet, la CIA a voulu la chute du président Fujimori,
parce qu’il hésitait à soutenir le “Plan Colombie”. Ses
fidèles compagnons, Montesinos et Venero Garrido
ont alors pris la fuite, avec une collection de cassettes
vidéos compromettantes pour leurs amis d’hier.
Grâce à l’une d’elles, on apprenait en avril 1999 que
Washington envisageait d’envahir la Colombie avec
un demi million de marines et souhaitait le soutien
explicite des autorités péruviennes. Celles-ci s’y refusaient,
craignant que les FARC établissent des sanctuaires
sur leur territoire. C’est dans ces circonstances
que la Citibank a lâché ses fidèles clients, tombés
en disgrâce, révélant aux autorités US la portée de
leurs opérations de blanchiment (du narco-trafic au
détournement de fonds).

Au vu de tous ses méfaits, faut-il condamner la Citibank
ou les 14 occupant-e-s pacifiques de sa succursale
genevoise? Poser la question, c’est y répondre.

Jean BATOU

  1. The Thistle, vol. 13, num. 2, sept.-oct. 2000.
  2. Voir le site: www.citi-critic.de.
  3. Paul Beckett, reporter au Wall Street Journal (http://russianlaw.org/wsj020501.htm).
  4. Lucy Komisar, “Citibank attacks money-laundering regulations”, in These Times, xxx.
  5. Pour un dossier très complet sur cette affaire, consulter le site: www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/shows/mexico/family/citibankaffair.html
  6. From the Wilderness, 31 mai 2001.
  7. Al Giordano, “Citibank: Drug Traffickers’ Favorite Bank”, Conspiracy Planet, The Alternative News & History Network, 23 décembre 2001.