Deux fois OUI le 17 juin à l’éligibilité des immigré-e-s

Deux fois OUI le 17 juin à l’éligibilité des immigré-e-s

Le 17 juin 2007, les citoyen-ne-s neuchâtelois-e-s se
prononceront sur l’initiative «Pas de démocratie au
rabais, pour le droit d’éligibilité des
immigré-e-s» (actuellement, depuis l’an 2000,
ceux-ci ont le droit de vote communal et cantonal, mais ne sont pas
éligibles dans les autorités politiques et judiciaires).
Plus timoré que ses lointains prédécesseurs,1
le Conseil d’Etat proposait, en janvier 2007, la seule
éligibité communale. Cette proposition n’impliquant
qu’une modification de la loi a été
contestée par un référendum de l’UDC,
appuyé par le parti libéral.

Actuellement, l’initiative «Pas de démocratie au
rabais» est soutenue par une constellation, regroupant la gauche
neuchâteloise (solidaritéS, POP, PSN), Les Verts,
l’USCN, des organisations de l’immigration (dont nos
ami-e-s de la Colonia Libera Italiana, actifs sur cette question depuis
30 ans).

Autres avis favorables: le parti démocrate chrétien,
récemment reconstitué et une (courte) majorité du
Grand Conseil, lors de la session de janvier 2007. Seul, le parti
radical soutient la position du Conseil d’Etat en faveur de la
seule éligibilité communale.

Une revendication républicaine…

Un rappel historique nécessaire: l’initiative
s’inscrit dans nos traditions républicaines. Elle
relève le défi lancé lors de la première
séance de la Constituante républicaine, le 5 avril 1848.
Son président, Charles-Louis Jeanrenaud-Besson affirmait alors
vouloir «laisser au temps et à nos successeurs le soin de
perfectionner notre œuvre»…

Les ouvrages sur la révolution neuchâteloise de 1848
signalent le rôle du corps-franc venu de l’Erguel à
la veille du 1er mars. La couleur des passeports n’était
pas alors une question centrale: «A Saint-Imier, sur 102
partants, il y avait 44 Neuchâtelois. Les 58 autres
étaient des Jurassiens, des Confédérés et
même des étrangers ,dont un Savoyard, un Italien, deux
Français et douze Allemands, sans doute réfugiés
politiques».2

Fin 1848, un journal de Cologne publiait une lettre d’un jeune
réfugié allemand, Friedrich Engels, concluant: «Je
me réjouis d’ailleurs de rapporter que lors de la
Révolution de Neuchâtel, comme lors de toutes les
révolutions de 1848, les ouvriers allemands ont joué un
rôle décisif et très honorable. Pour la peine, ils
récoltent en abondance la haine des aristocrates».3

Enfin, lors du débat parlementaire de janvier 2007, rapportant
au nom du groupe POP-Verts-Sol, Marianne Ebel (députée de
solidaritéS) a rappelé les termes du rapport
présenté en 1849, lors du débat sur la loi
municipale, par le même Jeanrenaud- Besson: «Tous les
étrangers, moyennant qu’ils ne soient pas frappés
d’une des causes d’incapacités
précitées, seront admis à faire partie de la
municipalité. (…) Il eût été difficile
qu’il n’en fût pas autrement, à mesure que
tous sont appelés à contribuer, du plus au moins, aux
dépenses publiques locales, et que l’on ne pourrait, sans
violer les traités, refuser aux Français et aux Sardes,
par exemple, ce que l’on accorde aux Suisses des autres
cantons».4

Certes, l’épuisement de la «force propulsive de la
révolution neuchâteloise» permit l’abolition
temporaire (de 1861 à 1875) des droits politiques des
immigrés. Mais, de 1875 à 1888, ceux-ci
retrouvèrent le droit de vote et furent déclarés
éligibles aux législatifs et exécutifs communaux.
Par conséquent, l’initiative propose de revenir à
un acquis du passé, et de l’adapter à notre
époque, en accordant aux immigré-e-s établis le
droit d’éligibilité communale et cantonale.

… reprise par le mouvement ouvrier

En décembre 1868, la section
locloise de l’Association internationale des travailleurs (AIT)
– animée par James Guillaume et Constant Meuron
(vétéran républicain de 1831) – lança
une pétition pour le retour à la loi municipale de 1849.5
Trois ans plus tard, en mars 1871, la Commune de Paris – premier
gouvernement des travailleurs – accepta l’élection
en son sein de l’ouvrier hongrois Léo Fränkel et en
fit son délégué à la commission du Travail
et de l’Echange. On ne confondait pas citoyenneté et
nationalité.6

Il faut gagner le 17 juin!

La
«blochérisation» de la politique suisse sus- cite un
climat délétère détestable. Il est
important de gagner cette votation, malgré la xénophobie
(ouverte ou larvée) et les arguties avancées par le
cartel des faux patriotes, UDC et libéraux réunis7.

Par conséquent, solidaritéS – comme toutes les
autres composantes du comité de campagne – appelle
à voter massivement 2 fois OUI le 17 juin:

 OUI à l’initiative «Pas de démocratie au rabais»

 OUI à la modification de la Loi sur les droits politiques (éligibilité communale).

Hans-Peter Renk

1 H.P. Renk, «Neuchâtelois, encore un effort pour
être républicains», solidaritéS infos
(Neuchâtel), no 8, avril 1997.

2 Robert Gerber, «Ami Girard et ses volontaires, mars 1848», Musée neuchâtelois, 1948, p. 97- 114.

3 Friedrich Engels, «L’ex-principauté», Die Neue Rheinische Zeitung, Nr 140, nov. 1848.

4 Bulletin des délibérations du Grand Conseil, janvier 2007.

5 «Les contribuables étrangers», Le Progrès: organe des démocrates loclois, no 1, 18.12.1868.

6 Jean-Jacques Kirkyacharian, «Il y a 125 ans, la Commune
de Paris: un ouvrier étranger, ministre de la
République», La Lettre de SOS-Racisme, n.s. no 11,
15.6.1996.

7 A sa fondation, le parti libéral fut une machine
à recycler les ex-royalistes dans la vie politique
neuchâteloise. Il a défendu les privilèges des
anciennes bourgeoisies durant 40 ans et prôné une
politique restrictive en matière de droits politiques (pour les
étrangers et aussi les Suisses d’autres cantons).

Bibliographie

Philippe Bois, «Le droit de vote des étrangers en
matière communale», Musée neuchâtelois, 1973,
p. 21-29

Thierry Christ, «Le droit de vote des étrangers dans les
débats politiques neuchâtelois de la seconde moitié
du XIXe siècle», Revue historique neuchâteloise,
2002, p. 293-307.

Thierry Christ & Sabine Riard, Du réduit communal à
l’espace national: le statut des étrangers dans le canton
de Neuchâtel, 1750-1914. Hauterive, G. Attinger, 2000