Au menu de la loi fédérale sur le chômage

Au menu de la loi fédérale sur le chômage
Un demi-milliard de coupes antisociales

Le 14 décembre dernier, le
Conseil fédéral mettait en consultation son projet de
révision de la loi fédérale sur le chômage
(LACI). Comme nous l’avions annoncé,
l’éviction de Blocher du Conseil fédéral
deux jours plus tôt n’empêche pas le rouleau
compresseur antisocial de poursuivre sa marche écrasante…

Au contraire, le projet – qui se traduit par un demi milliard de
francs de coupes supplémentaires sur le dos des
bénéficiaires de l’assurance chômage! –
est marqué du sceau de la méthode dont l’UDC
s’est faite la spécialiste, mais dont elle n’a
aucunement le monopole. Au centre du dispositif, pour vendre les coupes
prévues, on retrouve, comme toujours, la lutte contre les
prétendus «abus» et la soi-disant
«responsabilité individuelle» des
chômeurs-euses.

La dette comme levier du démontage social

L’assurance-chômage est en déficit et a
accumulé une «dette» de 5 milliards! Il faut trouver
un milliard de plus par an, nous dit-on. Au lieu de remettre en cause,
pour ne prendre qu’un seul exemple actuel, les cadeaux fiscaux
aux gros actionnaires d’un ou deux milliards par an sur lesquels
nous voterons le 24 février, la révision prévoit
une méthode prétendument
«équilibrée»: augmentation des cotisations de
l’ordre du demi-milliard, donc de moitié en dessous des
besoins reconnus… et économies sur le dos des
chômeurs-euses et des demandeurs-euses d’emplois pour le
reste! Bel équilibre non?

Pour le volet «coupes», le texte du Conseil fédéral1
est clair: «Les économies sur les prestations de
l’AC concernent très directement et en partie même
très durement les bénéficiaires de
l’assurance.» Accès de franchise bienvenu, mais qui
sert à justifier le fait que les «experts» qui ont
concocté ce plat nauséabond auraient
«…essayé de limiter les mesures
d’économie autant que possible aux domaines qui permettent
de penser que le système engendre des abus». A noter au
passage que les «abus» ne sont pas documentés: il
suffit qu’il soit «permis de penser» qu’il y en

Manière forte contre les chômeurs

La révision vise: «Premièrement, les incitations
aux abus, intrinsèques de certaines dispositions de la loi
[…] Le principe de réinsertion rapide doit être
appliqué de manière encore plus forte.» Car en
effet: «Il existe encore des personnes qui restent longtemps hors
du monde du travail grâce à
l’assurance-chômage…» Manière forte
face aux chômeurs-euses et assurance-chômage
elle-même vue comme cause du chômage, voilà la
philosophie du projet pour «augmenter l’efficacité
du système» et conduire à «une
évolution économique positive». Pour qui? Pas pour
les travailleurs-euses, dont les salaires seront encore une fois mis
sous pression par cette volonté de forcer les
chômeurs-euses et demandeurs-euses d’emplois à
accepter des conditions de travail et de salaire à la baisse.

Venons-en à un rapide survol des mesures concrètes, le Conseil fédéral prévoit notamment:

90 millions de coupes: à
travers la «non prise en compte pour ouvrir de nouveaux
droits» des emplois temporaires «financés par les
deniers publics.» Mais aussi, tentative de création
d’une nouvelle catégorie de salarié-e-s,
employés par des collectivités publiques et qui ne
seraient pas couverts par l’assurance-chômage! A quand
l’extension de cette innovation incroyable au secteur
privé?

60 millions de coupes: par la
réduction du financement des «mesures de marché du
travail» (réinsertion, formation, stages, etc.) Logique,
le projet ne vise pas à aider les chômeurs-euses, mais
à les pénaliser… En outre, on râcle encore
14 millions de plus en ne prenant plus en charge le financement de
telles mesures pour des personnes à qui elles seraient
proposées par d’autres institutions sociales.

114 millions de coupes:
grâce au fait qu’«une période de cotisation de
12 mois ne devrait ouvrir un droit qu’à un maximum de 260
indemnités journalières (contre 400
aujourd’hui).» On institue ainsi une nouvelle
catégorie de chômeurs-euses, assurés au rabais,
coupables d’avoir déjà… été au
chômage, coupables de n’avoir pas trouvé un emploi
stable et de longue durée, coupables d’être victimes
de la précarisation, de la flexibilisation et des
restructurations qui sont la règle du capitalisme
néolibéral.

90 millions de coupes: grâce
au fait que la perception d’indemnités journalières
doit être «rendue plus difficile pour les jeunes qui
sortent de l’école ou de formation et pour les personnes
exonérées des cotisations qui rentrent d’un
séjour à l’étranger.» Pour ces
catégories, le «délai d’attente», de
120 jours actuellement, est plus que doublé et passe à
260 jours! Justification: ces catégories
d’assuré-e-s «ne sont pas touchés par un
évènement imprévu.» Mais les jeunes ne sont
pas abandonnés, ils pourront «à la rigueur»
(sic!) «participer à un semestre de motivation».


79 millions de coupes: sur le
dos de celles et ceux qui réalisent des «gains
intermédiaires» en période de chômage…

30 millions de coupes: par la
suppression de l’augmentation du nombre d’indemnités
journalières pour les régions fortement touchées
par le chômage…

Un front référendaire nécessaire

Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur ces
mesures et sur ce projet qui devrait faire l’objet d’une
bataille référendaire fédérale, à
l’issue de son traitement par les Chambres, fin 2008 ou courant
2009.

Mais les prémices de cette bataille ne sont guère
posées de manière correcte aujourd’hui par le
mouvement syndical. Qu’on en juge: le 14 décembre
l’USS réagissait à la publication du projet par un
communiqué intitulé: «Il est grand temps
qu’on assainisse la montagne de dettes de
l’assurance-chômage», en y annonçant que:
«L’USS accueille avec satisfaction l’assainissement
de l’assurance-chômage.» Le communiqué se
félicite des mesures concernant les recettes, sans souligner
leurs insuffisances, et finit discrètement en notant
qu’elle «ne voit pas a priori de marge de manœuvre
permettant d’engager des mesures au chapitre des
dépenses.»

L’USS n’est donc pas capable d’affirmer qu’elle
refusera jusqu’au bout toutes coupes sur les dos des
chômeurs-euses et des demandeurs-euses d’emplois…
Elle n’est pas capable de rappeler que s’en prendre
à eux-elles, c’est s’attaquer à tous les
travailleurs-euses! Pour ce qui est de la «marge de
manœuvres» de la droite et le patronat, une telle position
syndicale en fait un boulevard. Du pain sur la planche donc pour
construire le front de résistance indispensable…

Pierre Vanek



1 «Révision partielle de la LACI, projet
soumis à consultation» du 14.12.07, disponible en PDF
sur le site de la Confédération: www.news-service.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/10545.pdf.

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