Vote du 10 juin : Danke UBS !


Danke UBS !


Le 10 juin, il a manqué de 38’000 voix, sur deux millions, pour que la révision partielle de la loi concernant les missions de l’armée soit refusée. Premier bilan.

Tobia Schnebli

Alliance contre nature (GSsA-ASIN): 49%; Union sacrée (UBS-PSS-Armée) 51%.


Christiane Brunner et ses sponsors (Union Bank of Switzerland et Parti Radical Démocratique, qui ont financé la campagne du OUI socialiste au niveau national avec au moins 100’000 francs) se disent soulagé-e-s. Les motivations du soutien des banques, des partis bourgeois, de la Société Suisse des Officiers et d’économiesuisse (l’organisation faîtière de l’économie privée helvétique qui coordonnait la campagne pour le OUI) sont claires. D’une part, il s’agissait de permettre le renouveau de l’armée, de l’autre, à défaut de collaboration au niveau fiscal (pour maintenir le secret bancaire), il fallait donner quelques gages de collaboration aux partenaires occidentaux de la Suisse, au moins au niveau militaire.


Il est plus difficile, par contre, de comprendre la position du PSS. Son soutien au référendum aurait empêché encore davantage Blocher de revendiquer pour lui une victoire du NON, et une telle victoire aurait mis en sérieuses difficultés les banques, les bourgeois et les militaires.


«La main invisible du marché exige le gant de fer du militarisme»1


Le soir du 10 juin, à la télé romande, Jaques-Simon Eggly expliquait encore une fois que les interventions militaires servaient à «stabiliser» des régions en conflit. Il était relayé à la télé alémanique par la présidente du comité socialiste pour le OUI, Barbara Haering-Binder, qui expliquait que la participation suisse à l’intervention militaire de la KFOR contribue à «stabiliser le chaos» (sic!) dans les Balkans.


L’UBS, l’économie suisse et les bourgeois défendent la stratégie de domination du capital occidental, qui consiste à poursuivre son enrichissement au détriment des 4/5 de la planète en accompagnant l’exploitation économique d’un instrument de répression militaire pour tenir sous contrôle («stabiliser») les situations exaspérées par l’accroissement des ravages sociaux et environnementaux provoqués justement par cette exploitation éhontée. Le néomilitarisme comme bras armé du néolibéralisme: de la défense du territoire à la défense des intérêts des puissances dominantes. Comme ailleurs dans le monde occidental, cette perspective a trouvé en Suisse un appui extrêmement important auprès de la génération d’anciens soixante-huitards devenus «raisonnables». Tony Blair avait rappelé que c’est elle (Blair, Clinton, D’Alema, Schröder et Fischer, Jospin) qui a permis de bombarder la Yougoslavie et le Kosovo au nom de valeurs morales. En Suisse, c’est l’aura de féministe, syndicaliste et tiers-mondiste de Ruth Dreifuss qui a convaincu la majorité des délégué-e-s du PSS de soutenir le OUI le 10 juin, et c’est le «bo-bo» (bourgeois-bohème) et ex-soixante-huitard Moritz Leuenberger, qui a finalement convaincu de nombreux hésitant-e-s des milieux urbains que le choix du 10 juin était une question morale puisqu’il fallait défendre l’ouverture et la culture démocratique de notre pays contre l’obscurantisme et l’intolérance de Blocher. Pour la compréhension des comportements électoraux, il serait intéressant de comparer le vote du Kreis 5 de Zurich (le quartier de «gauche» zurichois, où le OUI l’a emporté dans une proportion de 2 à 1) avec celui du quartier genevois des Pâquis, qui a voté exactement à l’inverse: 2 à 1 pour le NON.


Bilan du GSsA


Pour le GSsA, un premier bilan de la campagne est globalement positif. Certes, nous serions dans une position politiquement plus attrayante si le NON l’avait emporté. Mais malgré une configuration difficile (les NON de gauche s’aditionnant aux NON de droite) et les efforts de marginalisation de notre campagne dans les médias, nous avons réussi à développer auprès d’un public assez large une prise de conscience et une perspective de gauche notamment sur deux aspects:


  • a critique contre l’émergence du néo-militarisme aussi en Suisse.
  • une perspective véritablement solidaire en matière de politique étrangère pour dépasser le simple mot d’ordre d’«ouverture» vide de contenus, encore défendu par une large partie de la gauche.

Sans démilitarisation, un autre monde ne sera pas possible !


Il s’agit maintenant de poursuivre ce travail avec toutes les forces qui ont soutenu le référendum du GSsA, pour développer et renforcer ces perspectives dans le cadre de la construction d’une véritable pole d’opposition de fond à la gestion social libérale du système dominant dont la Suisse fait partie.



  1. Citation d’un passage d’un interview à Claude Serfati (Gauchebdo, 25.5.01). Serfati (auteur de La mondialisation armée, le déséquilibre de la terreur, Textuel, 2001) était parmi les intervenant-e-s les plus remarqué-e-s du meeting organisé à Genève par le GSsA dans le cadre de la campagne pour la votation du 10 juin.