L’Entente avachie fait le lit de l’UDC


L’Entente avachie fait le lit de l’UDC


Genève est dans la dernière ligne droite des élections cantonales. Survol d’une assez morne campagne…

Pierre Vanek

A droite, l’objectif déclaré était clair, reconquérir la majorité pour l’Entente (Libéraux, PDC, radicaux) afin de mettre un terme à la situation minoritaire «inacceptable», que ceux-ci ont subi, depuis le naufrage du paquet ficelé antisocial issu de la «table ronde» de 1998, qui aurait selon le président libéral Renaud Gautier, permis d’«éviter le système bipolaire».


Frustrés et fatigués


Dans une récente interview, il pleurniche sur le caractère «frustrant et fatigant» du rôle de minoritaires «où votre seule arme c’est le référendum et l’initiative»1, or sur ce terrain la toute dernière expérience libérale du bouquet d´initiatives cantonales, dont celle visant à démanteler le statut de la fonction publique où «le licenciement reste l’exception»2 (sic !) s’est en effet soldé par une incapacité à réunir les signatures nécessaires.


Du côté du PDC, mouillé jusqu’au cou dans le scandale de la BCG, c’est la même chanson. Le président de ce parti regrette qu’il n’ait pas pu «faire le lien entre la gauche et la droite, comme le fait le PDC suisse»3 et déplore que le PS genevois ait «renoncé à jouer le rôle de patron de la gauche» ce qui aurait permis à son parti de jouer les entremetteurs au nom de la tartuferie de l’«harmonie sociale», son «dada».


Douze salopards !


Du côté radical, même refrain. «La gauche est allée trop loin sur des sujets sur lesquels il était possible de s’entendre.» regrette leur présidente.4 Pour mettre un terme à ce calvaire, les libéraux ont déclaré qu’ils «adopteraient un style de rupture» pour leur campagne. La Tribune évoquait un blitzkrieg libéral. Or on a vu chez les libéraux une campagne inconsistante. Même l’ancien président libéral Michel Balestra, qui devait animer un «Appel du 12 septembre» en faveur de la brochette de secrétaires patronaux, s’étant auto-baptisé «Les douzes salopards» destinés à être le fer-de-lance de la reconquête patronale du Grand Conseil, n’a guère fait de vagues à ce jour.


Les libéraux avaient pourtant des atouts. «L’argent des banquiers privés genevois reste acquis au libéraux» titrait Le Temps le 12 juillet, annonçant l’«heureuse issue» du «léger refroidissement», entre les banquiers genevois et leur parti, autour de la question de l’Europe et du secret bancaire, ainsi que le rétablissement d’un financement ad hoc, avoué à hauteur de 500 000 Fr. pour la campagne au Grand Conseil d’il y a quatre ans, et certainement supérieur, alors comme maintenant. (Rappelons que les libéraux ont crié comme pourceaux égorgés à l’idée qu’on puisse plafonner les dépenses électorales à 100 ou 150 000 Fr. comme le propose un projet de loi de l’ADG.)


Protéger l´argent sale


Début septembre, l’effet de cette entente avec les banquiers se manifestait, Le Temps5 pouvait révéler l’existence d’un «Manifeste» en matière judiciaire concocté par des banquiers et avocats libéraux, selon Iequel il faudrait «éviter des dépenses inutiles» et dans ce but freiner les «procédures financières complexes» en faisant preuve de «retenue» en matière de poursuite du blanchiment d’argent sale. En demandant au passage qu’on cesse de faire preuve de «tolérance» envers les squatters pour déplacer la clémence du côté des conducteurs ivres qui ne devraient pas être arrêtés! On peut douter que ce «programme», censé rester confidentiel, attire beaucoup d’électeurs. Pour le reste, le parti libéral ressasse dans son coin ses thèmes de toujours.


La gauche rit !


Dans son tous-ménages, celui-ci nous rend hommage en dénonçant nos «gaucheries», notre «construction obsessionnelle et exclusive de logements sociaux», notre «soutien aux occupations sauvages de logements», notre «combat stérile contre les automobilistes», la «mise à mal de la démocratie» par «atermoiements, polémiques et blocages divers» face aux projets libéraux, nos projets de transparence fiscale, notre augmentation des centimes additionnels pour les entreprises (financement de la Halle 6 de Palexpo)…


Les libéraux proposent bien sûr une nouvelle réduction des recettes, la privatisation des établissements publics «afin de les rendre plus performants», ceux-ci seront «dépolitisés», par l’éjection de la gauche de leurs conseils, et transformés en S.A. pour les «adapter» à l’ouverture des marchés. Ils veilleront également à «dépolitiser le débat sur l’Ecole en s’opposant à toute initiative intempestive et dangereuse de la gauche», s’opposent à un revenu minimum garanti, prônent une «aide sociale orientée vers une reprise de l’autonomie individuelle»…


Néolibéralisme désavoué ?


Au passage, il est amusant de constater qu’ils se sentent obligés de se distancer de l’«anarchie dite néo-libérale» avec laquelle ils n’ont rien à voir, eux étant pour une vraie «liberté économique et d’entreprendre». Ils sont évidemment pour des parkings au centre ville et refusent de «favoriser» les transports publics…


Cette soupe se retrouve chez tous les partis de droite, avec plus de tartuferie «chrétienne» au PDC, avec une louche de xénophobie populiste à l’UDC et avec plus de radicalité …ultralibérale, chez le radical Pierre Kunz, candidat au Conseil d’Etat avec Ramseyer, qui menait tout seul une politique d’opposition de droite au Conseil d’Etat monocolore. Il dénonce par exemple l’assurance-chômage qui «maintient les gens dans l’assistanat» et dit que: «L’Etat doit simplement relayer le privé et n’assister que les cas désespérés»6 ou propose un «City manager», rémunéré par l’Etat et le privé, dont la démarche ne serait pas «politisée» et qui redynamiserait Genève7 …dans l’esprit du centre commercial de Balexert qu’il dirige. Mais ce bouillon est distillé sans conviction ni élan. Pour remobiliser leurs troupes sur un grand thème commun, les partis de l’Entente en ont été réduits à déterrer la traversée de la Rade, rappelant une des plus grandes claques qu’ils ont prises sous le gouvernement monocolore…


Déconne pas…


En fait, on pourrait penser que les partis de l’Entente font une campagne à rebours. La présidente radicale, Floriane Ermacora, ne déclarait-elle pas publiquement dans la Tribune8, avant de se mettre en vacances jusqu’aux élections, qu’«il faut reconnaître que nous, la droite, avons été mauvais majoritaires, et pas très bons minoritaires…», expliquant la passivité de son parti quant aux scandale Ramseyer – OPF… par le fait que «le parti n’avait pas à s’immiscer dans la gestion de l’Etat» et que l’autisme politique de Ramseyer est compréhensible du fait qu’«arrivé à un certain niveau de pouvoir on a de la peine à écouter». Elle a laissé ensuite le terrain aux jeunes radicaux avec leur tract qui titre «T’es pas assez con pour voter radical?», la réponse pressentie étant bien entendu NON, ils ont un autre argument-choc: «Déconne pas! Vote radical»


Fruits et légumes


Cette absence de répondant du côté de l’Entente bourgeoise, trouve écho dans une campagne peu présente du côté des verts, qui ont édité un unique tous-ménages, consacré pour l’essentiel à la présentation de leurs candidat-e-s, et déclinent des affiches potagères9, apolitiques à souhait. Du côté du PS on met en avant partout les bobines de leur tandem de Conseillers d’Etat, comme si nous en étions à cette élection là.


Cette absence de tension dans la campagne, que l’ADG s’évertue à briser (v. ses tracts multiples, ses annonces, son initiative sur l´assurance-maladie et d´autres propositions), est démobilisatrice à gauche …et risque de servir sur un plat une entrée par la grande porte au Grand Conseil pour l’UDC ultralibérale et xénophobe de Blocher, sortie très tard du bois avec de gros moyens financiers, manifestement venus à la dernière minute de Zurich, et décidée à passer la barre du quorum à 7%.


Stop UDC !


Paradoxalement, la démobilisation qu’on pourrait voir comme volontaire, de son électorat par l’Entente, avec transferts de voix à l’UDC à la clé, pourrait garantir à la droite une majorité au parlement. Jaques Pagan de l’UDC le dit clairement: «Nous serons au Grand Conseil un allié objectif de l’Entente»10.


Alliance que, plus ou moins discrètement, les libéraux, le PDC et les radicaux, ont accepté d´avance. Jacques-Simon Eggly, conseiller national libéral ne proclamait-il pas: «Nous sommes d’abord concurrents parce que nous avons un autre style, mais nous ne sommes pas ennemis…»11 ou le président du PDC, dans l´inimitable style faux-cul qui caractérise sa formation, qui déclare que si le peuple élit une députation UDC: «Il faudra bien travailler avec tout le monde.»12


Ainsi, aujourd’hui, un dernier sursaut est nécessaire, pour barrer la route à l’UDC et assurer la participation la plus forte possible à gauche, ainsi qu´à gauche du possible, fut-elle de dernière minute!



  1. Tribune de Genève, le 24.9.01
  2. Argumentaire en faveur de l’initiative libérale.
  3. TdG, le 7.9.01
  4. TdG, le 21.9.01
  5. Le Temps du 3.9.01
  6. TdG, 30.4.01
  7. Le Matin, 12.3.01
  8. TdG, 21.9.01
  9. «Verts …parce qu’on ne veut pas de cornichons», etc.
  10. TdG 14.9.01
  11. Le Temps 14.3.01
  12. TdG 7.9.01







Elections – Brèves


Pourquoi je ne soutiens pas la liste Action Citoyenne

En surfant sur le site de republique.ch, que dirige Jérôme Béguin, candidat de l’Action citoyenne, quelle n’a pas été ma surprise de lire: «Etonnant… Jean Batou, secrétaire de solidaritéS [il doit me confondre avec Pierre Vanek] et rédacteur en chef du journal de cette fraction de l’Alliance de Gauche, dit, à qui veut bien le croire, qu’il votera pour Action citoyenne». Me voilà donc convié à démentir les propos fantastiques de Monsieur Béguin.ch ! L’occasion de dire ce que je pense de cette liste, sans mettre en cause d’ailleurs les quelques citoyennes et citoyens de ma connaissance qui y ont trouvé refuge aujourd’hui…


Un programme assez pâle, proche sur le fond de celui des Verts ou du PSG, teinté d’une certaine dose de populisme. Quelques bizarreries, telle la «professionnalisation du travail parlementaire», à l’opposé de ce que réclament les tenants de la démocratie participative. Des ambiguïtés aussi. En vrac: «mieux gérer pour diminuer la dette de l’Etat!»; «abolition des droits de succession à concurrence d’une franchise de 1 million de francs»; «assurer l’avenir de nos (sic!) entreprises», notamment par la «libéralisation du marché des raccordements» à Internet… Enfin, une perception très traditionnelle des rapports hommes-femmes, qui transparaît dans le seul intitulé, aux développements très pauvres, que lui consacre l’ensemble du matériel électoral: «Fem-mes et enfants» (sic!)


Quant à la démarche adoptée, elle me laisse perplexe. Un mouvement qui affirme «faire de la politique autrement» ne se constitue pas comme un simple ticket électoral, quelques jours avant le dépôt légal des listes. Surtout, il ne sollicite pas la participation de candidat-e-s qui, quelques semaines auparavant, occupaient ou cherchaient à occuper une place sur d’autres listes. J’en connais trois…


La presse aux ordres se réjouit bien sûr de ce nouvel éclat au sein de la gauche non conformiste, au moment où ils ne peuvent plus gloser sur des différends internes à l’ADG. Bien entendu, Action Citoyenne n’obtiendra pas les voix nécessaires pour atteindre le quorum de 7%, au-dessous duquel une liste ne peut prétendre à la répartition des sièges. En se revendiquant de l’expérience de Porto Alegre, elle prendra pourtant des voix à la gauche anticapitaliste. C’est dommage, si l’on songe au message politique assez lénifiant qu’elle véhicule!


Jean Batou



Tous ménages de l’ADG

Une petite phrase malheureuse… Les tracts électoraux sont souvent écrits dans l’urgence et insuffisamment relus et contrôlés collectivement. Ainsi, plusieurs d’entre nous ont été consternés de découvrir la phrase suivante dans un petit encart, à l’avant-dernière page du Tous ménages de l’ADG, consacré à la liste de l’UDC: «On y trouve encore deux financiers fraîchement naturalisés (souligné par moi) qui voudraient déréglementer les lois pour favoriser les affairistes». Une remarque à tonalité populiste, voire xénophobe…Bien entendu, nous savons qu’il s’agit d’une maladresse et que l’auteur de ces lignes n’a pas perçu la lecture qui pouvait en être faite. Il suffit pour cela de prendre connaissance du contenu anti-xénophobe de l’ensemble du Tous ménages. L’erreur est donc tout à fait excusable. En revanche, notre silence a posteriori ne le serait pas… (JB)