Compte-rendu de la conférence de Mignane Diouf
Compte-rendu de la conférence
de Mignane Diouf
Suite à la rencontre de Dakar 2000, où selon Mignane Diouf «toute lHumanité sest retrouvée», les participant-e-s au forum sont arrivé-e-s à cette interrogation cruciale: «Comment pouvons-nous inverser les tendances qui règnent aujourdhui sur terre?»
Une situation concrète vient renforcer cette triste réalité. A lheure actuelle, le Sénégal, comme la majorité des Etats dAfrique sub-saharienne, senfonce toujours plus dans la pauvreté. A titre dexemple, sur les 9 millions de personnes qui habitent le pays, 65% âgées de plus de 15 ans sont analphabètes, moins de 2 étudiant-e-es sur 10 ont accès à lenseignement secondaire, les dépenses publiques pour lenseignement sont passées de 4,1% du PNB à 3,7% entre 1990 et 1998, la moitié de la population na pas accès à leau potable, etc. Constat effarant, pour cette partie du globe qui nest autre que le berceau de lHumanité. Comment en est-on arrivé là?
Bref retour en arrière
En 1960, le Sénégal acquiert enfin son indépendance et connaît une période de prospérité relative pendant une décennie, malheureusement vite stoppée par deux chocs. En effet, les années 70 entraîneront le pays vers une grave crise économique. Premier boum pétrolier (1973) dune part, sécheresse (1974-75) de lautre. Ces deux facteurs réunis déstabilisent totalement son économie. Parallèlement, les marchés du Nord sont à la recherche de nouveaux territoires pour placer un immense excédent deurodollars et de pétrodollars ne pouvant plus être investi dans des économies occidentales en ralentissement. Les banques du Nord octroient alors des prêts à taux dintérêt extrêmement bas aux dictatures africaines sans vraiment se soucier de la finalité de ces sommes (de 1974 à 1979, 40% des emprunts sénégalais sont contractés auprès des banques). Armement, projets pharaoniques, etc. Ces montants ne viendront guère souvent en aide aux populations. Les problèmes ne sarrêtent pas là. Laugmentation des importations (biens de consommation et infrastructure), la fuite massive des capitaux (facilitée par la libre convertibilité entre le franc CFA et le franc français), la chute des cours des matières premières et la réduction du soutien au prix de vente de larachide par la France vont accroître dangereusement lendettement du pays.
Insolvables
En 1979, pour limiter linflation dans les pays occidentaux, les USA puis la Grande-Bretagne augmentent brusquement leur taux dintérêt. Les taux dintérêts réels des emprunts africains culminent alors à plus de 8%, pour un chiffre quasiment nul voir négatif dans la décennie précédente. (Le taux dintérêt «réel» est le taux nominal diminué de linflation). En 1982, éclate véritablement la crise de la dette. Les pays, se rendant bien compte quils ne pourront jamais rembourser de telles sommes, se déclarent insolvables. Cest alors que le FMI et la Banque mondiale entrent en scène. Leurs techniciens ou «experts sans expertise» selon le conférencier proposent ces fameux Plans dAjustement Structurels (P.A.S.). Lidée est de les amener à produire plus tout en dépensant moins, les recettes ainsi dégagées pouvant rembourser les créanciers. En résumé, privatisation des secteurs rentables de léconomie (on passe même dans certains secteurs de monopoles dEtat à des monopoles privés
), désengagement de lEtat dans les dépenses sociales, etc. Autant de conditions qui entraînent le pays dans une misère accrue.
Demandes dannulation de la dette
Face à ces politiques totalement inadéquates, des grèves éclatent alors au milieu des années 80; deux années blanches à lUniversité, etc. Vient lheure où la population demande que la dette du pays soit tout simplement annulée. Cela ne représenterait pas vraiment un cadeau de la part des institutions internationales, «étant donné quelle a déjà été payée sept fois», mais cela permettrait réellement au Sénégal de souffler un petit peu. Face à cette demande, les gouvernements africains qui se sucrent bien souvent au passage continuent à suivre les recommandations du FMI et de la Banque mondiale. Pour les divers mouvements de lutte africains, il est grand temps que de réelles démocraties, représentant effectivement le peuple, sinstaurent sur le continent. Les riches devraient commencer à payer des impôts. Il serait bon que les prix des produits agricoles ne soient pas imposés par le Nord. Enfin, il faudrait que lon puisse arrêter, comme un intervenant la très justement fait remarquer, de percevoir lAfrique comme une simple partie du globe où ne règne que la misère et le SIDA, afin que le reste de la planète puisse à son tour senrichir et sinspirer de certaines de ses valeurs morales. Bref, cest lheure de rétablir un système déchange égalitaire car, comme le conférencier le rappelle souvent: «tant que le Sud aura faim, le Nord vivra dans la peur».
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1 Secrétaire général du CADTM-Sénégal et lun des coordinateurs de Dakar 2000.