L’égalité dans le collimateur des libéraux


L’égalité dans le collimateur des libéraux


Le tout premier débat politique de la législature de droite qui vient de s’ouvrir à Genève a été très symbolique. Dans un parlement où il n’y a plus qu’un quart de femmes1, c’est contre elles que les libéraux ont ouvert les feux en premier.

Anita Cuénod et Pierre Vanek

En effet, avant même de revendiquer, un siège de plus en commission par rapport à ce que l’arithmétique leur octroyait, le parti libéral a voulu faire invalider l’élection d’une élue. Leur cible? L’ex-conseillère nationale Maria Roth-Bernasconi du PS …qui travaille aujourd’hui dans le cadre Service pour la promotion de l’égalité. Elle est en fait responsable de projet, pour la Suisse latine, du programme 16+ lancé en 1998 par la Conférence suisse des déléguées à l’égalité pour promouvoir l’égalité filles/garçons en matière d’apprentissages, notamment en améliorant l’offre de formation, en soutenant les jeunes migrantes et en sensibilisant les parents…2


Flashback


Or on a assisté lors de la séance inaugurale du Grand Conseil genevois à une tentative de mauvais remake de l’invalidation, parce qu’ils étaient enseignant-e-s dans le secteur public, de trois élu-e-s ADG membres solidaritéS. C’était en 1993, à l’aube du monocolore triomphant. L’autre soir, le chef de groupe libéral, l’avocat Michel Halpérin, a plaidé, avec autant de talent rhétorique que de mauvaise foi, pour qu’on considère que Maria Roth Bernasconi tombait sous le coup des incompatibilités minimales. Celles que la majorité de gauche sortante, et les citoyen-ne-s consultés par référendum obligatoire, avaient maintenues dans la Constitution genevoise, au nom de la séparation des pouvoirs, quand ils ont reconnu le droit à l’éligibilité des salarié-e-s de l’Etat de Genève. En effet, on ne peut toujours pas siéger au Grand Conseil si l’on est soit «cadre supérieur» de la fonction publique» ou si l’on fait partie professionnellement de l’«entourage immédiat des Conseillers d’Etat». Or la députée visée n’est pas cadre supérieure, sa classe salariale en fait foi. Elle n’est en outre pas appelée à avoir de contact professionnel direct, ni étroit, ni ordinaire avec la Conseillère d’Etat Micheline Calmy-Rey, au département de laquelle a été rattaché le service genevois de l’égalité. Ces éléments objectifs avaient été vérifiés par la commission parlementaire chargée de cette tâche.


Un coup pour rien?


Pourtant, Michel Halpérin est trop bon avocat pour avoir pu penser un instant que sa position pouvait rallier une majorité de député-e-s. Le Tribunal fédéral, qui aurait été appelé à trancher de l’affaire, ne l’aurait en outre manifestement pas suivi. D’ailleurs son argumentation était – peut être volontairement – confuse. On ne savait pas vraiment, à l’écouter, s’il en appelait à l’un ou l’autre des motifs d’invalidation possible. Au final d’ailleurs, il n’a pas été suivi par une majorité, même relative, dans un Grand Conseil où la droite truste 57 sièges sur 100!


Calomniez, calomniez…


Alors à quoi jouait-il? A positionner son parti comme chef de file de la «revanche» à prendre contre une gauche qui a eu l’outrecuidance d’être majoritaire pendant quatre ans? Sans doute! Mais, l’essentiel est probablement ailleurs. A travers le flou distillé par Monsieur Halpérin, on pouvait entendre une reprise, quoique plus subtilement mise en œuvre, de l’attaque de l’UDC contre les soi-disant emplois fictifs d’élu-e-s de gauche prétendument obtenus par copinage, qui a ouvert les feux du déluge médiatique de ce parti ultralibéral dans la presse genevoise il y a quelques semaines.


Nos droits attaqués


A travers Maria Roth Bernasconi, la cible de cette opération, semble multiple. D’un côté on vise le bureau de l’égalité, dont l’activité et les ressources risquent d’être l’un des premier objectifs des coupes claires en matière budgétaire d’une droite triomphante, servie par la crise économique qui s’annonce, dont – comme toujours – les femmes risquent d’être parmi les premières victimes. Il faudra sans aucun doute que les féministes se mobilisent et mobilisent largement les femmes pour parer à cette offensive prévisible et annoncée. En outre, à travers le bureau de l’égalité, c’est la cheffe du Département des finances, Micheline Calmy-Rey qui est sans doute visée. Ceci peut être pour avoir osé dévoiler, en y portant remède, le sabotage et l’incurie orchestrée de l’administration fiscale par son prédécesseur …le libéral Olivier Vodoz. Et parce qu’elle démonte, régulièrement et calmement, le discours antifiscal des libéraux, en rappelant en particulier les prestations nécessaires à la population auxquelles sert l’impôt.


En attaquant Maria Roth Bernasconi les libéraux ont montré ce qui les anime: le mépris, des femmes tout d’abord, de l’égalité et de son institution, donc des femmes encore, et l’arrogance envers la cheffe du département des finances. La lutte sera dure, s’ils veulent la guerre ils l’auront…



  1. En fait, les femmes ne sont plus que 27%, alors qu’en 1997 35% des sièges étaient occupés par des femmes. Nous reviendrons dans un prochain numéro sur cette régression.
  2. Pour en savoir plus voir le site www.16plus.ch