Remous au parlement neuchâtelois


Remous au parlement neuchâtelois


Une large majorité du groupe POP-ECO-SOL a déposé l’interpellation ci-dessous lors de la session d’octobre du Grand Conseil neuchâtelois.

Daniel Pedrizat*

Bien qu’il soit question d’eau, on s’attendait à une réponse sèche du Conseil d’Etat du style: «Vous tentez d’imposer un débat politique sur un projet qui n’en est qu’au stade de la mise à l’enquête. Nous n’allons pas tomber dans votre piège! Vous aurez tout loisir de débattre lorsque la demande de concession sera soumise au Grand Conseil.» Il n’en a rien été! Porte-parole du Conseil d’Etat, le libéral Pierre Hirschy a été clair comme de l’eau de roche. Le gouvernement, a-t-il dit en substance, est favorable à ce projet et ‘à l’octroi d’une concession au groupe Nestlé; il refuse d’y voir un premier pas vers la privatisation des ressources en eau du canton puisque, par le biais de la concession, ce dernier garde la propriété et la maîtrise de ce bien vital.


Les règles d’organisation du Grand Conseil sont ainsi faites que les interpellateurs n’ont pas le droit de répliquer. Ils ont seulement celui d’indiquer si la réponse les a ou non satisfait. Nous avons donc dû nous contenter de déclarer que tel n’était évidemment pas le cas. Mais il va de soi que, face à une telle naïveté politique, à moins que cela soit de l’arrogance, nous n’en resterons pas là: nous continuerons de combattre ce projet que ce soit au Grand Conseil, devant les tribunaux ou dans la rue!


* L’auteur est député de solidaritéS/NE au Grand Conseil de Neuchâtel



L’eau est un droit de l’Homme


A l’heure où un cinquième environ de l’Humanité est encore privé d’un accès direct à l’eau potable et où ce bien essentiel à la vie est menacé par des pollutions de toutes sortes, il n’est guère étonnant de voir les grandes multinationales s’y intéresser: dans une économie de marché, chaque bien est, par définition, voué à devenir une marchandise et les denrées rares sont évidemment les plus prometteuses puisqu’elles peuvent se vendre au prix fort, pour le plus grand bonheur des investisseurs et le plus grand malheur des consommateurs. Le législateur neuchâtelois l’a bien compris puisqu’en 1953 il a adopté une loi aux termes de laquelle les eaux souterraines, les lacs et les cours d’eau principaux du canton constituent des biens publics inaliénables.


Par le biais de la Feuille officielle, les soussignés ont appris que la multinationale Nestlé (qui contrôle notamment les marques Perrier, Vittel, Contrex, San Pellegrino, etc.) sollicitait une concession pour le prélèvement d’un contingent annuel de 2 000 à 20 000 m3 d’eau sur le Puits de Treytel, propriété de la Commune de Bevaix. Depuis 1985, cette commune détient en effet une concession de l’État pour l’exploitation de la nappe souterraine située sous son territoire en vue de sa distribution à la population par le biais d’un service public. C’est sur une partie, certes infime, de cette eau de consommation d’une qualité tout à fait exceptionnelle que Nestlé veut faire main basse: son but à court terme est de commercialiser cette eau en bonbonnes d’une vingtaine de litres destinées à alimenter les «fontaines» d’eau minérale qu’elle entretient dans diverses entreprises et administrations; à plus long terme, il s’agit évidemment d’avoir un «pied dans la place» dans la perspective d’une privatisation du marché de l’eau.


Il ressort clairement du dossier de mise à l’enquête que les services du Département de la gestion du territoire ainsi que ceux de la promotion économique sont entièrement favorables à ce projet. A l’instar des autorités communales de Bevaix, les services de l’État semblent avoir été flattés, voire aveuglés par cet intérêt soudain d’une multinationale pour notre région et ils n’ont à l’évidence pas perçu les risques encourus à long terme par la population.


… pas une marchandise !


Le projet ne se heurte qu’à un obstacle, celui précisément de la Loi sur les eaux qui prévoit que l’eau de consommation ne peut pas faire l’objet d’une concession, sinon aux communes elles-mêmes qui ont l’interdiction de la céder à des tiers. C’est d’ailleurs pour tenter de contourner cet obstacle que, sur la suggestion du Département de la gestion du territoire (!), Nestlé a sollicité une concession pour le prélèvement d’eau minérale et cela sous l’angle de la Loi sur les mines et carrières. Pour autant qu’elle franchisse l’étape de la procédure d’opposition, cette demande devra faire l’objet d’une décision du Grand Conseil. Les soussignés souhaitent dès lors interpeller le Conseil d’État et lui demander quelle est sa vision à long terme en matière de gestion des ressources en eau et, en particulier, s’il envisage de s’opposer par tous les moyens à sa disposition à la privatisation de la distribution d’eau potable.