Mettre fin au colonialisme et au racisme

Mettre fin au colonialisme et au racisme

Un syllogisme absurde pose que le
sionisme est né de la lutte contre l’antisémitisme,
et Israël du sionisme et donc qu’Israël lutte contre
l’antisémitisme

Il suscite depuis le début de la Deuxième intifada une
idéologie perverse : l’antisémitisme
expliquerait la position d’Israël à
l’égard des Palestinien·ne·s. Alors que
l’armée israélienne bombardait le ghetto de Gaza
assiégé, une campagne de communication faisait croire
qu’« une bouffée d’antisémitisme
souffle sur la Suisse », voire qu’on assistait
à « un déchaînement de la parole
antisémite »1.

    Le racisme sous toutes ses formes, et
l’anti­sémitisme en est une, justifie les violences
infligées aux peuples qu’il désigne. Ces violences
peuvent se limiter aux quolibets, prendre la forme de discriminations
ou de coups, conduire à l’expropriation, à
l’expulsion. Au massacre. Primo Levi écrivait en janvier
1947 : « Beaucoup d’entre nous, individus ou
peuples, sont à la merci de cette idée, consciente ou
inconsciente, que ‹ l’étranger, c’est
l’ennemi ›. Le plus souvent, cette conviction
sommeille dans les esprits, comme une infection latente; elle ne se
manifeste que par des actes isolés, sans lien entre eux, elle ne
fonde pas un système. Mais lorsque cela se produit, lorsque le
dogme informulé est promu au rang de prémisse majeur
d’un syllogisme, alors, au bout de la chaîne logique, il y
a le Lager…» 2

    Seule la lutte contre le racisme permet
d’éviter cet enchaînement. En Europe au cours des
années 1980, à la fin des Trente glorieuses, comme des
hyènes la charogne, les racistes ont senti venir le temps
où ils reprendraient du service. L’horreur des crimes
nazis les avait chassés de la vie politique.

Sang palestinien et antisémitisme

De Le Pen qui réduisait la Shoah à un « point de détail »3 à Dieudonné qui fait applaudir le négationnisme au music hall4 la saillie fait souche. Le Pen faisait peur et Dieudonné fait rire.

    Les pipole gore sont en réseau : en
juillet 2008 l’abbé intégriste Laguérie
baptise la fille de Dieudonné qui lui offre Le Pen pour parrain
et en janvier 2009 Benoît XVI lève l’excommunication
d’intégristes parmi lesquels Mgr Williamson qui affirme
« Je crois qu’il
n’y a pas eu de chambres à gaz […] Je pense que
200 000 à 300 000 Juifs ont péri dans les
camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz.
»5
L’ancienne judéophobie chrétienne fricote avec la
peste brune et reprend des couleurs. La CICAD à juste titre
combat cette dérive.

    Tout cela ne permet pas comprendre en quoi le sang
qui coule en Palestine serait source d’antisémitisme. La
première moitié du 20e siècle a vu deux peuples
s’affronter tragiquement sur une même terre. Le peuple juif
victime du racisme et le peuple palestinien victime du colonialisme et
donc du racisme.

    En 1967, la guerre de conquête dite
« Guerre des six jours » prend fin avec
l’annexion de territoires palestiniens, des
« Territoires occupés », avec
l’expulsion de nouvelles foules de
Palestinien·ne·s. Dépossédés, ils ne
se résolvent pas au sort qui leur est imposé et
résistent à l’oppression. Tout cela est
parfaitement connu.

Gaza – Varsovie

Indifférent à l’indignation et ignorant le droit
international, l’Etat d’Israël poursuit
l’extension des colonies. La plus grande communauté
palestinienne est enfermée, paupérisée,
affamée dans le ghetto de Gaza. Pas plus que la terreur nazie
n’avait réduit la résistance dans le ghetto de
Varsovie, dont l’insurrection fut le premier soulèvement
populaire de l’Europe sous la botte nazie, il n’a
été possible à ce jour de détruire la
résistance gazaouie.

    Le massacre ordonné par l’Etat
d’Israël a débuté à Noël 2008 et
s’est déroulé dans l’indifférence des
Etats occidentaux qui l’expliquent par les tirs de roquettes en
provenance de Gaza. Une indignation populaire s’est heureusement
exprimée dans le monde entier. Parmi les millions de
manifestant·e·s, de nombreux musulmans, de nombreux
arabes : l’islamophobie occidentale a nourri leur
solidarité.

    En 1904, le général von Trotha
commettait le premier génocide du 20e siècle, celui des
Héréros coupables d’avoir résisté
à la tutelle coloniale allemande. Le biologiste Eugène
Fischer, nazi de la première heure devenu recteur de
l’Université de Berlin grâce à
l’avènement du régime nazi conduira des recherches
sur les corps de Hereros pendus durant le massacre. Eugène
Fischer dirige de 1927 à 1942, l’Institut nazi
d’hygiène raciale. Joseph Mengele, le futur bourreau
d’Auschwitz, suit ses cours et devient son assistant. Le
colonialisme est raciste par définition. Il nie
l’humanité des peuples qu’il soumet pour justifier
leur pillage. Il s’est de tout temps autorisé le massacre
de masse.

Un aveuglement tragique

La politique israélienne est une tragédie pour les
Palestinien·ne·s. Mais l’aveuglement de nombreux
Israélien·ne·s et de nombreux Juifs-ves dans le
monde face au colonialisme israélien et aux justifications
mémorielles derrière lesquelles il se dissimule est une
tragédie lui aussi, comme l’est la complaisance d’un
Occident oublieux de son propre antisémitisme et de son
colonialisme, passif face au racisme identitaire qu’il se refuse
à combattre.

    La CICAD a accompagné ce massacre d’une
communication alarmiste faisant croire à l’existence
d’un déchaînement de la parole antisémite
qu’aurait libéré le conflit actuel. Une
preuve ? On aurait « retrouvé un tag
insultant à côté du bureau de la CICAD dont le
secrétaire général aurait même reçu
une lettre le traitant de nazi, de bourreau et
d’assassin »6. L’horreur et
l’effroi inspirés par le massacre massif de civils ont
provoqué une forte indignation qui n’a donné lieu
à aucune vague d’antisémitisme, comme le montre le
fait que le seul acte recensé consiste en coups portés
à la vitrine d’un centre d’études juives
à Genève.

Karl Grünberg

ACOR SOS Racisme


1    www.cicad.ch
2    Primo Lévi, Si c’est un homme, Extrait de la préface, Robert Laffont, 2002, Paris
3    Le 13 septembre 1987, Le Pen déclare au
Grand Jury RTL-Le Monde, à propos de la contestation, par des
négationnistes, de l’utilisation par les nazis de chambres
à gaz homicides : « Je n’ai pas
étudié spécialement la question mais je crois que
c’est un point de détail de l’histoire de la
Deuxième guerre mondiale ».
4    Le 26 décembre 2008 à Paris, le 6 février 2009 à Genève.
5    www.islam-pluriel.net/2009/01/un-eveque-sur-le-point-detre-rehabilite-par-le-pape-nie-les-chambres-a-gaz/
6     Le Matin, 11 janvier 2009.