Abrogation du RMCAS? Un train pour en cacher un autre !

Abrogation du RMCAS? Un train pour en cacher un autre !



Le conseiller d’Etat radical
François Longchamp veut abroger la loi sur le Revenu minimum
cantonal d’aide sociale (RMCAS). Derrière cet apparent
souci de faire un sort à une loi qu’il décrit comme
obsolète, il vise en fait à faire d’une pierre deux
coups…

D’une part, à réaliser de substantielles
économies en renvoyant les bénéficiaires RMCAS sur
le régime de l’Aide sociale individuelle (LASI), dont
nombre d’entre eux seront exclus en raison des seuils
d’accès plus bas, et d’autre part, à modifier
fondamentalement les prestations et le concept d’intervention
sociale de l’Hospice général (HG).

    Il est piquant de relever ici que celui qui
aujourd’hui fait le procès du RMCAS n’est autre
qu’un de ses géniteurs. Il faut rappeler aussi que les
premiers rapports d’évaluation du RMCAS ont
été soigneusement mis sous le boisseau et que les
propositions de corrections formulées de tous bords ont
été superbement ignorées.
    Il faut également se souvenir que le RMCAS
avait été en son temps conçu comme une
réponse au chômage de longue durée. Il visait
alors, et c’était là l’objectif principal,
inscrit dans la loi, à éviter le recours à
l’assistance pour les chômeurs-euses en fin de droit.
    En 1995, il faisait office de laboratoire pour le
projet de Revenu minimum d’existence (RME) déposé
par Guy Olivier Segond. Porté aux nues, mesure phare de que ce
l’on appelait encore le Département de l’Action
sociale et de la Santé, il avait été plus tard, en
«grandes pompes», certifié par le prix Spreyer.

Comment on escamote les chômeurs

Or, avec la nouvelle loi cantonale sur le chômage, entrée
en vigueur en février 2008, ce n’est rien de moins que le
concept de chômage de longue durée qui a été
rayé du paysage social de notre canton. Après un
délai cadre indemnisé et d’éventuelles
mesures cantonales, quel est le sort des chômeurs-euses? Quelques
personnes ayant réintégré le marché
primaire de l’emploi et 304 personnes, si l’on en croit les
déclarations du Ministre de la solidarité et de
l’emploi, qui auraient bénéficié d’un
«emploi de solidarité». Et les autres? Une bonne
partie d’entre eux auront disparu dans la nature car se situant
en dessus du seuil d’entrée des prestations RMCAS. Quant
aux autres ils se seront retrouvés soit au
bénéfice du RMCAS, soit à l’Aide sociale.
    Bref, toujours sans emplois pour la plupart, mais
pourtant plus considérés comme des chômeurs-euses.
Comme s’il suffisait, à l’instar des enfants qui
n’ont pas encore acquis le concept de permanence de
l’objet, de ne plus voir le chômage pour qu’il
n’existe plus. Quoi de mieux pour mieux dissimuler les effets du
chômage et en réduire le coût que d’orienter
la population tombée plus précocément en fin de
droit vers l’Aide sociale et la présenter sous
l’étiquette de «cas sociaux».
    Il est procédé ainsi non seulement
à un transfert de compétences et de charges de
l’Office cantonal de l’emploi (OCE) vers l’Hospice
général, mais qui plus est de responsabilité de la
collectivité envers les chômeurs-euses, qui deviennent
responsables de leur chômage.
    L’abrogation du RMCAS, dont il est certain
qu’il n’était pas dénué de
défauts – et pour cause – mais qui avait au moins le
mérite de consacrer la réalité du chômage de
longue durée et de prévoir des prestations plus
élevées que celles de l’Aide sociale, est ainsi
prétexte à une remise en cause des principes fondamentaux
de l’action sociale.

Une machine à fabriquer de l’exclusion

Il permet à François Longchamp d’implanter une
organisation, en gestation dans ses officines de longue date: la mise
en place d’un système d’aide sociale de type
modèle bâlois et zurichois, c’est à dire
séparant l’accueil du suivi des personnes en
difficulté, et surtout introduisant la possibilité de
supprimer le suivi social si celui-ci n’apparaît pas
immédiatement «rentable». Ce qui revient en clair
à introduire « la rente sociale» et à
abandonner une partie de la population à l’exclusion.
    Ce système repose sur une
catégorisation des usagers-ères entre
réinsérables et non-réinsérables!
Distinction qui n’est pas sans rappeler le triste épisode
«des 58 inemployables» survenu l’an dernier, qui au
contraire de ce que l’on aurait  pu croire
n’était pas une cruelle et lamentable erreur, mais bel et
bien le galop d’essai du traitement que l’Etat
réserve aux victime de la loi cantonale sur le chômage et
à tout  demandeur de prestations à l’Hospice.
    Sous prétexte de mettre l’accent sur
une réinsertion professionnelle, qui dans le contexte actuel est
plus que compromise, va-t-on adresser tout nouveau demandeur vers une
entreprise privée chargée de réaliser une
évaluation de son potentiel de réinsertion et
d’édicter des recommandations que la personnes sera tenue
de suivre sous peine de sanction ou de «rétrogadation au
rang de non-insérable».
    Ce projet permet d’externaliser une
tâche d’un service public comme l’OCE, via
l’Hospice général, dont on dénature
fondamentalement la tâche au passage. Cette opération
offre, en outre, l’opportunité de réduire
considérablement les frais de fonctionnement des deux services
en question par les réductions de postes qu’elle ne
manquera pas d’entraîner.
    Galvauder les prestations de l’OCE pour mieux
justifier l’externalisation d’une partie d’entre
elles, prétendre pouvoir substituer 
l’édiction de mesures de réinsertion au travail
social de l’HG constitue un déni des missions de ces deux
services publics et prive de leur prestations les populations qui ont
le plus grand besoin. Amorçant ainsi, parmi d’autres
mesures inadéquates, une bombe sociale à retardement.

Jocelyne Haller