Pas une gifle, une claque !

Pas une gifle, une claque !

Didier Burkhalter estime que l’on ne peut pas parler de gifle,
mais il faut remonter à 1992 pour observer un refus à
plus de 70 % des électeur·trices d’une
proposition gouvernementale, et encore c’était suite
à un référendum de droite contre les
indemnités des député·e·s.
L’échec du gouvernement, de la droite et des milieux
patronaux, malgré les millions dépensés,
détient ainsi le record du rejet populaire. Si, au moment des
résultats, notre joie était bien légitime, nous
devons maintenant analyser cette victoire exceptionnelle, dans tous les
sens du mot, et les facteurs à la base de l’ampleur du
refus.

    « Pas touche à ma
prévoyance vieillesse » est un sentiment fortement
ressenti, qu’il s’agisse de l’augmentation de
l’âge de la retraite, des attaques contre l’AVS ou,
cette fois, des rentes du deuxième pilier. Cette dernière
votation s’est en outre déroulée dans un contexte
de crise qui rend insupportable l’augmentation des
inégalités : en 2008, des milliards étaient
disponibles pour soutenir les banques, en 2009 ces même banques
réintroduisaient les bonus à coups de millions, les
valeurs boursières augmentaient de 20 %, et le
chômage d’autant. Ce parallélisme entre les
milliards pour les riches et les coupes prévues pour toutes les
prestations sociales (prévoyance vieillesse, chômage,
invalidité, santé) était trop manifeste pour ne
pas susciter de réaction.

A cela, il faut ajouter que c’était la première
occasion de voter contre une réduction des rentes du
deuxième pilier, alors que depuis 2003 une succession
d’autres diminution sont entrées en vigueur (taux de
rendement minimal, déjà une diminution du taux de
conversion jusqu’en 2014, réserves de fluctuation de
valeurs), des mesures qui, ensemble, entraînent une diminution
des retraites futures de 35 %.

    Si la droite et les milieux patronaux ont
dépensé sans compter, et de manière d’autant
moins crédible que les intérêts des assurances
privées apparaissaient par trop évidents, la mobilisation
syndicale, en particulier celle d’UNIA, a été
réelle et bien supérieure à ce que l’on a pu
constater lors d’autres votations. Cet engagement particulier
s’est manifesté tout d’abord lors de la
récolte de signatures pour le référendum ;
il s’est poursuivi sur le terrain tout au long de la campagne. De
plus d’autres milieux, en particuliers les organisations de
consommateur·trices, sont sortis de leurs réserves
habituelles face aux votations et ont fait clairement campagne pour le
référendum.

    Notre réponse pour la prévoyance
vieillesse reste la volonté de fusionner AVS et deuxième
pilier en renforçant la solidarité et la
répartition, en garantissant à chaque habitant un revenu
minimum de l’ordre de 3 500 francs, et en
protégeant les droits acquis. Nous devons interpréter les
résultats du 7 mars dernier d’une double
manière : d’une part, ils montrent
l’importance que la population attache à la
prévoyance vieillesse, une dimension non négligeable en
vue de notre proposition de fusion. En effet, ce projet ne peut
qu’améliorer la prévoyance parce qu’il vise
à diminuer la dépendance aux rendements boursiers, tout
en réintroduisant la primauté des prestations et
l’indexation des rentes et en renforçant la
solidarité. Mais d’autre part ces résultats
dévoilent aussi l’attachement de la population au
deuxième pilier ! Dans ce sens, il est essentiel que les
droits acquis soient clairement définis et garantis dans notre
défense du projet de fusion. En octobre 2008, solidaritéS
publiait un premier article sur ce projet de fusion (cf.
solidarités, n°135). Aujourd’hui, il est temps de le
préciser et d’en débattre avec l’ensemble des
forces susceptibles de le soutenir.

    Comme évoqué plus haut, ce
résultat dépasse la seule question de la
prévoyance professionnelle, et exprime un refus plus
général des solutions bourgeoises à la crise. Il
est significatif que dans le camp des battus figure aussi la droite
populiste de l’UDC ; quant au non du MCG genevois, il
n’a guère de signification sur la plan national. Une crise
du capitalisme ne renforce pas en règle générale
la gauche. De ce point de vue, cette dernière votation semble
plutôt aller à contre courant, et ce d’autant plus
qu’elle est marquée par une évolution plus
combative du mouvement syndical. Ce constat augmente notre
responsabilité quant à notre capacité
d’analyser cette crise, d’évaluer les issues les
plus probables que la bourgeoisie voudra imposer, de proposer des
objectifs favorisant des mobilisations importantes. L’ampleur du
refus de la baisse du taux de conversion est certes  un acte de
non résignation face à la crise, mais ce n’est pas
encore un signal d’espoir pour d’autres issues. 


Michel Ducomun