Thaïlande: sur la révolte des chemises rouges

Thaïlande: sur la révolte des chemises rouges

Junya Yimprasert, responsable du Thai
Labour Campaign (Campagne pour les travailleuses et travailleurs
Thaïs) analyse la situation en Thaïlande. Propos recueillis
et mis en contexte par Linus Atarah.

Le 14 mai 2010, après huit semaines de confrontation, le
gouvernement a chassé les « Chemises
rouges » des rues de Bangkok et causé la mort de 80
personnes. Le gouvernement les a accusés de soutenir Thaksin
Shinawatra contre le responsable actuel du gouvernement.

    Cette accusation est erronée selon J.
Yimprasert, qui craint qu’une fois les rues de Bangkok
« nettoyées », le gouvernement ne
s’attaque à d’autres cibles :
« On parle de chasse aux sorcières contre des
syndicats, des universitaires, des journalistes, des dirigeants
régionaux et des politiciens. Une campagne internationale de
solidarité est nécessaire pour attirer l’attention
de la communauté internationale sur la situation en
Thaïlande ».

    J. Yimprasert appelle le mouvement syndical
international à accorder une attention particulière
à ce pays et à soutenir les militant·e·s
thaïlandais. Elle rappelle que « le combat pour la
démocratie en Thaïlande a déjà 78 ans.
Engagé en 1932, il abattit la monarchie absolue et lui substitua
une monarchie constitutionnelle. Mais jamais le pays n’a connu de
démocratie véritable, de démocratie
véritablement populaire ». Cette fois, comme le
souligne J. Yimprasert, « les classes laborieuses sont
à l’initiative du mouvement récemment
réprimé, à la différence des combats
démocratiques du passé ».

Quelle dynamique politique est à l’œuvre
derrière la récente répression des
manifestants ?

« Bhumibol Adulyadejis, le roi de Thaïlande, est
âgé de 84 ans. Gravement malade, il est hospitalisé
depuis plus d’un an. Le gouvernement actuel du Premier ministre
Abhisit Vejajeva est étroitement lié à
l’armée et aux élites qui soutiennent un
gouvernement loyaliste pour garantir à la mort du roi une
transition à leur avantage. Elles craignaient que
l’éviction du gouvernement actuel n’ouvre la voie
à un gouvernement Thaksin ou proche de lui où leur
pouvoir serait menacé et où le roi perdrait toute
influence réelle. »

La Thaïlande est-elle à l’aube d’une lutte pour une véritable réforme politique ?

« Sous le gouvernement Thaksin, le budget militaire avait
été massivement réduit. Le gouvernement actuel a
multiplié les dépenses militaires. Il repose sur les
militaires qui n’ont jamais cessé de peser sur les
gouvernements civils. Au cours des 78 années
écoulées, le pays a connu 20 coups d’Etat
militaires.
    Si les partisans du Premier ministre déchu
ont impulsé la mobilisation des « Chemises
rouges », les personnes interviewées parmi les
millions de provinciaux qui l’ont rejointe déclarent avoir
agi pour elles-mêmes, et n’avoir rien à voir avec
Thaksin. Revendiquant des élections libres, le mouvement
était prêt à accepter tout gouvernement remportant
démocratiquement la majorité. »


Linus Atarah
traduit de l’anglais par notre
rédaction d’après une version publiée
sur le site de la centrale syndicale finlandaise www.sask.fi