La propriété intellectuelle contre la biodiversité ?

La propriété intellectuelle contre la biodiversité ?



Le Centre Europe-Tiers Monde
( www.cetim.ch ) vient de publier un petit ouvrage
collectif passionnant, La propriété intellectuelle contre
la biodiversité ? Géopolitique de la
diversité biologique, qui analyse les causes, les
conséquences et les alternatives au pillage des ressources
phytogénétiques des pays du Sud par les grandes
multinationales de l’agro-business.



Si l’agriculture est l’un des fondements matériels
de la société, les semences sont le fondement
matériel de l’agriculture. Ainsi posé,
l’immense valeur du patrimoine génétique des
plantes apparaît d’emblée et, avec elle, les gages
de profit pour qui sait se l’accaparer. L’enjeu de cet
accaparement est fondamental pour l’avenir puisqu’en 2050,
c’est une population de 9 à 10 milliards d’individus
qu’il faudra nourrir. Autrefois, les semences étaient
produites et sélectionnées par les paysans pour leur
propre usage. Aujourd’hui, l’information
génétique qu’elles contiennent fait l’objet
de toute une série de manipulations et de droits de
propriété intellectuelle. Elles sont mises au service
d’une agriculture industrielle à dimension mondiale et
commercialisées sur un marché qui vaut quelques 17
milliards de dollars, dominé par cinq
« géants génétiques »
( Monsanto, Dupont, Syngenta, Bayer et Dow ). Au cours de
cette évolution, la diversité du patrimoine
génétique des plantes s’est érodée.
Or cette diversité est fondamentale pour faire face aux
mutations de l’environnement. L’Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agriculture
( FAO ) estime que les trois-quarts de la
diversité génétique agricole ont disparu au cours
du siècle dernier. Comment en est-on arrivé
là ?

Pillage

C’est l’évolution d’une des multiples formes
du pillage des ressources naturelles du Sud opéré par les
grandes puissances industrielles capitalistes qui est analysée
dans cet ouvrage collectif. Ce pillage, qui prend le nom de
biopiraterie ou de biocolonialisme, porte sur des ressources naturelles
qui, pour une part de 80 %, sont situées dans les pays du
Sud. Il a été rendu possible grâce au
développement de la biotechnologie, mais surtout grâce
à des instruments légaux mis en place d’abord aux
Etats-Unis puis par les institutions internationales sous pression des
grands groupes de l’agro-business. Les auteur·e·s
portent une attention particulière à la Convention sur la
diversité biologique adoptée en 1992 lors de la
Conférence de Rio. Cette Convention ne remettait pas en cause la
marchandisation de l’information génétique des
plantes mais visait un plus juste « partage des
bénéfices » de leur commercialisation avec
les pays du Sud, principaux fournisseurs de ces ressources, ainsi que
la mise en place d’un frein à l’érosion de la
biodiversité. Qu’en est-il 20 ans après
l’entrée en vigueur de cette Convention ? Les
exemples tirés du Pérou, de l’Afrique du Sud, de
l’Inde et de la Bolivie permettent de tirer le bilan et
d’ébaucher des alternatives au processus de
marchandisation des ressources phytogénétiques.

Isabelle Lucas