Au Mexique, la longue marche de Rosario Ibarra contre l'impunité

Au Mexique, la longue marche de Rosario Ibarra contre l’impunité

A 36 ans de l’enlèvement
de son fils par des éléments de la Direction
Fédérale de Sécurité (DFS), Rosario Ibarra,
figure historique de la lutte contre l’impunité, poursuit
son combat qui n’a, malheureusement, jamais perdu son sens dans
un Mexique en proie à une violence qui semble ne pas
connaître de limites.

Aujourd’hui âgée de 84 ans et Présidente de
la Commission des Droits Humains du Sénat de la
République, Rosario Ibarra n’a jamais cessé son
combat. Le 18 avril 1975, son fils, Jésus Piedra Ibarra, membre
d’une organisation armée, la Ligue Communiste 23
Septembre, est détenu par des éléments de la DFS,
une force anticonstitutionnelle créée dans le but de
réprimer les organisations de gauche. Il ne
réapparaîtra jamais, tout comme des milliers
d’autres, étudiants ou ouvriers, qui, après le
massacre des étudiants ordonné par le Président
Gustavo Díaz Ordaz, le 2 octobre 1968, virent se fermer la
possibilité d’une transformation de la
société par la voie démocratique.

Eureka

En 1977, elle crée, avec d’autres mères de
disparus, le comité Eureka qui est, encore aujourd’hui, le
cadre dans lequel s’organisent les familles de disparus. En 1978,
les mères de disparus mènent une grève de la faim
historique, sur le parvis de la cathédrale, en plein cœur
de Mexico. Le courage nécessaire à la réalisation
d’une telle action sera payant, le Président José
López Portillo faisant voter une loi d’amnistie pour les
prisonniers politiques. Dans la foulée de cette première
victoire est créé le Front National Contre la
Répression, qui obtiendra, l’année suivante, que le
Gouvernement commence à libérer les premiers
détenus-disparus. Ces derniers apporteront des
témoignages précieux sur les prisons clandestines, tel le
sinistre Camp Militaire numéro 1, ainsi que sur les autres
militants qui y étaient détenus.

    Aujourd’hui, le comité Eureka poursuit
sa lutte pour faire toute la lumière sur la période de la
guerre sale et pour mettre un terme à l’impunité
dont jouissent les responsables politiques et militaires de
l’époque. Rosario Ibarra vient de demander formellement la
comparution devant la justice de Luís Echeverría,
ministre de l’intérieur en 1968, pour la disparition de
son fils. Comme elle le souligne, les disparitions forcées, dans
lesquelles les forces armées sont impliquées, ont
été en augmentation constante durant les gouvernements de
Vicente Fox et de Felípe Calderón. Ce ne sont plus
uniquement des militants sociaux et politiques qui disparaissent ou
sont assassinés, mais des migrants et des jeunes, que des hommes
armés forcent à descendre des autobus dans lesquels ils
voyagent, et que l’on retrouve dans des fosses communes. Les
autorités tentent systématiquement de faire passer les
victimes pour des membres du crime organisé. Les
dénonciations par les familles sont rendues difficiles et nombre
d’entre elles préfèrent garder le silence, car
elles savent que bien souvent les autorités sont complices de
ces atrocités ou qu’elles protègent leurs auteurs.

Héctor Márquez
correspondant de solidaritéS au Mexique