Israël/Palestine

L'occupation, la résistance du peuple et la communauté internationale

Enormément de touristes et de pèlerins passant par la Palestine et Israël, sinon la plupart, s’arrêtent au site commémoratif du génocide Yad Vashem, à Jérusalem-Est. Mais parmi eux, quel pour mille consacre, ne serait-ce qu’une heure, à la visite du Musée Abu Jihad 1 – commémorant les prisonniers politiques palestiniens ? Aujourd’hui, ce haut lieu de la résistance est là pour rappeller que l’Etat israélien n’arrive à maintenir – au mépris du droit international – son occupation de la Cisjordanie et l’annexion de Jérusalem-Est, qu’au prix d’une répression féroce qui a toujours pleinement cours et touche actuellement 8200 prisonniers politiques. Quelle preuve plus convaincante de l’échec cuisant d’une politique «ethnocratique et fasciste-sioniste», selon l’expression d’Ilan Pappe 2 ?

Cahier émancipationS du journal solidaritéS numéro 195. Version pdf à télécharger en cliquant sur le lien suivant: cahiers émancipationS

Le dossier que nous présentons aujourd’hui à nos lecteurs, au lendemain des discours de Mahmoud Abbas et de Bibi Netanyahou à l’Assemblée générale de l’ONU, inclut six éléments : le droit international, la répression et la négation du droit à la terre des Palestiniens, le Mur, les prisonniers politiques, les engagements d’un homme de gauche parmi beaucoup d’autres, l’apartheid – et le boycott pour le combattre.

    L’occupation de la Cisjordanie depuis 44 ans est illégale, de même que l’annexion par Israël de Jérusalem-Est et des hauteurs du Golan. Comme est illégal l’établissement sur sol palestinien de colonies de peuplement (qui octroyent toutes les faveurs aux sionistes dès leur arrivée). Le blocus de Gaza est un crime de guerre, qui détruit la vie, l’industrie, l’agriculture, le développement, l’éducation, la santé de sa population. C’est une véritable catastrophe écologique et humaine. Toutes ces mesures contreviennent gravement aux traités du droit humanitaire international, qui réglementent l’exercice du pouvoir dans les zones occupées.

    Si l’on additionne les terres dérobées aux Palestiniens par les Israéliens, dès la fondation de leur Etat en 1948, on arrive à ce résultat effarant et dont l’injustice crie réparation: il ne reste que 10 % du territoire promis par l’ONU à la population palestinienne, qui démographiquement est bientôt à égalité avec celle d’Israël. Les pans manquants ont été dérobés dès 1948, puis en 1967, ensuite dans le processus de colonisation où le Mur et les colons jouent un rôle de premier plan. C’est là la réalité fondamentale à laquelle les Nations Unies doivent mettre fin.

    Les Conventions de Genève et de La Haye, en effet, n’admettent tout simplement pas les annexions, et établissent des règles concernant l’occupation militaire, excluant notamment les changements de propriétaires de la terre et les déplacements de population, comme Israël les pratique systématiquement 3. Les Conventions ne font ainsi pas de différence entre le statut de Jérusalem-Est – illégalement annexée – et les Territoires occupés, le Golan et Gaza.

    Mettre fin à ces impositions unilatérales et à ces injustices, ce sera l’un des enjeux du vote à l’Assemblée générale, qui devrait confirmer la condamnation par l’ONU des multiples décisions de la Knesset et des gouvernements successifs, depuis la Guerre des Six Jours en 1967 jusqu’à aujourd’hui. A nos yeux il ne fait aucun doute que le gouvernement d’Israël, après ce vote, va redoubler d’efforts non seulement pour maintenir le statu quo, mais encore pour étendre son emprise sur les territoires énumérés, rendre impossible la constitution géographique (d’un seul tenant) d’un Etat palestinien, et laisser aux indigènes qui vivent là depuis des siècles seulement quelques bantoustans 4.

    Mais ce gouvernement est aux abois, les vagues de judaïsation en Galilée ont échoué, et – comme l’observent de nombreux commentateurs – les fondements éthiques d’Israël sont profondément ébranlés, ses dirigeants fatigués de mentir 5. Un demi-million d’Israéliens sont descendus dans la rue le 3 septembre pour manifester qu’ils en ont marre de se serrer la ceinture au profit des colons et des juifs ultra-­orthodoxes 6. Une proportion importante a réclamé la démission du gouvernement de Benjamin Netanyahou et le retour aux va­leurs des « fondateurs de l’Etat »?7.

    Quant aux Etats qui auront reconnu l’Etat de Palestine, ils devront être conséquents avec leur vote et s’engager dans une campagne systématique de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) pour frapper au coeur la politique néo-coloniale. L’expérience sud-africaine l’a montré : une résistance forte et prolongée à l’intérieur est indispensable, mais ce n’est qu’à partir du moment où l’économie avait été étranglée par les sanctions du concert des nations – à l’exception notoire de la Suisse et de ses multinationales – que le gouvernement De Klerk 8 s’était résigné à s’asseoir à la table des négociations qui ont abouti à l’abolition de l’apartheid.

    L’Etat d’Israël – dans des circonstances que nous ne relaterons pas ici – est né sur la base d’un projet colonial élaboré au XIXe siècle et entériné à Bâle, en août 1897, au premier Congrès sioniste mondial. Modeste, Théodore Herzl nota dans son journal : «?A Bâle, j’ai fondé l’Etat juif ».

La longue histoire de la résistance palestinienne

Maintes fois, j’ai lu qu’avant 1948, il n’y avait pas de peuple palestinien, thèse qui a été diffusée par les sionistes et reprise par les médias et certains historiens occidentaux… La réalité est toute différente, ainsi que le décrit Mazin Qumsiyeh dans son remarquable ouvrage sur la résistance palestinienne 9. Non seulement il y a eu un ample mouvement de résistance palestinien à l’Empire ottoman depuis le XIXe siècle, mais encore cette résistance civile a défendu depuis ses débuts, il y a environ 150 ans, la création d’une société démocratique qui respecte et accorde l’égalité à tous ses citoyens.

    La toute première résistance palestinienne s’était manifestée (1808, 1826) contre l’occupation de la Palestine par l’Empire ottoman des Turcs d’Istanbul. Le soulèvement marqua l’éclosion d’un sentiment nationaliste et imprima une caractéristique originale à la résistance pendant les décennies qui suivirent. Plus généralement, les frémissements du nationalisme arabe et la résistance au sionisme – déjà appuyé par des Européens – se manifestèrent dès 1868. L’accord secret franco-britannique de 1916 (Sykes-Picot) – qui divisait la région entre la Grande-­Bretagne et la France – fut suivi de la Déclaration de Lord Balfour, bien connue de tous les Palestiniens, qui abhorrent ce personnage (à l’époque ministre des Affaires étrangères de l’Empire britannique). Avec l’entrée dans Jérusalem du général Allenby – en tant que commandant de la force expéditionnaire « égyptienne » en décembre 1917, les portes s’ouvraient aux immigrants Juifs européens, en application de la Déclaration Balfour. Celle-ci promettait en effet – dans un vide légal total – un « foyer national » aux Juifs.

    Les Palestiniens, d’abord liés avec les Britanniques dans leur désir d’en finir avec l’Empire ottoman, reconnurent bientôt en eux les envahisseurs. Des manifestations palestiniennes eurent lieu dès 1918 contre l’arrivée de sionistes protégés par les Britanniques. Alors naquirent des sociétés musulmanes/chrétiennes, non seulement pour défendre leur territoire commun contre ce nouveau colonialisme, mais encore pour exprimer la solidarité locale et la camaraderie. De l’autre côté de « l’étang », le président Woodrow Wilson préconisait la tenue d’une consultation sur l’auto-­détermination des Palestiniens, et les Sociétés musulmanes/chrétiennes envoyèrent des délégués pour rencontrer les émissaires de Wilson – grand artisan de la Société des Nations, même si les Etats-Unis n’y adhérèrent jamais – venus pour reconnaître l’état des lieux en Palestine.

    C’est dans ce cadre que se manifestèrent fréquemment les habitants de la région opposés à la mainmise britannique, qui facilitait l’arrivée de quantités grandissantes de juifs sionistes, alors que jusque-là, les premiers immigrants juifs vivaient en bonne intelligence avec leurs voisins palestiniens. Un  pas de plus fut franchi en 1920, lorsque les Britanniques transformèrent leur régime militaire en administration civile, et nommèrent à sa tête Herbert Louis Samuel, un sioniste notoire. Sous son gouvernorat – mauvais présage pour l’avenir – on notifia aux paysans palestiniens qu’ils ne pouvaient plus cultiver de manière communale les champs de leurs ancêtres, comme ils le faisaient depuis des siècles, mais devaient les céder pour qu’ils puissent être vendus à des acquéreurs sionistes.

    La résistance se renforça et culmina en 1929 – pour ne citer que cet exemple – dans le soulèvement Al-Buraq?10 qui se produisit lorsque les musulmans s’opposèrent catégoriquement à une tentative des Juifs d’installer des constructions devant le Mur des Lamentations. Sans entrer dans le détail, citons le résultat sanglant de ces affrontements : 249 morts, 116 arabes et 133 juifs. A la suite de cette tuerie, des Palestiniens s’en prirent aux Juifs d’Hébron, en massacrant 67, alors que des familles palestiniennes sauvèrent 435 Juifs en les cachant dans leur maison.

La suite, c’est de l’histoire contemporaine.

Le Mur monstrueux et ses conséquences

Quand la décision a été prise de construire le Mur, en 2002, le prétexte mis en avant fut – comme toujours – la sécurité. Du côté israélien, depuis que le monstrueux Mur est là, on argumente que les attentats-suicide ont fortement diminué, voire disparu. On ne veut pas voir que les Palestiniens dans leur grande majorité ont toujours recouru d’abord à la résistance non-violente, et que cette tendance semble maintenant l’emporter. Qui veut passer des Territoires occupés à l’Etat d’Israël trouvera d’ailleurs toujours des endroits pour grimper par-dessus la clôture qui tient lieu de Mur en rase campagne. Dix ans après, le monstre est loin d’être terminé : 30 % ne sont que planifiés, 61,8 % construits et 8,2 % encore en construction 11.
 
    Les véritables raisons de la construction du Mur sont économiques : on dérobe encore plus de terres, de puits et de sources aux Palestiniens et on les prive de l’accès à leurs terres. Une ONG opérant depuis Jérusalem énumère toute une série de conséquences néfastes, que je résume 12. Comme il a été construit à 85 % sur les Territoires occupés, le Mur a amené le déracinement de 100 000 oliviers, la disparition de milliers d’hectares (ha) de terres fertiles (pour la bande de 60 m de largeur qu’il occupe), la confiscation de 16 500 ha de terre, l’aplanissement de 23 000 ha, et l’isolement de 28 235 ha de terres. Dans 71 villages, le Mur sépare les paysans de leur terre. Si le Mur suivait la trajectoire de la Ligne verte (celle de l’armistice de 1949), il aurait 350 km de long. Mais comme il dérobe tout un territoire, souvent au profit des colons, il serpente et fait des incursions de plus de 20 km à l’intérieur de la Cisjordanie, de sorte que s’il était terminé un  jour, il compterait 709 km.

    Des milliers de familles paysannes ont été déportées. Le Mur a également restreint considérablement la libre circulation de la population propriétaire du sol et 100 000 Jérusalémites vivent désormais de l’autre côté du Mur. Or, pour garder leur carte d’identité de Jérusalem, ils sont contraints d’envoyer leurs enfants à l’école en ville, ce qui oblige ceux-ci à faire d’immenses détours par les checkpoints 13. Ce sont 170 000 écoliers de 320 écoles qui sont affectés, et 220 000 résidents se sont vus couper l’accès aux centres de santé et de formation. Le monstre a encore eu de graves conséquences sur les familles, par exemple quand le mari et la femme n’ont pas le même permis de résidence, l’un doit rester en Cisjordanie, l’autre à Jérusalem, ce qui prive les enfants de l’un de leurs parents. De nombreuses familles ont ainsi été désintégrées.

    La construction du Mur viole de manière flagrante des droits humains reconnus universellement et le droit humanitaire, ainsi que le droit à la libre détermination. D’après l’art. 146 de la Quatrième Convention de Genève, le mur constitue un crime de guerre, pour lequel l’Etat devrait poursuivre ses commanditaires.

L’horreur des prisons

Dans une des 26 prisons israéliennes, une Palestinienne va mettre son enfant au monde. Elle est enchaînée aux pieds et aux mains dans sa cellule. Transportée dans une salle, elle est de nouveau enchaînée à un lit, jusqu’à ce que le bébé se présente. L’ayant mis au monde, elle est réenchaînée, sans qu’aucun membre de sa famille ne soit jamais admis à ses côtés. Deux ans plus tard, l’enfant sera remis à ses grands-parents. Voilà un exemple parmi les récits d’horreur illustrés par le Musée Abu Jihad dédié aux prisonniers palestiniens. Remué jusqu’au tréfonds par tout ce que j’y ai vu, je répète que tout visiteur du  mémorial de Yad Vashem en mémoire des victimes juives de la Shoah devrait prendre le temps d’aller visiter ce Musée des prisonniers palestiniens, qui raconte non pas un génocide qui a duré jusqu’en 1945, mais un cauchemar vécu depuis 1947 jusqu’à aujourd’hui par le peuple palestinien.

    Il y avait déjà des violences contre les Palestiniens sous le Mandat britannique, dans les années trente. Aujourd’hui en Israël, on compte 8200 14 prisonniers politiques, selon le guide qui nous a accueillis, dont 34 femmes et 326 enfants. Depuis 1967, on a dénombré 760 000 prisonniers, dont 12 000 femmes. Depuis 2000, il y a eu 69 000 détentions, dont 800 femmes, 7800 enfants, et 197 prisonniers tués sur place. Sur l’ensemble de la période historique qui commence en 1947, il y a eu des centaines de morts, qui ont été soit fusillés, soit privés de soins alors qu’ils étaient gravement malades, soit sont décédés sous la torture ou au terme d’une grève de la faim. Quand les prisonniers se plaignent au médecin de service d’une maladie sérieuse qui les affecte, celui-ci leur conseille de prendre de l’aspirine avec de l’eau…

    Aux détenus qui ont été jugés, il faut ajouter ceux qui sont emprisonnés sans accusation, sans preuves et sans procès, en détention administrative. Pendant la seule année 2007, plus de 3100 citoyens palestiniens ont été envoyés en détention administrative, dont 180 mineurs. Ni eux ni leurs avocats n’ont pu avoir accès à leur dossier et aux « preuves » sur la base desquelles on les emprisonne. B’Tselem, ONG israélo-­palestinienne, a dénoncé la détention administrative, qui « viole de manière flagrante les lois internationales et les conventions sur les droits humains ».

    Un espace du Musée illustre les différentes méthodes de torture, y compris pour les enfants. Dans ces prisons, on procède à l’isolement complet, les autorisations de visite accordées aux familles sont rarissimes, les cellules exiguës. Le traitement dans certaines d’entre elles fait penser à Guantanamo (surnom de la prison d’Ofer). Dans celles qui sont situées dans le désert du Néguev, les températures sont extrêmes, et il n’y a ni ventilation, ni lucarne. Pour angoisser les prisonniers, l’armée fait périodiquement 15 des incursions, simulant une attaque en règle avec munitions de guerre et gaz…

    Les plus vieux prisonniers politiques palestiniens, Saed  al-Atabeh et les frères Na’el et Fakhri al-Barghouti sont enfermés depuis 31 et 30 ans, 14 le sont depuis plus de 25 ans, 81 depuis plus de 20 ans et 278 depuis plus de 15 ans. La situation alimentaire est alarmante, la nourriture de la prison étant de très basse qualité et rationnée. La torture avait été interdite par le général Haïm Herzog en 1967, en application de la Convention de Genève de 1949, mais l’application de cette mesure avait été suspendue la même année par le commandement militaire, en ce qui concerne les Territoires occupés, Gaza et le nord du Sinaï.

Engagements d’un politicien de gauche : Mazin Qumsiyeh

Le choix de présenter cet homme n’est pas dû au hasard : il aurait pu poursuivre une brillante carrière aux Etats-Unis 16. Conséquent avec ses engagements politiques, il a choisi de se fixer dans son village d’origine, Beit Sahour, séparé de Jérusalem par le Mur. Il enseigne et fait de la recherche dans les Universités de Birzeit et Bethléhem. Politiquement, il se situe peut-être plus près d’Edward W. Said que d’Ilan Pappe 17 (il est membre du parti Hadash, qui a son origine dans le Parti communiste).

    Mazin – qui nous a pris en auto-­stop alors que nous revenions d’un travail de surveillance à un checkpoint avec un camarade de l’EAPPI 18 – distribue infatigablement des informations 19, écrit articles et livres 20, photographie, filme en vidéo, prend la parole en public et dans les médias. Arrêté plusieurs fois par l’armée israélienne pour ses engagements au service de la cause palestinienne, il tient un blogue depuis 2007, ainsi qu’un blogue apartheid.

    Ce qui est atypique chez lui, c’est qu’il n’a pas soutenu la démarche de l’Autorité palestinienne (AP) devant l’ONU. Même si je ne peux offrir une vue d’ensemble de l’homme, je présente ici quelques extraits significatifs de ses écrits tout récents, qui m’ont déjà servi dans le paragraphe intitulé « La longue histoire de la résistance palestinienne ».

Apartheid et boycott

« Le tenancier d’un café a exigé que sept jeunes Zoulous ne parlent pas leur langue dans son établissement. Dans un Centre commercial, des Zoulous qu’on avait entendu s’exprimer dans leur langue ont été attaqués physiquement dans trois localités. Dans une quatrième, un Africain noir a été assassiné par un Sud-Africain blanc ».

    Où est-on ? Dans la province du Cap pendant l’apartheid ? Non, en Galilée ! j’ai simplement écrit Zoulou ou Africain au lieu de Palestinien et Arabe et Sud-Africain blanc pour Israélien. La fin de la citation est tout aussi authentique que le début, cette fois sans substitution : « Les fans palestiniens d’un club de football de Nazareth ont été attaqués méchamment par des houligans israéliens du même club.» (p. 186)

    Répondant à une question sur la comparaison entre l’apartheid en Afrique du Sud – où elle avait vécu une dizaine d’années – et l’actuel régime israélien, où elle milite depuis vingt ans, l’activiste bien connue Angela Godfrey-­Goldstein 21 n’a pas hésité : « C’est bien pire ici ! » Comme je l’ai écrit dans l’introduction déjà, l’exemple de l’Afrique du Sud, mutatis mutandis, peut nous inspirer.

    Ilan Pappé mentionne la politique d’apartheid une vingtaine de fois dans son ouvrage magistral The Forgotten Palestinians. A History of the Palestinians in Israel 22. Il termine son remarquable ouvrage historique et post-sioniste par cette phrase : « Il est illusoire de croire qu’il est possible de créer un espace exclusivement juif au milieu du monde arabe.» (p. 275, c’est moi qui souligne).

    Au moment de présenter son nouveau livre à Jérusalem, devant un public nombreux et enthousiaste, il a lancé : « Je défends les mesures de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) à l’encontre de l’Etat d’Israël, vous pouvez répandre la nouvelle ! » Rires dans l’assemblée : quelques jours auparavant, la Knesset avait adopté une loi très controversée menaçant de sanctions pénales toute personne diffusant les mesures BDS 23.

Théo Buss *



1 Situé à Abu Dis, à l’est de Jérusalem, au sein de l’Université Al Quds, il porte le nom d’un des fondateurs du Fatah et plus fameux dirigeants de l’OLP, Abu Jihad « Khalil al-Wazir » (père de la lutte), assassiné par des agents israéliens à Tunis le 16 avril 1988, au début de la première intifada (littéralement « secouement », d’où rébellion, insurrection).
2 Ces termes sont du prestigieux historien israélien Ilan Pappe, l’un des chefs de file des « nouveaux historiens ». Voir The Forgotten Palestinians – A History of the Palestinians in Israel, Yale University Press, New Haven + London, 2011,  auquel nous devons beaucoup, et son précédent ouvrage The Ethnic Cleansing of Palestine (La purification ethnique de la Palestine), Oneworld Publications, New York + London, 2006.
3 Sont aussi interdites les modifications aux caractéristiques  et à la géographie de la Ville de Jérusalem. Or
Israël a augmenté progressivement la superficie de la Ville, [qu’elle appelle tantôt sa « capitale une et indivisible », tantôt « éternelle et indivisible » – sans aucune reconnaissance par aucun Etat] de 7 à 126 km2. cf. 43 years of occupation, The Civic Coalition for Palestinian Rights in Jerusalem, 2011, p. 26.
4 Bantoustan : durant la période d’apartheid, territoires réservés aux populations noires et considérés comme autonomes en Afrique du Sud. Les conditions de vie y étaient particulièrement dures et les personnes regroupées étaient privées de la citoyenneté sud-africaine, sous prétexte de quasi indépendance. [réd]
5 « Fin de la mascarade », c’est ainsi qu’Ilan Pappé a résumé cette situation délétère.
6 La critique de l’armée et des services secrets, qui détiennent la réalité du pouvoir, a été évitée par les dirigeants de la « contestation des tentes » – allusion aux forêts de tentes qui sont apparues dès le mois de juillet dans plusieurs villes, en particulier à Tel Aviv – qui ont déclaré que leur protestation contre la vie chère ne se voulait « pas politique » ! De leur mouvement bourgeois et petit-bourgeois sont restés exclus les intérêts des Israéliens pauvres, des Palestiniens, des Bédouins et des Druzes. A noter que l’armée est une grande dévoreuse du budget national : 50 milliards de shekels par an (trois fois moins en francs suisses). Cela représente 7,6 % du Produit national brut (moyenne mondiale : 2,5 %?; moyenne des pays de l’OTAN : 1,8 %).
7 Celles-ci étaient déjà ambigües au départ, en réalité: d’une part on proclamait à cor et à cri l’égalité, d’autre part on avait déjà préparé l’éradication de centaines de villages et la déportation de leur population, comme Ilan Pappé l’a démontré.
8 Dernier président blanc de l’Afrique du Sud, Frederik De Klerk annoncera la fin de l’apartheid en juin 1991, ouvrant la voie à l’élection de Nelson Mandela à son poste [réd].
9 Mazin B. Qumsiyeh : Popular Resistance in Palestine – A History of Hope and Empowerment, PlutoPress, London + New York, 2011.
10 Nom arabe du Mur des lamentations, une section de Haram al-Sharif, ou Esplanade des mosquées, à Jérusalem.
11 Selon un journaliste français du Monde, voir le blogue de Gilles Paris : http://israelpalestine.blog.lemonde.fr
12 A l’aide de 43 Years of Occupation, Jerusalem File, Civic Coalition for Palestinian Rights in Jerusalem, 2011, p. 61. Leur site : www.civiccoalition-jerusalem.org
13 Réseau extrêmement complexe de barrages routiers et de contrôles personnels qui empoisonnent la vie des habitants de la Palestine, humiliés tous les jours depuis leur plus jeune âge. J’y ai consacré des articles ailleurs.
14 L’ONG israélienne B’Tselem en recense entre 6794 et 5335 entre janvier et juillet 2010. La définition d’un prisonnier politique peut varier selon la perspective.
15 Jusqu’à 60 par année sur tout le territoire.
16 Né en 1957, il a obtenu un doctorat en biologie au Texas et a enseigné dans les Université de Yale, Memphis et Duke.
17 Voir note 2.
18 Martin Hauschild, auteur des photos de ce dossier. EAPPI désigne le Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et en Israël auquel participe Théo Buss [réd.]
19 Son site : http://qumsiyeh.org
20 Popular Resistance in Palestine – A History of Hope and Empowerment, PlutoPress, New York + London, 2011. Sharing the Land of Canaan – Human Rights and the Israeli-Palestinian Struggle, PlutoPress, London+ Sterling (Virginia), 2004.
21 Co-fondatrice d’ICADH, Comité israélien contre la démolition de maisons.
22 Yale University Press, New Haven + London, 2011. La citation de la p. 186 en est tirée. Je consacre à cet ouvrage un article-recension paru récemment. cf. Le Courrier, Genève, 30 août 2011, p. 12.
23 La distinction entre produits à boycotter du territoire d’Israël et des colonies de peuplement est impossible : c’est tout ou rien ! Un tribunal français vient de condamner Agrexco pour fraude sur l’origine et cette compagnie israélienne d’exportation de produits agricoles est maintenant en liquidation.